Le Gouverneur d’Anjouan, Anissi Chamsidine pensait bien faire en signant un arrêté interdisant les bateaux ramenant à Anjouan des Comoriens sans papiers français à Mayotte. Le gouvernement central ne l’a pas suivi et le préfet de Mayotte peut continuer à envoyer des bateaux remplis de Comoriens à Anjouan, dans cette période où la covid-19 bat des records à Mayotte. Par Mounawar Ibrahim
Par un arrêté du 29 janvier 2021, le Gouverneur d’Anjouan suspend la liaison maritime entre Mayotte et Anjouan. Anissi Chamsidine a voulu ainsi mettre fin à toute opération de renvoi de Comoriens en situation irrégulière à Mayotte pendant cette crise sanitaire. « En attendant une évolution effective de la situation épidémiologique du covid-19 dans l’île de Ndzuwani, tout mouvement de bateau de transport de passagers en provenance de Mayotte est suspendu jusqu’à nouvel ordre » (article 1er).
C’était une décision salutaire et louable sans aucune sensibilité partisane ou politique. Mais le non-respect de cette décision qui n’a au final produit aucun effet, révèle deux dimensions, à savoir : le droit et la politique.
Sur l’aspect juridique de l’arrêté, Mayotte étant à part entière une partie du territoire national selon la même Constitution. « Le territoire de l’Union des Comores se compose de : -des iles et des ilots de Mwali (Mohéli), Maoré (Mayotte), Ndzuwani (Anjouan) et Ngazidja (Grande Comore)…» article 6 de la Constitution de 2018, on ne peut pas dire que M. Anissi Chamsidine a fermé une frontière. Mais, un gouverneur n’a pas le droit de couper son ile des autres. Le cas le plus concret est la situation de Mohéli dans cette même crise. La décision d’isoler l’ile a été nationale et non insulaire. Pour ce qui est de l’application de cette mesure, le concours des autorités insulaires est même souhaitable.
Mais le gouverneur, motivé par de bonnes intentions et voulant agir en place et lieu des autorités compétentes, s’est arrogé des pouvoirs qui ne sont pas siens. Il s’est peut-être dit qu’il avait le droit et même le devoir d’agir quand ceux qui devaient le faire ne l’ont pas fait pour des raisons que l’on ignore ou presque. Si le gouverneur ne peut même pas protéger son île et ses habitants, à quoi sert-il vraiment ?
La deuxième dimension est politique. Moroni a lâché Anissi pour beaucoup de raisons qui sont toutes politiques. D’abord, rappeler à l’ordre un soldat qui ces derniers temps semble prendre des initiatives qui sortent de sa zone de patrouille. Un message simple valable pour tous les exécutifs des iles « autonomes » qui se lit ainsi : Les gouverneurs sont des figurants, au mieux des personnes honorifiques dans les cérémonies insulaires, des invités de marque pour les événements nationaux. Mais,ils doivent suivre la ligne tracée par Beit-Salam.
Ensuite viennent les intérêts du pouvoir central vis-à-vis de la France. Les autorités doivent laisser les bateaux en provenance de Mayotte reconduire vers Anjouan des sans-papiers comoriens sans tenir compte du contexte sanitaire actuel. Parce qu’il faut le dire, les frontières ne sont pas fermées, c’est vrai, mais le trafic aérien est soumis au test PCR. Et ils sont soumis à quoi les bateaux qui partent de Mayotte ? On suppose qu’une fois à Anjouan, ces Comoriens sont directement conduits à l’isolement où des tests PCR sont effectués pour savoir qui est Covid+. C’est dans toute cette inaction que l’exécutif de l’ile d’Anjouan s’est trouvé dans l’obligation de faire quelque chose. Pour protéger la population de l’ile.
Seulement, la politique s’est mêlée dans une action qui aurait pu être seulement humanitaire. Au final, les autorités de Mayotte se sont bien moquées du gouverneur d’Anjouan sous-entendant qu’il méconnaissait les rouages de la géopolitique, mais surtout la situation spécifique du tronc de mer qui relie Mayotte et Anjouan. Mais si quelque chose est à retenir, en abandonnant Anissi, le pouvoir central n’a pas seulement ridiculisé celui-ci, il a surtout montré sa gestion condamnable de la crise sanitaire dès lors que la suspension du trafic maritime entre Mayotte et Anjouan est une obligation. Cette manche est perdue par le gouvernement malgré l’humiliant échec de la décision du gouverneur.