Le management de Kamaldini Souef, directeur général des Douanes depuis trois ans déjà, ne fait visiblement pas recette aux yeux de ses collaborateurs. En effet, dans un long courrier de trois pages adressé récemment au ministre des Finances, plus d’une centaine d’employés de la douane s’attaquent vertement à sa gestion dénonçant une « douane en dérive vers son enlisement ». Par Faïssoili Abdou
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Il y a de l’eau dans le gaz à tous les étages dans les locaux flambant neufs de la douane comorienne. Dans une lettre au vitriol adressé le 26 août dernier au ministre des Finances, Saïd Ali Chayhane, et qui a fuité ensuite sur les réseaux sociaux, le « collectif de la douane comorienne », formé d’inspecteurs et agents de l’administration douanière, pousse un cri d’alarme par rapport à la gestion hasardeuse de leur institution. Et, ils n’y vont pas de main morte. «On tient à vous informer que la douane comorienne s’effondre, car les supposées réformes qui sont entreprises restent purement administratives et superficielles sans aucun sens de pérennisation dans le temps parce qu’elles n’incarnent pas les principes fondamentaux des douanes », assènent-ils d’emblée. Un pavé dans la marre.
Pour appuyer leur argumentation, les signataires de cette missive citeront plusieurs mesures annoncées avec tambour et trompette par la direction générale avant de tomber subitement dans l’oubli. Ils dénoncent par la même occasion les marchés de gré à gré qui semblent être la norme au niveau de la douane. Ils en veulent pour preuve la construction des nouveaux bâtiments de cette institution et l’achat d’un scanner qui ont été réalisés sans appel d’offres. Il en est de même de la « privatisation de la caisse » de la douane attribuée à une banque privée de la place. Une opération fortement épinglée par le personnel qui trouve qu’ elle « n’apporte rien aux recettes que des ruptures permanentes de connexion résultant une augmentation du temps de main levée des marchandises et une lourdeur dans son fonctionnement » .
« Il est inadmissible qu’on enregistre des difficultés énormes à répondre aux exigences en matière de recettes et en même temps on verse des millions à une banque qui exerce une fonction douanière sans générer aucun franc », déplorent-ils. Ils enchainent, « c’est une décision illogique qui n’existe dans aucune douane au monde ». Et de s’interroger « si la Banque centrale n’est pas crédible pour verser les recettes de l’État, quelle institution financière serait-elle crédible. Par ailleurs, il est important à noter que la cession d’un service public ne peut se faire sans une loi et l’attribution sans appel d’offres ». Ils dressent ensuite un tableau peu reluisant de la gestion de cette institution fiscale qui, à les entendre, voguerait au gré des vents « sans vision, ni stratégie, ni programme, ni plan d’action connu ». Un bateau ivre.
Dans ce même élan, les signataires de ce courrier décrivent le climat délétère qui prévaudrait au sein de leur institution marquée notamment par « une gestion caractérisée par l’arrogance, l’orgueil, l’omniscience, la suffisance, le mépris, le mensonge, l’harcèlement moral et physique, la discrimination, l’impolitesse, les insultes, les intimidations en portant atteinte à la dignité, l’honneur et le respect de soi ». Une véritable pétaudière.
Les contestataires de la douane n’ont pas manqué de passer le bilan du directeur général à la moulinette dénonçant tour à tour « la corruption et le mensonge, la confusion des attributions et l’anarchie dans le cadre de l’organisation » de l’administration. « Après trois ans d’exercice, l’on prétend organiser, ce jour, un séminaire portant sur la lutte contre la corruption alors qu’elle sévit dangereusement à cause de l’amateurisme et de l’incompétence », enfoncent-ils. Ils enchainent encore plus incisifs en révélant que l’annonce faite en 2017 de deux milliards de francs comoriens de recouvrement mensuel par la direction des douanes en présence des plus hautes autorités de l’État n’est ni plus ni moins qu’un « mensonge flagrant ». « On note un mensonge flagrant lié à des fausses statistiques permanentes et délibérées entre le recouvrement réel des droits et taxes et les chiffres énoncés notamment à cause de la prise en compte de Taxe unique pour les produits pétroliers (TUPP) en tant que performance et les droits et taxes à ne pas percevoir liés aux exonérations comme étant des recettes budgétaires », ont-ils soutenu.
Les signataires de cette lettre au vitriol concluent en se tournant vers le ministre des Finances afin qu’il se saisisse de cette situation. « Le personnel de la douane vit dans une situation de désespoir quant à l’avenir de leur carrière et se tourne vers vous en tant qu’ancien directeur général des douanes et actuel ministre des Finances afin de se joindre à eux pour sauver une douane en dérive », ont-ils écrit dénonçant les recrutements à tour de bras qui se font dans l’institution « en défiant la politique d’assainissement du secteur public ». Selon eux, de 430 en 2016, les agents de la douane ont atteint le nombre de 627 en 2019 soit une augmentation de 197 dont 123 contractuels.
Les autorités entendront-elles cet appel ou feront-elles la sourde oreille ? Attendons voir. Demain personne ne pourra se dédouaner.
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