Les étudiants comoriens, qui ont fait grève le lundi 2 janvier 2023 à l’Université de Comores, sont dans le brouillard, suite à la note de service du même jour annonçant de la part d’Ali Ibouroi, l’Administrateur provisoire, des mesures provisoires pour l’Université.
Par Hachim Mohamed
La façon par laquelle l’administration centrale dit régler les revendications pressantes des étudiants est très déroutante. Le fait que, techniquement, la décision de l’administration n’a pas annulé l’agrément octroyé pour les fonctions de la Coopérative des Étudiants et le Conseil des Délégués, mais l’a simplement suspendu pour prétendument régler le problème, en dit long sur les risques futurs.
Depuis le 3 janvier, les tensions semblaient s’apaiser et céder la place à un arrangement, mais selon des indiscrétions, cette accalmie ne pourrait éloigner la tempête d’une future grève, qui hypothéquera la rentrée prochaine : « Au fait, si la tension sur le bien-fondé de nos revendications est retombée, ce n’est parce que nos problèmes sont réglés, mais parce que cela est arrivé dans un contexte d’examen et travaux dirigés (TD) et qu’il ne fallait pas perturber les travaux à l’Université en ce moment », affirme une source qui a requis l’anonymat.
Coopérative soupçonnée de faire main basse sur les cotisations des étudiants
S’agissant de la grogne enclenchée le 2 janvier, elle intervient dans un contexte explosif, faisant coexister du positif et du négatif, du vrai et du faux… Selon notre source, lors des fêtes de fin d’année 2022, les fonds récoltés et versés à la caisse sont estimés à plus 2.500.000 KMF.
Ce qui est choquant pour les étudiants, c’est que les personnes qui ont géré ces fonds ne sont plus des étudiants. Or, selon les Statuts de la structure estudiantine, seuls les étudiants régulièrement inscrits lors de l’année en cours peuvent s’occuper des affaires des étudiants.
« Vous vous rendez compte ? Il y a eu 7.000.000 KMF lors des cotisations à la Mutuelle pour l’année 2018-2019, plus de 2.500.000 KMF engrangés dans les activités génératrices de revenus de 2022, sans compter ce qui nous est perçu cette année pour la cotisation de 5.000 KMF par étudiant. Forcément, c’est de plein droit que nous demandons où est passé notre argent ? », a renchéri notre source.
Une série d’attitudes très saugrenues de l’administration centrale
Contacté au téléphone, Chamsoudine Mohamed, président du Conseil des Délégués a soulevé un lièvre qui pourrait susciter un débat dans le landerneau journalistique et à l’Université : « Nous ne comprenons pas l’attitude aberrante de l’administration centrale, qui consiste à imbriquer le paiement des droits d’inscription de 40.000 KMF à la cotisation de 5000 KMF pour la Mutuelle. Cela veut dire quoi ? On ne peut pas s’inscrire à l’Université si on ne souscrit pas à cette obligation de payer les deux sommes. C’est une façon d’empêcher les étudiants de choisir librement la Coopérative qui les arrange », a-t-il expliqué, un brin choqué.
L’intervention de Chamsoudine Mohamed a fait état aussi d’un média qui aurait diffusé une fausse information selon laquelle les étudiants ont manifesté dans la rue et ont été tabassés, gazés par les policiers.
Cela a été critiqué par les étudiants, qui y voient une tentative d’instrumentalisation de l’espace universitaire à des fins politiciennes.
Sur la grogne des étudiants, Mohamed Arbabine, étudiant en Administration économique et sociale (AES), dit que la note de service est une arme à double tranchant hérissée de pièges.
Face à un cahier de revendications de plus d’une dizaine de points, pour lui, si l’administration centrale n’a pas accepté la doléance des étudiants, celle d’avoir un président de Coopérative ayant une autonomie vis-à-vis d’elle et voté par les étudiants, c’est une manière de les empêcher d’avoir un droit de regard sur la gestion de leurs cotisations.
« Comment, par suspension, espérer un changement en bloquant le Conseil des Délégués dans son rôle de défense des intérêts des étudiants sans décider en même temps la révocation complète de membres de la Coopérative accusés de gestion tortueuse et de gabegie ? » a-t-il fulminé, ne comprenant pas des attitudes saugrenues de la part de l’administration centrale.
Le souvenir d’un décès d’une étudiante hante à nouveau les esprits
La révolte estudiantine est la manifestation de l’inquiétude et du malaise de la jeunesse. L’administration de l’Université des Comores est dure et sans pitié envers les étudiants.
Nombre de vidéos sont diffusées sur les réseaux sociaux sur lesquelles les étudiants égrènent les maux qui gangrènent les études supérieures. Il est inadmissible que ces étudiants n’aient pas accès à des toilettes, à l’eau potable et à une cantine, et qu’ils ne peuvent guère suivre convenablement les cours, faute de micros, de lumière, de tables-bancs ou encore de femmes de ménage pour assainir les lieux !
En plus, les étudiants n’ont pas oublié ce qui est arrivé à une étudiante décédée qui, auparavant, s’était évanouie au cours des partielles de 2021-2022, faute d’une prise en charge suffisante, malgré l’existence d’une Mutuelle de santé.
Pis, avec les frais de transport qui ont augmenté et le mauvais état des routes pour accéder au site de l’Université, qui peut encore douter que la situation ne débouche inéluctablement sur la révolte des étudiants ?
En 2015, le Maroc a construit une grande salle et un bâtiment de 80 chambres, de 160 lits. Malgré cette dotation, il y a eu un détournement d’objectifs de la part des autorités : au lieu des étudiants, ces logements servent à héberger les athlètes et les gardiens du site.