A vingt-sept ans, Mounawar Ibrahimsigne ici son premier roman, dont l’histoire, par le biais de son protagoniste,vogue entreMaroucreve, pays de misère et d’injustices, et Liberta,a contrario convoité. Des sociétés qui ne sont pas sans rappeler les Comores et Madagascar…
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Comme l’indique si justement le titre Pour une place au soleil, cet ouvrage brosse le portrait d’un jeunehomme comme il en existe tant en Afrique qui, parce qu’il est acculé par les difficultés depuis sa prime enfance, entend bien sortir du gouffre social dans lequel il est plongé pour s’offrir ainsi qu’à ses proches une existence plus confortable. Suivre le parcours de Mwandza de ses plus tendres années à son entrée dans la vie active est une occasion pour l’auteur de dépeindre les maux qui rongent sa terre natale depuis des décennies : pauvreté, manque de nourriture, d’eau potable, d’électricité, parodie de justice, magouilles politiciennes…
La seulechance dont dispose le héros pour échapper à son destin peu reluisant: l’école. Obtenir un diplôme, c’est acquérir la garantie de trouver un emploi stable et d’être bien payé. Du moins, c’est ce qu’il se figure avecsa famille, qui endosse le rôle de soutien, de pilier, de sponsor et qui attend en contrepartie le moment venu un retour sur investissement. Le poids de la réussite est lourd, car contrainte à de nombreux efforts et concessions dans un contexte où l’argent fait défaut au quotidien, il lui en coûte de financer ses études. Là encore, c’est le sort de toute une génération désabusée qui est abordé dans ce livre avec des bacheliers qui ne rêvent que de fuir un horizon obscur pour un ailleurs des possibles en s’inscrivant dans un établissement d’enseignement supérieur situé à l’étranger,qui n’entendent que prendre l’avion pour s’assurer de meilleures conditions de subsistance. Une fois leur cursus terminé, undilemmese pose pour tous ces garçons et ces filles, ces intellectuels aptes à modifier le cours des événements : celuide la fidélité à la nation, de l’intérêt particulier face à l’intérêt général. Les diplômés doivent-ils rentrer et mettre à profit leurs connaissances et leur savoir pour contribuer au développement de leur patrie ou répondre à leur instinct de survie, faire montre d’individualisme et se bâtir une carrière loin de l’enfer ? Mwandza, lui, fait le choix deregagner son village.
Mais sur place, il est vite rattrapé par les désillusions en tous genres. AMaroucreve, les inégalités règnent, la corruption et l’argent détourné n’étonnent plus personne. Pire, ils ne suscitent que résignation chez la majorité de la population. Un constat amer pour celui qui a bataillé dur pour s’en sortir: il faut être bien né pour avoir un job intéressant et rémunérateur, il faut avoir des relations pour décrocher un poste dans la fonction publique ou entrer au gouvernement. Peu importe les compétences ou plutôt les incompétences. Mwandzaréalise à quel point son peupleest gangréné par le vice et dirigé par des individusuniquement motivés par leur réussitepersonnelle, ne cherchant qu’à se remplir les poches et le ventre en faisant fi de leurs concitoyens, qui sombrentchaque jour davantage dans le malheur. Confronté à tant de perversion et de travers, le lecteur est au fil des pages amené à réfléchir à la manière dontchacun peut, à son niveau, mettre un terme à des pratiques assassines, à imaginer comment ramener dignité et savoir-vivre chez ses semblables.
En dépit des obstacles, Mwandza ne se laisse pas abattre. Doté d’un mental de fer, il finit par atteindre son objectif, nous donnant une belle leçon, à savoir qu’il convient de garder foi en ses rêves, de persévérer, de faire preuve de courage et d’entêtement pour obtenir gain de cause. Cetécrit est également une réflexion sur la nécessité de se cultiver et l’importance de la culture générale.
Pour pimenter le récit,l’écrivain introduit une intrigue amoureuse entre Mwandzaet une étudiante étrangère, ce qui nous renvoie à nouveauaux Comores, où la tradition veut qu’on épouse quelqu’un de chez nous, quelqu’un du village.Un sujet épineuxet de plus en plus récurrent dans les îles de la lunepuisquele taux d’émigration est important. Délestés de leur carcan coutumier, beaucoup parmi la diaspora commencent à s’élever contre l’ordre établi, provoquant de ce fait un conflitintergénérationnel.
Pour une place au soleil est pour tous les thèmes qu’il aborde une œuvre engagée qui donne un coup de pied dans la fourmilière des tabousmaroucrevois de ce début de vingt-et-unième siècle…
Ibrahim Mounawar, Pour une place au soleil, Cœlacanthe, décembre 2018.
Laurence Mennecart
Livre à commander ici aux éditions Coelacanthe
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