Face aux nombreux tremblements de terre qui ont touché Mayotte l’année dernière et la découverte d’un nouveau volcan au large de l’île, la préfecture a entrepris de faire comprendre le phénomène d’une manière rationnelle à la population par une tournée de scientifiques sur plusieurs villes et villages de l’île. Il s’agit pour l’État français de calmer les peurs et interrompre les spéculations sur les causes des essaims de séismes qui étaient jusque-là inexpliqués. Par Mahmoud Ibrahime
Expliquer le volcan aux Maorais
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Il est prévu que les paroles des scientifiques soient traduites en shimaore car le public visé principalement est celui des Maorais, inquiets depuis les tremblements de terre et qui maintenant entendent parler de volcan, d’enfoncement de l’île, de montée du niveau de la mer et même de risques de grandes marées avec des vagues de quatre mètres, comme les services de l’État l’avaient prévu la semaine dernière.
L’année 2018 a été marquée par les nombreux tremblements de terre qui ont installé dans l’île une certaine psychose au sein de la population, faisant des fissures dans les maisons, fragilisant certains bâtiments, particulièrement les établissements scolaires. Les scientifiques ont enfin trouvé la raison principale des tremblements de terre, il s’agissait de la formation d’un volcan sous-marin à 50 km de la Petite Terre. Avec cette découverte, d’autres inquiétudes sont apparues.
Ce vendredi 4 octobre, la série de réunions publiques a débuté à Pamandzi, en Petite Terre, en présence d’un stagiaire de l’ENA auprès de la préfecture de Mayotte et deux scientifiques, l’un du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) et un jeune chercheur du Centre universitaire de formation et de Recherche (CUFR).
Une activité volcanique intense
Le chercheur du CUFR a rappelé que Mayotte est une île volcanique et a retracé son histoire géologique qui a commencé il y a environ 10 millions d’années. Le chercheur a également montré qu’il y a 1,5 millions d’année, l’île avait déjà commencé à s’enfoncer sous son propre poids et la barrière de corail a commencé à apparaitre. L’enfoncement actuel n’est donc que la suite de ce qui s’est passé il y a un million d’années.
Le chercheur du BRGM a pris la parole pour donner plus de précisions et les caractéristiques des phénomènes qui se produisent aujourd’hui. Il a lui aussi rappelé que depuis 2018, il y a eu plus de 2000 séismes dont la magnitude a dépassé les 3,5 sur l’échelle de Reichter. La plus forte a été enregistrée le 15 mai 2018 à 5,8.
Aujourd’hui, les séismes sont moins nombreux et moins intenses, mais chaque mois on a 1000 séismes de moins de 3 sur l’échelle de Reichter.
Les instruments de mesure déposés un peu partout sur terre et en mer ont permis de situer précisément le lieu de l’activité du volcan et localiser le centre du séisme. La zone de séisme est à 5 et 15 km, alors que le volcan lui-même est à 50 km de la Petite Terre.
Déplacement et enfoncement de l’île
Le volcan a été découvert à 3500 km de profondeur et il présente une hauteur d’environ 800 mètres. Au début le volcan émettait un panache de gaz, mais ce n’est plus le cas.
L’autre crainte de la population est l’enfoncement de l’île. Dès le mois de novembre 2018, un déplacement de l’île vers l’est et un enfoncement ont été signalés par l’Institut géographique national (IGN) à Paris. Les vérifications des scientifiques ont permis de s’aperçevoir que l’île s’était déplacée de 20 cm en un an et s’était enfoncée de 8 à 15 cm de l’ouest à l’est. Aujourd’hui l’enfoncement s’est stabilisé.
Après les exposés des scientifiques, le public a eu le droit de poser des questions. Par leurs interrogations les gens ont tenté de se rassurer quant à la durée des phénomènes, les dangers notamment à travers les émissions de gaz, dont les pêcheurs ont pensé dans un premier temps qu’elles étaient responsables de la mort de poissons.
Le chercheur de la BRGM a été très pédagogue répondant une à une les questions techniques et laissant de côté les questions politiques. Il a reconnu que le BRGM ne peut que continuer la surveillance et prévenir d’un éventuel danger, mais qu’il ne peut pas savoir jusqu’à quand ces phénomènes dureraient.
A quand les indemnisations ?
Sur la question de l’alerte, il a laissé la parole au représentant de la préfecture qui s’est contenté de dire qu’ils étudient un système d’alerte qui prenne en compte les spécificités des Maorais.
La question qui a préoccupé le plus l’auditoire est celle des indemnisations des habitants qui ont eu des fissures dans leurs maisons, ce qui passe forcément et préalablement par une reconnaissance de l’État de catastrophe naturelle par l’État. Un certain nombre de citoyens de Pamandzi, tous métropolitains, sont venus le dire. Leur voix a été également portée par l’ancien président du Conseil Régional, Daniel Zaïdani qui s’est interrogé sur le refus de l’état alors qu’en métropole, il y a peu de temps, un séisme a provoqué immédiatement la déclaration de l’état de catastrophe naturel. Une responsable d’une école privée qui s’est effondrée a expliqué que les habitants de Mayotte sont « des victimes et des victimes qu’on ne veut pas entendre », avant de réclamer elle aussi que l’État entende leurs voix.
Le représentant de la préfecture, un jeune homme stagiaire de l’ENA a tenté de calmer la colère des gens d’abord en leur disant que les autorités allaient prendre en compte cet aspect, mais que le sujet était l’étude du phénomène, puis il a demandé aux gens de remonter les informations aux maires. Mais, après une vive réaction du public, il s’est repris en s’engageant à prendre les coordonnées des sinistrés pour y apporter des réponses concrètes.
Les propos des conférenciers et du représentant de la préfecture étaient traduits en shimaore, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive qu’il n’y avait plus de Maorais, les quelques locaux qui étaient là au début de la conférence étaient presque tous partis. Une personne du public s’est écriée « Pourquoi il n’y a pas plus de maorais ici ». La chargée de communication de la Mairie de Pamandzi a expliqué : « On a été pris de cours, on a communiqué partout : Facebook, mosquées… Le message est passé, mais quand les gens ne veulent pas bouger, on ne peut pas les forcer ».
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