Mdama Toihir est le fondateur et le premier Directeur de l’Agence Nationale pour la Promotion des Investissements (ANPI). Il vit actuellement en France. Il est l’auteur d’un essai politique : Les Comores, tournante et tourmente (2019). Propos recueillis par Mahmoud Ibrahime
[ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2,3,4,5,6,9″ ihc_mb_template=”1″ ]
Masiwa – Monsieur Toihir Mdama, vous avez pris le mouvement en cours de route alors que vous étiez ce qu’on appelle un technocrate, quel bilan faites-vous de votre engagement dans les manifestations de la diaspora ?
Mdama Toihir – (rires) Assoumani Azali et la dictature qui sévit actuellement aux Comores ne m’ont pas laissé le choix…
Je ne pouvais pas rester dans ma « zone de confort », à ma place de technocrate comme vous dites, insensible à la situation actuelle et ne pas assumer ce militantisme politique. À y regarder de plus près, mon engagement dans ce combat est une suite logique. J’ai toujours eu à cœur d’être un patriote au service de mon pays.
Dans « Les Comores Tournante et Tourmente », j’avais déjà pris le parti de dénoncer les maux qui rongent notre société à savoir une situation politique désastreuse, l’absence totale de patriotisme, la culture du « chacun pour soi » et le mépris de la Nation à commencer par ceux-là mêmes qui sont censés la défendre. J’ai tenté à travers cet ouvrage de sensibiliser les miens sur la situation préoccupante au pays et de plaider en faveur du droit et de l’État de droit.
Le hold-up électoral du 24 mars 2019 a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. J’ai ensuite été marqué par les manifestations pacifiques qui ont débuté à Moroni et celles qui ont suivi en France avec le slogan « Mpaka daula ya haki » (« jusqu’à l’État de droit »). J’y ai pris part sans hésiter.
Quarante semaines continues d’actions, de mobilisation et de manifestations pacifiques plus tard, on peut dire que ce combat a permis aux Comoriens d’ici et d’ailleurs de se rencontrer, de se découvrir et de s’engager, toutes générations confondues, corps, cœurs et âmes pour le pays malgré les ingratitudes, les suspicions et les égos surdimensionnés.
Une organisation de rassemblement de la Résistance dans la diaspora a depuis été lancée, ce qui n’était pas une mince affaire quand on sait que ceux qui ont pris en otage le pays ont tout fait pour casser cette dynamique de rassemblement en faveur de l’unité et l’intérêt général.
Dieu merci, ils ont échoué bien qu’ils disposent des moyens de l’État (finances, armée et diplomatie). D’ailleurs, c’est bien dans les rangs d’Assoumani Azali, qui se trompe complètement d’époque, de méthodes et d’opposition que l’on compte les désertions. Pendant que la résistance à l’intérieur du pays s’organise, détermination et vigilance sont les mots d’ordre.
Maintenant, les Comoriens ne doivent pas tomber dans le piège d’Azali qui consiste à mener le pays vers le chaos, ce qui correspond pour moi à la situation de « tourmente » que je décris dans mon livre.
Une concertation regroupant plusieurs personnalités pour la conception et la mise en oeuvre d’un programme de développement durable de l’archipel des Comores va être mise en place dans les prochains jours. Elle se penchera notamment sur les moyens concrets pour améliorer les conditions de vie de la population.
Notre pays regorge de potentialités et de personnes-ressources totalement négligées parce que nos dirigeants n’ont jamais eu cette volonté d’attirer les talents vivant à l’extérieur du pays. Ce combat a donc permis d’éveiller les consciences, de rassembler les forces vives et d’agir pour l’intérêt général de notre pays, ce qui est plutôt positif.
Masiwa – Est-ce qu’au sein des groupes d’opposants à Azali en France, au vu de votre expérience dans un organisme de l’État, vous avez une vision différente de la manière de mener le combat ?
Mdama Toihir – Pourquoi parler de « groupe d’opposants » ? Dans une lutte aussi noble que celle que nous menons et qui tend à « libérer notre pays des mains d’un tyran » chacun a sa place et son rôle à jouer. Ce qui est essentiel, c’est de parvenir à une convergence des objectifs de la lutte pour mettre fin à la dictature d’Azali et du système existant et de préserver le cycle de la tournante entamée à Ngazidja en 2016 pour céder la place à l’île d’Anjouan en 2021 et à l’île de Mohéli en 2026. À mon sens, c’est le seul gage pour sauvegarder l’unité nationale.
Au départ, le deuxième objectif de la lutte n’était pas compris, mais aujourd’hui tout le monde s’accorde à dire que les prochaines élections à organiser seront celles qui doivent permettre à la tournante de reprendre son cycle et arriver au tour d’Anjouan.
Le rôle du pouvoir « intérimaire ou de transition » consistera à créer les conditions pour la tenue de ces élections démocratiques et transparentes.
Masiwa – Qu’est-ce qu’il faudrait pour donner une dimension supérieure au combat des opposants ?
Mdama Toihir – Aujourd’hui, ce mouvement sans précédent et inter-générationnel accompagne le changement tant espéré. La diaspora a su s’imposer comme « actrice politique, économique et socio-culturelle incontournable » et militer comme tous les peuples du monde pour une bonne gouvernance. Désormais, elle refuse d’être mise à l’écart des engagements pris au nom du peuple comorien.
La diaspora doit donc poursuivre cet élan et ne pas hésiter à nouer des alliances constructives pour sortir les Comores de l’obscurité dans laquelle le pays a été volontairement plongé.
Masiwa – Vous étiez en mission il y a quelques jours à Bruxelles, quels étaient vos objectifs ?
Mdama Toihir – (Rires) vous êtes bien informés… Mission à Bruxelles ? Qu’est ce qu’il y a à Bruxelles ? Pensez-vous que ceux qui ont pris en otage notre pays sont les seuls à disposer d’un carnet d’adresses ?
Pour le reste, je vous renvoie aux recommandations émises par les organisations internationales lors de la fausse fameuse conférence des partenaires de Paris.
[/ihc-hide-content]