Saifillah Mlinde est le Directeur de l’école Amani School de Diboini-Mbambani (Ngazidja). Cet établissement est représentatif de l’école communautaire comorienne, c’est-à-dire une structure qui oscille entre l’école privée et l’école publique dans un village. Ce modèle d’école symbolise également à la fois la volonté des parents d’instruire leurs enfants et l’abandon complète par l’État de pans entiers de l’éducation nationale.
Par Propos recueillis par Mohamed Issihaka
Masiwa – Monsieur le Directeur, depuis combien de temps êtes-vous à la tête de l’école communautaire Amani School ?

Saifillah Mlinde – J’ai été nommé directeur de cet établissement en octobre 2023. J’exerce donc cette fonction depuis deux ans.
Masiwa – Quel a été votre parcours avant de prendre la direction de cette école ?
Saifillah Mlinde – Avant de prendre la direction d’Amani School, j’ai obtenu une licence en Sciences de l’Éducation à Antananarivo, Madagascar. Après l’obtention de mon diplôme, j’ai enseigné pendant deux ans dans le même établissement sous la direction de M. Abdouchakour Youssouf. J’ai également enseigné pendant trois ans à l’école primaire publique de Diboini.
Par ailleurs, j’ai suivi plusieurs formations aux Comores, notamment sur l’Approche par Compétences (APC), une méthode de pédagogie moderne, ainsi que sur la gestion des catastrophes naturelles en milieu scolaire.
Masiwa – Qu’est-ce qui vous motive tous les jours à votre place ?
Saifillah Mlinde – Pour moi, l’éducation est le pilier de toute réussite. Contribuer à l’émancipation de mon pays passe avant tout par l’enseignement des valeurs sociales et morales aux jeunes générations. C’est cette conviction qui me motive chaque jour.
Masiwa – Pouvez-vous nous retracer brièvement l’histoire de cette école privée de Diboini et Mbambani ?
Saifillah Mlinde – Amani School a été créée en 2013 par un groupe de jeunes des deux localités. Depuis sa fondation, et malgré les nombreux défis à relever, l’établissement a connu une croissance progressive. Il a commencé avec une seule classe de 6e, et aujourd’hui, il propose un cursus allant jusqu’à la Terminale.
Masiwa – Quelles ont été les grandes étapes de son évolution depuis sa création ?
Saifillah Mlinde – Le premier grand succès de l’école a été de tenir bon malgré les défis. Un moment marquant a eu lieu il y a quatre ans, lorsque l’établissement a obtenu une mention au baccalauréat en série D.
Grâce aux efforts des enseignants et des élèves, l’école a continué de progresser. Par exemple, l’année dernière, nous avons atteint un taux de réussite de 60 % au baccalauréat.
Masiwa – Combien d’élèves et d’enseignants compte l’établissement aujourd’hui ?
Saifillah Mlinde – Nous comptons actuellement plus de 150 élèves, 32 enseignants et 3 administrateurs.
Masiwa – Quels sont les principaux défis auxquels l’école est confrontée aujourd’hui ?
Saifillah Mlinde – Le principal défi est d’apprendre aux élèves à vivre ensemble, car notre établissement réunit des jeunes de deux localités voisines.
Ensuite, nous rencontrons des difficultés à payer les enseignants à temps, car les cotisations des parents sont limitées, et les communautés locales ne peuvent pas toujours répondre aux attentes de la direction.
Enfin, un défi majeur concerne les infrastructures : les locaux que nous utilisons actuellement ne répondent pas aux normes d’un établissement scolaire aux Comores.
Masiwa – Justement, comment gérez-vous les questions de financement et d’infrastructures ?
Saifillah Mlinde – Le financement est un défi majeur, mais nous faisons de notre mieux pour répondre aux besoins du personnel.
En ce qui concerne les infrastructures, c’est notre plus grand problème. L’école ne possède pas encore ses propres bâtiments, ce qui nous oblige à partager les élèves entre deux localités, rendant la gestion encore plus compliquée.
Masiwa – Comment se situe le niveau des élèves par rapport aux niveaux nationaux ?
Saifillah Mlinde – Grâce à l’implication de nos enseignants, le niveau de nos élèves reste compétitif. En comparaison avec d’autres établissements de la région, nous pouvons dire que le niveau varie entre moyen et bon.
Masiwa – Rencontrez-vous des difficultés pour recruter et retenir des enseignants qualifiés ?
Saifillah Mlinde – Le recrutement peut parfois être difficile, mais une fois un enseignant recruté, nous tissons des liens solides avec lui, ce qui limite le taux de départ.
Masiwa – Quel rôle jouent les parents dans le fonctionnement de l’école ?
Saifillah Mlinde – Les parents jouent un rôle central dans le développement de notre établissement. Cependant, beaucoup d’entre eux n’ont pas reçu d’instruction, ce qui peut parfois limiter leur engagement.
Pour les impliquer davantage, nous avons créé un groupe WhatsApp regroupant tous les parents afin de les sensibiliser à leur rôle dans l’éducation de leurs enfants.
Masiwa – Comment se déroulent vos échanges avec les autorités éducatives et les institutions locales ?
Saifillah Mlinde – Nos échanges avec les autorités éducatives et les institutions locales sont constructifs et apaisés.
Masiwa – Avez-vous des partenariats avec d’autres établissements ou organisations ?
Saifillah Mlinde – C’est l’un de nos projets prioritaires. Nous avons commencé quelques démarches, mais nous n’avons pas encore finalisé d’accords.
Nous cherchons à nouer des partenariats avec des établissements scolaires aux Comores et à l’étranger, ainsi qu’avec des institutions comme les centres de santé. Nous avons d’ailleurs limité des discussions avec le poste de santé de Diboini.
Masiwa – quels sont vos projets pour améliorer la qualité de l’enseignement dans votre école ?
Saifillah Mlinde – Nous avons plusieurs initiatives en cours. L’année dernière, nous avons lancé des concours de mathématiques et de français, et nous espérons les organiser à nouveau cette année, si les moyens le permettent.
Nous organisons des débats sur des sujets importants, et nous souhaitons améliorer cette initiative pour encourager l’esprit critique chez les élèves.
Masiwa – avez-vous des ambitions de développement, comme agrandissement, l’ouverture de nouvelles filières ou l’intégration du numérique ?
Saifillah Mlinde – Oui, absolument !
Nous voulons remplacer les tableaux noirs par de vidéoprojecteurs pour moderniser nos méthodes pédagogiques.
Nous aimerions ouvrir une filière technique, par exemple en agriculture ou dans un autre domaine porteur.
Masiwa – quel message souhaitez-vous adresser aux élèves, aux parents et aux habitants de Diboini et Mbambani ?
Saifillah Mlinde – Ensemble, tout est possible !
Un enfant éduqué est une nation prospère. À l’inverse, un enfant laissé sans éducation est une bombe à retardement pour l’avenir.