À Anjouan, la structure associative Maison Médicale fondée en 2014 par Youssouf Bouchrani alias Mwirimwemoi intervient depuis cinq ans dans la prévention contre le diabète et l’hypertension artérielle. Par Faïssoili Abdou
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Vivant à Mayotte depuis plusieurs années, le fondateur de Maison Médicale est témoin du flux incessant des Comoriens de l’autre rive de l’archipel qui arrivent sur l’île comorienne sous administration française pour des soins. Il assiste également impuissant aux naufrages des kwasa-kwasa qui entrainent des nombreux morts dans le bras de mer qui sépare Anjouan et Mayotte.
C’est justement en 2014, année particulièrement meurtrière pour la traversée vers Mayotte, que Youssouf Bouchrani a décidé de monter sa Maison Médicale afin de venir en aide aux plus démunies espérant ainsi diminuer les départs risqués à l’aide d’embarcations de fortune. « Cette année-là, il y a eu le naufrage de cinq kwasas ayant causé la mort de 70 personnes. J’ai alors constaté qu’il y a trop de difficultés dans le secteur de la santé dans notre pays et j’ai ainsi décidé de créer une association pour venir en aide à mes compatriotes. Nous avons décidé d’axer notre action dans la prévention contre le diabète et l’hypertension artérielle qui causent de nombreux dégâts dans notre archipel », explique Youssouf Bouchrani, vice-président de l’association pour le développement de la prise en charge médico-sociale des personnes en situation de précarité et de fragilité (Adppf) qui gère la Maison Médicale de Ouani.
En effet, Mayotte qui s’est dotée d’infrastructures médicales modernes et performantes offre des soins dont des patients des autres îles de l’archipel ne reçoivent pas chez eux. Ces patients qui ne bénéficient pas automatiquement d’un visa d’entrée dans cette île se résignent à emprunter la voie « clandestine » pour s’y rendre et on assiste très souvent à des drames. « Les patients diabétiques sont très souvent refusés par le comité evasan du CHM qui juge la prise en charge possible aux Comores. En réalité, ces patients viennent massivement pour soins à Mayotte. Ces arrivées massives laissent présager un défaut d’appréciation du comité. En effet, au vu du plateau technique, des conditions de prise en charge chronique et du coût du traitement, la bonne prise en charge aux Comores me semble en l’état actuel des choses difficile, voire impossible. L’impossibilité de prise en charge pour ces patients aux Comores a d’importantes conséquences de santé publique à Mayotte. Sans solutions pour une prise en charge adaptée, l’aggravation de l’état de santé de cette population est inéluctable. Dans l’avenir, une intensification de la migration clandestine de cette population comorienne à un stade très avancé de la pathologie est à prévoir et représentera donc une charge de travail et financière importante. Le but n’est pas de se substituer au système de santé comorien, mais plutôt de trouver des alternatives pour éviter ce retard de prise en charge et l’arrivée à Mayotte au stade de handicap de tous ces patients diabétiques », écrit Caroline THOCAVEN, dans sa thèse sur les « migrations sanitaires des Comores vers Mayotte » soutenue en 2014 à l’Université de Bordeaux 2.
Dans sa petite structure de Ouani, l’association (Adppf) présidée par Mohamed Massoundi Ben Ali, chirurgien orthopédique à l’hôpital de Hombo tente tant bien que mal de réduire ce flux vers Mayotte en proposant des soins presque gratuits aux patients. On y paye 100 fc (0,20€ ) pour la prise de la glycémie ou celle de la tension artérielle. Les consultations par un médecin sont facturées à 500FC. La Maison médicale Associative dispose également d’un petit dépôt pharmaceutique qui vend des médicaments à moindre prix. Le médicament le plus cher coûte 2500fc (5€). À en croire Youssouf Bouchrani, depuis sa création en 2014, la structure située en face de la maternité de Ouani aurait accueilli près de 6000 patients dans ses murs. Souvent, l’équipe composée de médecins, d’infirmiers et des cadres d’hôpitaux reçoit des collègues de Mayotte ou des spécialistes comoriens en vacances dans les îles qui viennent leur donner main forte en y menant des consultations.
Deux antennes de la Maison Médicale ont été crées en dehors de Ouani, une à Adda dans le Nyumakele qui a fermé, quelque temps après, faute de personnels disponibles et une autre à Moya. En plus de leurs activités régulières, les bénévoles de la Maison Médicale en partenariat avec l’Ascobef mènent des missions de dépistages dans certains établissements scolaires et universitaires ainsi que dans certaines localités de l’île. Les responsables de l’association projetteraient aussi d’ouvrir des Antennes dans les autres îles de l’archipel. Mais les finances manquent pour le moment. C’est pourquoi le fondateur de la Maison Médicale appelle les bonnes volontés à venir en aide à l’association. Il réclame également des subventions de l’État comorien pour la survie de sa structure qui, des fois, peine à payer le loyer de son siège. « Notre principal partenaire est le CHM de Mamoudzou qui nous apporte de l’aide surtout matérielle. Des particuliers nous apportent également leurs aides, mais ce n’est pas encore suffisant », confie le responsable associatif qui indique que depuis qu’ils sont là, ils n’ont jamais reçu une aide des autorités comoriennes. « On aimerait bien recruter des professionnels de santé pour mener régulièrement des opérations de dépistages dans les différentes localités. Nous nous préparons à faire des dépistages à domicile, car le diabète fait beaucoup de ravages dans notre pays. Il y a des complications qui provoquent des insuffisances rénales et de la cécité », conclut-il.
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