Masiwa –ZamZam, vous venez de sortir votre deuxième recueil, en quoi est-il différent du premier ?
ZamZam Elhad –Les deux livres se distinguent surtout au niveau de la forme, en ce sens que mon premier livre était écrit exclusivement en langue comorienne et que celui-ci contient des textes en français. Le nombre de textes compilés dans Au pied du manguier est également plus important que dans Tsandza.
Sur le fond, les deux livres évoquent des vœux, des sentiments inspirés de ma vie personnelle.
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Masiwa – Le thème de l’amour est omniprésent, êtes-vous amoureuse ? Pourquoi le sentiment amoureux vous inspire ?
ZamZam Elhad –J’ai comme l’impression que tout ce que je dirai pourrait être retenu contre moi, donc je ne répondrai à votre question qu’en présence de mon amoureux.
Plus sérieusement, je laisse les textes répondre à ma place.
Maintenant vous avez raison, ce livre est un recueil consacré à l’expression des sentiments. Le thème de l’amour y est dominant.
Le sentiment amoureux est pour moi la plus banale des sources d’inspiration. C’est une matière brute qui est en chacune et chacun d’entre nous pour peu que nous ayons déjà éprouvé des sentiments pour une autre personne. Le seul effort demandé est d’être capable de transcrire ce ressenti sur un papier. Et c’est un peu ce que j’ai fait.
Masiwa – Y a-t-il de grandes amoureuses qui vous inspirent ?
ZamZam Elhad –À moins que vous ne me demandiez de vous citer ces héroïnes des séries indiennes ou sud-américaines qui nous envahissent, je n’ai vraiment pas de personnages qui m’inspirent. Je suis en quelque sorte ma propre inspiration même si certaines histoires d’amour connues m’ont marqué. Je pense à Lady Diana, Celine Dion…
Masiwa – En fait, il s’agit de deux recueils en un, l’un en Shikomori et l’autre en français, pourquoi les avez-vous rapprochés ?
ZamZam Elhad –J’ai du mal à parler de deux livres en un. Je préfère dire qu’il s’agit d’un livre en deux parties.
Hokoni Mo myembe – Au pied du manguier est pour moi une compilation de textes dont certains sont en langue comorienne et les autres en français. L’ensemble des textes qu’ils soient en comorien ou en français, parlent d’un amour naissant, ressenti, vécu et passionné. Et comme j’aime le dire, l’amour se parle dans toutes les langues. Le Shikomori est une langue qui me passionne, mais j’ai voulu après Tsandza, exclusivement en comorien, élargir mon public. J’ai beaucoup de personnes qui suivent mes activités artistiques qui ne maîtrisent pas le Shikomori.
Masiwa – Pourtant, vous ne dites pas l’amour de la même façon en Shikomori qu’en français ?
ZamZam Elhad –Pourtant le sentiment retranscrit en Shikomori est le même que celui exprimé en français.
La différence est donc à rechercher dans la structuration de notre langue maternelle. Elle est souvent pudique et particulièrement imagée. D’ailleurs, c’est cette particularité qui m’a conduit à ne pas m’amuser à traduire les textes comoriens en français ou inversement pour garder l’authenticité du sentiment telle qu’elle est exprimée à l’instant où j’ai écrit chaque texte.
En fait, comme on peut le remarquer les textes retracent des situations diverses à des moments différents et le choix de la langue était en fonction du contexte.
Masiwa – Quels sont vos prochains projets ?
ZamZam Elhad –J’ai toujours un album de slam en cours de préparation. Sa sortie tarde un peu pour des raisons techniques.
Je réfléchis sur la mise sur papier d’une douloureuse histoire portant sur les violences et harcèlement sexuel, mais pour le moment je souhaite ne pas en parler. Je verrai avec mon éditeur pour programmer cela inshallah.
Masiwa – Justement la lutte contre la violence faite aux femmes est l’un de vos combats, que vous inspire cette impunité dont bénéficient les violeurs et les pédophiles ?
ZamZam Elhad –Je suis avant tout une femme, j’appartiens donc au sexe affaibli, et non « faible » comme les machos et sexistes aiment nous qualifier, sexe qui paie le plus en termes de victimes de ce phénomène.
Je ne peux qu’être frustrée, scandalisée et révoltée de voir les coupables d’actes immondes échapper au châtiment mérité.
On ne peut pas rester indifférente face à ces vies qui se font voler, détruites.
On ne peut pas continuer et accepter une société où le “tais-toi et subis” devient une règle de conduite dictée implicitement au sein de la famille, à l’école, dans la rue et légitimée au Palais de Justice de Moroni.
L’impunité dont bénéficient les auteurs de tels actes est le signe caractéristique d’une justice injuste et d’une société archaïque, loin donc de l’émergence.
Masiwa – Vous vivez maintenant au Sénégal, où vous faites vos études en génie civil, est-ce que c’est un pays qui vous inspire ?
ZamZam Elhad –Votre question me renvoie à une qui est devenue récurrente lorsque j’explique à quelqu’un ce que je fais au Sénégal: « toi qui écris, slames, t’es au Sénégal, pas pour étudier Senghor et perfectionner ta maîtrise de la langue et tout, mais pour du Génie civil? ».Encore une réaction sexiste. Une femme ne devrait s’orienter que dans des filières sociales, littéraires…
Non, leur dis-je. Je suis au Sénégal pour étudier le Génie civil, car le sexisme et le machisme, il faudra finir par les ensevelir dans du béton armé.
Et pour répondre à votre question, oui le Sénégal m’inspire beaucoup. Ici l’excision, une des premières formes de violence faite à la femme existe.
Ici je croise régulièrement ces femmes et jeunes filles qui mendient dans la rue. Tout cela m’inspire.
Mais Dakar c’est aussi une ville artistique où plusieurs formes d’expression se développent. Cela nourrit ma passion pour l’écriture, le slam. J’ai déjà participé à des activités dans mon champ d’expression.
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Propos recueillis par Mahmoud Ibrahime