La non-assistance à personne en danger consiste à s’abstenir de porter secours à une personne en détresse. En effet, on ne peut pas décider sciemment de ne pas aider quelqu’un en péril surtout si on n’engage pas sa propre vie dans l’intervention à entreprendre. Par Mounawar Ibrahim, juriste
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Pour parler d’une non-assistance à personne en danger, il faut qu’il y ait deux éléments. Le premier est la connaissance d’un péril grave et imminent qui menace la vie et l’intégrité physique de la victime. Comme le cas d’un passant ou d’un automobiliste témoin d’un grave accident de la circulation. Le deuxième élément est la décision de ne pas intervenir : on a vu l’accident ou le danger, mais on a décidé de continuer sa route sans intervenir. Et pourtant l’aide qu’on pouvait apporter était nécessaire et n’exposait pas le sauveteur lui-même au danger.
Du Code pénal comorien
Dans la législation comorienne, c’est l’article 48 du code pénal qui est consacré à cette infraction. Deux choses doivent particulièrement nous intéresser. La première est la nature de l’acte en question. Lorsque les faits sont de nature criminelle ou délictuelle contre l’intégrité physique de la victime, le premier alinéa dispose que : « Sans préjudice de l’application, le cas échéant, des peines plus fortes prévues par le présent Code et les lois spéciales, sera puni d’un emprisonnement de trois mois à cinq ans et d’une amende de 12.000 à 300.000 FC ou l’une de ces deux peines seulement, quiconque, pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un fait qualifié crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne, s’abstient volontairement de le faire ».
La deuxième est d’ordre général, sans entrer dans les détails. L’alinéa 2 dispose : « Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril, l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pourrait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ».
Omission de témoignage
Un autre cas est aussi à évoquer même s’il est un peu particulier du fait qu’il sort du cadre initial. Si on décide de garder pour soi, une information qui pourrait disculper une personne injustement condamnée, on est coupable d’une certaine forme de non-assistance à personne en danger bien que le danger en question soit « doux » compte tenu de l’aspect judiciaire qu’il revêt. « Sera puni des mêmes peines celui qui, connaissant la preuve de l’innocence d’une personne incarcérée préventivement ou jugée pour crime ou délit, s’abstient volontairement d’en apporter aussitôt le témoignage aux autorités de justice ou de la police. Toutefois, aucune peine ne sera prononcée contre celui qui apportera son témoignage tardivement, mais spontanément » (alinéa 3 de l’article 48).
Des difficultés liées à cette infraction dans la pratique
Suivant la célèbre formule « la liberté est la règle, la contrainte l’exception », des questions peuvent être posées. Elles ont déjà été parfois posées en Occident : celles de l’euthanasie et du suicide.
Il est bon de rappeler que laisser une personne se suicider sous prétexte que c’est sa volonté est pénalement sanctionné. Dans la pratique, les cas d’infraction par omission comme on les qualifie en droit pénal, sont rarissimes. Il est très difficile d’établir la preuve dans ce cas de figure. Le témoin du danger peut toujours se justifier. Comme dire qu’il n’a pas réalisé que le danger était grave et imminent ; ou bien qu’il n’a tout simplement rien vu bien qu’il soit passé par là.
De la portée morale du concept
La non-assistance à personne en danger est, avant d’être un acte incriminé, une valeur morale que chacun doit prôner. La vie humaine étant sacrée, nul ne doit se permettre de la mépriser. Une personne qui se noie demande l’aide de toute personne à proximité, qui a connaissance du danger imminent. Pareil pour toute personne qui assiste à un incendie. Récemment, beaucoup de personnes ont été heurtées par l’attitude malvenue des gens qui filmaient sans rien entreprendre contre le feu dans le quartier de Caltex à Moroni. Pendant que le feu ravageait des maisons, les habitants du quartier faisaient des directs facebook au lieu d’essayer de contenir le feu. Si une personne âgée ou un enfant se trouvaient piégés dans la fumée, on ne pourrait pas tout mettre sur le dos de la protection civile. Les premiers secours sont nécessaires et c’est à la population de les entreprendre.
Dans les polémiques à propos de la non-assistance à personne en danger, on peut citer la célèbre affaire dite « la fillette et le vautour ». Kevin Karter, reporter photo sud-africain obtient le prix Politzer en 1994 pour sa photo montrant une «fillette » soudanaise (un garçon après enquête), affamée, prostrée sur le sol et observée par un vautour à quelques mètres. La polémique engendrée par la photo a été grande, car l’opinion a estimé qu’au lieu de sauver l’enfant du vautour, Karter a préféré le prendre en photo. Plus tard, il a été établi que la photo a été sortie du contexte, mais difficile de le comprendre surtout quand on sait combien la consécration ou même le « buzz » peut être source de dérive.
Enfin, la non-assistance à personne en danger est une façon pour le législateur de dire à l’homme que la vie de son prochain a la même valeur que la sienne ; que si pour la sauver, on ne s’expose pas au même danger ni même à un tiers, on doit le faire par n’importe quel moyen. A l’impossible nul n’est tenu.
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