10 ans de procédures judiciaires et des questions encore en suspens. Alors que les familles des victimes du crash du vol IY626 de la compagnie Yemenia se rassemblent le 29 juin prochain à Marseille pour commémorer les 10 ans de cette catastrophe aérienne, certaines notamment celles qui sont défendues à Moroni, n’ont pas encore vu la couleur de leurs indemnisations, pourtant fixées par un jugement du Tribunal de Moroni. La faute aux deux magistrats en charge du dossier qui, après leur jugement prononcé en décembre 2014, n’ont pas publié cette décision attendue pas des nombreux ayants droit. Une injustice que Saïd Assoumane, le président de l’AFVCA, dénonce avec vigueur, même si un accord à l’amiable entre les différents protagonistes de l’affaire Yemenia devrait bientôt clôturer le volet civil des procédures judiciaires engagées. Le volet pénal est enfin débloqué après plusieurs années d’attente. « Le dossier avance depuis le début de cette année 2019», se réjouit Saïd Assoumane. Faissoili Abdou
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Retour sur un drame venu du ciel. Il y a dix ans, le 30 juin 2009, l’archipel des Comores a été frappé par la pire catastrophe aérienne de son Histoire. Ce jour-là, l’Airbus A310 de la compagnie Yemenia Airways s’écrasait en mer à environ 15 kilomètres des côtes (au nord de Mitsamiouli) faisant 152 morts, dont 11 membres d’équipage et une seule survivante, Bahia Bakari (12 ans à l’époque). Le drame survenu au moment où les « Jeviens » de France commençaient à débarquer dans l’archipel a affligé tout un pays. Les cérémonies traditionnelles, cette ambiance festive qui, en cette période de l’année, submergent nos îles ont été mises en veilleuse. Le deuil et le recueillement ayant subitement pris le dessus.
Depuis, plusieurs enquêtes menées par différentes structures (Bureau d’enquêtes et d’analyses -BEA- en France, le Comité d’enquêtes aux Comores et des rapports judiciaires) sont arrivées à la conclusion unanime que le crash est dû à « une erreur de pilotage ». « L’accident est dû à des actions inadaptées de l’équipage sur les commandes de vol ayant amené l’avion dans une situation de décrochage qui n’a pas été récupérée. Ces actions ont été consécutives à une manœuvre à vue non stabilisée », conclut le BEA dans son rapport publié en juin 2013. Cet organisme en charge des enquêtes de sécurité pour les accidents et incidents graves impliquant des aéronefs civils relève ensuite « l’absence d’entrainement ou le briefing de l’équipage avant l’exécution de vol sur Moroni » comme étant parmi les causes(notamment de grosses rafales de vent) qui ont contribué à l’accident.
Tout de suite après le crash, les familles des victimes ont engagé des procédures judiciaires aussi bien aux Comores qu’en France et aux États-Unis. C’est ainsi qu’en février 2015 le Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-Provence, statuant en procès civil, a condamné la compagnie Yemeniaà verser 30 millions d’euros de dommage et intérêts à plus de 500 ayants droit des 70 sur les 152 victimes. « Aujourd’hui, les ayants droit qui sont défendus en France ont eu au moins la moitié de leurs dédommagements », affirme Saïd Assoumane. Ce qui n’est pas le cas pour les dossiers traités au niveau du tribunal de Moroni. « Il s’est passé quelque chose de très grave à Moroni. Il y a eu un procès en décembre 2014, un jugement a été prononcé au sujet de 168 dossiers sur 850. Mais ce jugement n’a jamais été publié. Or, on sait bien que si un jugement n’est pas publié la décision ne peut être exécutée », déplore le président de l’association des familles des victimes de la catastrophe aérienne (AFVCA).
En février 2016, son association qui se bat pour que chaque ayant droit obtienne une réparation du préjudice moral et patrimonial subi avait adressé une lettre aux 25 candidats alors en lice pour les présidentielles pour leur demander de s’engager personnellement à dénouer cette épineuse question une fois au pouvoir. « Pourquoi les juges comoriens ont refusé délibérément de publier ce jugement ? Qui sont les deux juges comoriens qui nous ont vendus ? », s’interroge-t-il, encore. La solution viendra peut-être de l’accord à l’amiable concernant le volet civil sur lequel se sont entendus les différents protagonistes du dossier Yemenia. « Après avoir engagé des procédures à Aix-en-Provence et aux Comores contre Yemenia, à Nanterre contre les assureurs de Yemenia et à Los Angeles (USA) contre le loueur de l’avion, on est arrivé aujourd’hui à un accord amiable qui pourrait être finalisé dans un mois (juillet 2019) », confie Saïd Assoumane.
Parallèlement, le volet pénal poursuit son bonhomme de chemin. Après plusieurs années de blocage, la situation semble sur la bonne voie. « Les deux juges en France n’ont jamais eu l’autorisation pour aller au Yémen ni aux Comores. Au début de cette année, ils ont pu enfin eu l’autorisation d’aller aux Comores grâce aux efforts de la nouvelle Ambassadrice de France aux Comores, Jacqueline Bassa-Mazzoni. Il y a une nouvelle coopération juridique entre magistrats français et comoriens », souligne le président de l’AFVCA. « Le but pour nous c’est que le dossier soit suffisant pour que le procureur puisse ouvrir un procès pénal », poursuit-il. En attendant, le président de l’association des familles victimes indexe la compagnie Yemenia « qui a donné des responsabilités à des pilotes qui n’avaient pas la compétence nécessaire pour effectuer ce vol ».Malheureusement, à cause de la guerre qui sévit au Yémen, il sera difficile pour les enquêteurs de se rendre dans ce pays où est pourtant basé le siège social de la compagnie aérienne.
Comme chaque année, les familles des victimes organisent une cérémonie d’hommage aux victimes le 29 juin prochain à l’hémicycle de l’hôtel de région à Marseille en présence de la seule survivante du crash, la jeune Bahia Bakar. « Une cérémonie pour transmettre la mémoire aux jeunes générations et montrer à nos morts qu’on ne les oublie pas. Pour que le message passe, il faut qu’on soit nombreux», résume Saïd Assoumane.
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