Le respect de la distanciation physique n’est pas encore une réalité dans les écoles comoriennes. La rentrée scolaire 2020-2021 aux Comores a eu lieu officiellement le 24 novembre 2020 dans les établissements publics. Une rentrée tardive causée par une fin d’année scolaire 2019-2020 retardée à cause de la fermeture des écoles suite à la première vague du COVID 19. À la reprise des cours en novembre, le port du masque ainsi que le respect des gestes barrières ne sont pas respectés notamment dans les écoles publiques. Par Natidja HAMIDOU
Les autorités comoriennes ont autorisé la rentrée scolaire alors que les recommandations du président sur le coronavirus étaient toujours en vigueur. Port du masque, distanciation physique, respect des gestes barrières, lavage des mains avec du savon ou avec du gel hydro alcoolique, font entre autres partie de ces exigences. Les établissements scolaires étaient censés les respecter. Ce qui n’est pas le cas jusqu’à lors, notamment dans les écoles publiques. « À la reprise des cours, aucune disposition particulière n’est prise pour cette rentrée. Les choses sont restées les mêmes comme en période normale. Personnellement, je portais le masque parce que je me considère comme une personne à risque. Mais ce n’est pas le cas pour mes collègues. N’en parlons plus pour les élèves dans les écoles publiques », affirme Bacar Mvoulana, enseignant de mathématiques au lycée Said Mohamed Cheikh de Moroni. Thourayat Aliani, professeur de SVT dans un collège public tient le même discours : « avant l’allocution du président le 25 janvier dernier, ni les élèves, ni les professeurs, ne portions de masques ».
Les écoles privées suivent les consignes
Pourtant, des mesures ont été prises, selon cette même enseignante, à savoir la prise des températures à l’entrée et à la sortie de l’établissement, le lavage des mains, ne pas dépasser l’effectif de 21 élèves par classe, le port du masque. Mais c’est le respect qui fait défaut : « Certaines conditions étaient respectées. D’autres n’étaient pas réunies », précise-t-elle. Hassane Mohamed, parent d’élève admet que son fils ne portait pas de masque pour aller à l’école : « J’ai commencé à donner le masque à mon fils quand j’ai appris qu’à Mohéli, il y a eu des décès à cause du virus. Pourtant, on le laissait entrer en classe ».
Un encadreur pédagogique qui a préféré garder l’anonymat a affirmé qu’aucune mesure concrète n’a été prise : « pour l’instant, les moyens déployés sont uniquement des thermoflash pour prendre la température des élèves chaque matin. Nous, encadreurs, avions suivi une formation afin que nous puissions former les directeurs des établissements scolaires sur les mesures barrières. Des bénévoles et des agents de propreté ainsi que des associations villageoises devraient être également formés ce samedi 30 janvier sur la désinfection des salles de classe. Il n’y a que les écoles publiques qui sont conviées ».
Toutefois, certains établissements privés suivent à la lettre certaines exigences : « Les écoles se sont soumises aux recommandations du ministère. Les élèves portent les masques et les surveillants veillent à ce que les écoliers respectent les gestes barrières », déclare Abdoulfatah Ali, enseignant en classe de 3e à l’école privée Fundi Abdoulhamid. « Nous portons les masques en classe, mais les mesures barrières ne sont pas respectées. Nous sommes plus de 30 personnes dans une même classe », affirme Anziza Ahamada, élève en première à l’école privée Groupe Scolaire Avenir de Moroni. « Dès la rentrée en novembre, le masque était obligatoire. On ne nous laisse pas entrer si nous n’avons pas le masque. Et après le discours du président, c’est encore plus strict. Car on ne peut même pas descendre le masque sur le menton. Sinon, on est suspendu de cours pour une semaine », déclare Nasrine Mohamed, élève en classe de 2de, à l’école privée Mouigni Baraka.
Les établissements restent ouverts
À Mohéli, avant la fermeture des écoles, Mouayad Salim, qui enseigne à la fois au lycée de Fomboni et dans des écoles privées affirme que « le port du masque était obligatoire pour les élèves et enseignants ainsi que le lavage systématique des mains ».
Malgré la deuxième vague de la Covid-19 due à la variante sud-africaine, les autorités maintiennent l’ouverture des écoles alors qu’il est impossible de respecter la distanciation physique. Les établissements scolaires ne disposent pas des moyens logistiques pour répondre aux recommandations et éviter la contamination du virus. « La distanciation physique doit être respectée. Ce qui ne me parait pas facile. Donc, des dispositions doivent être prises », réclame Mouayad Salim. « Dans ma classe, il est impossible de faire de la distanciation physique. Les tables sont tellement serrées. Nous sommes quarante-quatre élèves », affirme cet élève de l’école Mouigni Baraka.
« S’agissant de la distanciation physique, je crois que le ministère n’a pas insisté sur cette mesure comme il l’avait exigé pour la fin de l’année scolaire 2019-2020. Je pense que ça aurait été difficile étant donné que le gouvernement n’a pas honoré les engagements envers les établissements privés », déplore Aboulfatah Ali. Cet enseignant de Lettres souligne que le gouvernement « avait promis d’accompagner financièrement les écoles privées. Celles-ci avaient divisé les effectifs dans les classes afin de respecter la distanciation physique ».
La crainte des enseignants et des parents
Cette situation inquiète les enseignants. « Je crains une recrudescence de la maladie et une contamination accrue chez les enseignants. Car, si on n’accompagne pas les établissements, on s’expose au danger », déplore Bacar Mvoulana. Même inquiétude chez la professeure de SVT : « J’ai peur surtout que le nouveau virus se propage rapidement puisque les gestes barrières ne sont pas respectées », se préoccupe Thourayat Aliani.
Certains parents sont tracassés et ne souhaitent pas le maintien de l’ouverture des écoles. « Je suis très inquiète au point d’appeler l’école de mes enfants pour les sensibiliser à fermer provisoirement l’établissement comme c’est une école privée. J’ai deux enfants. L’ainée qui est en 6e porte le masque et a toujours son gel hydroalcoolique dans son sac. Mais son petit frère qui a trois ans et demi ne supporte pas le masque. Je pense que je vais le garder à la maison », s’indigne Loulou Said Issilamou.
Quant à Hassane Mohamed, ce père de famille souhaite également que les écoles soient fermées et que la population soit confinée comme à Mohéli. Quant à Hadidja Moussa, mère de cinq enfants, tous scolarisés dans l’enseignement public, elle regrette ne pas avoir les moyens pour que ses enfants portent quotidiennement le masque à l’école : « que les écoles soient fermées. C’est la seule solution. Que mes enfants refassent une autre année au lieu de mourir », clame cette vendeuse de légumes. « Je ne cache pas que j’ai peur d’attraper cette maladie. Mais je n’ai pas le choix. Je dois suivre les cours », affirme Badria, élève en terminale au lycée de Moroni.
Si les enseignants de Ngazidja affirment ne pas l’avoir attrapé pour le moment ni être au courant pour leurs élèves, ce n’est pas le cas pour Mouayad Salim : « avant la fermeture des écoles à Mohéli, je l’ai attrapé ainsi que quatre de mes collègues », déclare-t-il.
Ces enseignants appellent leurs supérieurs hiérarchiques à prendre les mesures nécessaires afin que toutes les recommandations soient respectées. Certains estiment que les écoles doivent fermer si les moyens ne sont pas déployés pour le respect des recommandations. D’autres veulent le maintien des cours comme Abdoulfatah Ali qui précise que « pour l’instant, les écoles ne constituent pas de foyers de contamination. Sinon, on l’aurait su. Donc, inutile de pénaliser les élèves ».
Afin de connaître les dispositions prises et les moyens mis en place suite au discours du chef de l’état, Masiwa est entré en contact avec trois directeurs d’établissements publics, mais aucun n’a voulu répondre à nos questions. L’opinion s’interroge sur les raisons du maintien des cours alors que le chef de l’État a décrété une urgence sanitaire. Rappelons qu’à Mohéli, les écoles sont toujours fermées.