Le 19 mai dernier, la maison Beaucor recevait la certification biologique « validant la qualité naturelle de sa gamme Ridaaah », une certification qui permet de valoriser le made in Comores au niveau international. Par Nawal Msaïdié
Le produit cosmétique phare de la marque est le msindzanu, élément de beauté indispensable de la femme comorienne. Quels sont les secrets de beauté des îles Comores et quels rituels se cachent derrière leur utilisation ?
Le msindzanu fil conducteur de la vie de la Comorienne
Pâte issue du frottement du bois de santal et de la pierre de corail, originaire de Madagascar (on la retrouve chez les femmes sakalaves et de nombreux Comoriens ont vécu dans la région de Diego Suarez), le msindzanu se retrouve dans toutes les maisons comoriennes et se transmet de mère en fille.
Le msindzanu est une pâte dont les couleurs et l’odeur varient selon l’ingrédient qui est utilisé en plus du bois de santal : dzindzanu (curucuma), yasmin (jasmin), bonobo (avocat), etc. Pour la femme il est avant tout un masque qui la protège des effets du soleil sur la peau. Elle le porte souvent chez elle pour sublimer son teint, mais aussi à l’extérieur pour celles qui travaillent aux champs, sur les marchés, etc.
Élément du quotidien, il est aussi mis en avant lors de différentes cérémonies.
À Ndzuani, la jeune fille se voit parer de son masque de beauté lors de son ponzo, lors de la fête organisée à l’occasion de l’apparition de ses premières règles, la petite reine se distingue non seulement par ses bijoux et ses vêtements, mais aussi par le msindzano qui sublime son teint.
Sur tout l’archipel, lors de son mariage la bibi harusi doit porter le masque de beauté lors de la préparation, mais aussi jusqu’au tsihu ya shenda (le neuvième jour), elle retire le masque juste avant sa première sortie de jeune mariée. L’effet du port de msindzanu est censé distinguer son visage de celui des autres femmes.
À Anjouan, Mayotte et Mohéli, le visage de la jeune mariée est maquillé avec des dessins à base de msindzanu ou de tanimalandi (argile blanche issue de la pierre de kaolin).
Enfin, tout au long des 40 jours suivant l’accouchement, la jeune maman reçoit des soins du corps à base de msindzanu pour sublimer son corps. Certaines familles font des préparations qui s’ apparentent au « musc tahara » utilisé dans les pays arabo-musulmans : de petites boules de savon sont formées à partir de msindzanu, jasmin et de upvamba (pièce de tissu, coton).
Pour Karida Jaffar, créatrice de la Maison Beaucor « quand on parle de la cosmétique comorienne, c’est le msindzanu, un des meilleurs masques au monde avec ses diverses vertus ». Avec ses produits, l’esthéticienne permet d’avoir accès au msindzanu plus facilement pour la diaspora, pour toutes les femmes convaincues de ses vertus et qui n’ont pas la possibilité de le préparer elles-mêmes. En effet, elle le commercialise déjà transformé.
L’héritage arabo-musulman ?
Si le msindzanu se porte à des étapes variées de la vie d’une jeune jeune fille, il y a du maquillage qui autrefois était exclusivement réservé à la femme mariée, que l’on peut aussi trouver chez les hommes.
Le gwena est l’équivalent du crayon noir et a pour première fonction de sublimer le regard. Autrefois la femme portait pour la première fois le gwena le jour de son mariage. À Mayotte et à Anjouan, bwana harusi lors de son barzangue ou du manzarka a aussi son trait de gwena, il a « valeur de protection contre le mauvais œil », le husuda selon Dr Saïd Hassani Mohamed, maître de conférences àl’Université des Comores. Cette protection est aussi visible chez les enfants comoriens lorsqu’ils sortent en public, lorsque les parents doivent les ramener à l’extérieur dans la nuit, parfois dans les yeux ou pour les plus petits une marque sur le front et/ou derrière les oreilles. Certains djaula se distinguent des autres aussi avec le gwena.
Le ina ou hene est utilisé pour rendre beau les mains, les bras, les pieds, les jambes de bibi harusi. La mariée est en général la seule qui en a le plus sur le corps. À Anjouan, lors de la cérémonie du hene la future mariée partage un moment intime avec ses amies proches qui, elles, portent le hene uniquement sur une ou les deux mains et nulle part ailleurs sur le corps. Cette pratique s’observe sur les jeunes mariés originaires des autres villes surtout celle de la diaspora qui semble suivre une coutume qu’elle observe dans les communautés musulmanes des pays où elles vivent. Le hene et aussi utilisé comme élément de coloration des cheveux et de la barbe chez l’homme comorien. Enfin, il peut être utilisé comme élément curatif sur un ongle ou une partie du corps blessé.
« Le msiwaki a avant tout fonction de maintien de l’hygiène bucco-dentaire. La substance carmin qui en ressort était utilisée autrefois pour rougir les lèvres et les rendre plus belles ». Les vertus du bâton de msiwaki sont évoquées dans les écrits coraniques.
L’une des paroles de la chanteuse Samra est “mwana mshe beauté “, la femme comorienne comme beaucoup de femmes dans le monde accorde une grande importance au soin du corps et cherche à le sublimer. Les produits traditionnels permettent de maintenir cette beauté dans un cadre naturel et rendre uniques les nombreux moments de partage et de joie qui rythment la vie sociale aux Comores.