Les occupants illégaux des espaces publics, notamment des commerçants qui ont construit leurs échoppes en bordure de la route, et les vendeurs ambulants qui ont installé leurs étalages de marchandises sur les trottoirs des voies publiques, obstruant les circulations aux usagers, se voient de moins en moins dans la capitale, Moroni, depuis le début du mois sacré du ramadan.
Hachim Mohamed
Le verbe déguerpir, qui est une des expressions françaises retravaillées et qui ont fini par être consacrées académiquement maintenant dans le langage parlé africain, dans le sens de « sortir, se retirer d’un lieu malgré soi », est passé par là.
Sommés par le Maire de la capitale, les occupants illégaux de voies publiques ont décidé de quitter le centre-ville pour aller s’installer au nouveau marché d’Iconi. Cela a changé la physionomie de la capitale, les automobilistes et les piétons qui avaient intérêt à bien choisir leurs heures de circulation à Moroni, tant à Volo-volo qu’au Petit Marché se sentent, par cette mesure, moins étouffé. Auparavant, c’était un spectacle insoutenable, dans la mesure où ces espaces publics ont la vocation d’accueillir des gens qui viennent de tous les régions de Ngazidja et des autres îles, Mohéli et Anjouan
Désormais, c’est un soulagement car il était impossible de parler de Volo-Volo sans faire état des rues sombres, étroites et insalubres, les vendeurs ambulants avec leurs brouettes remplies de toutes sortes de produits d’alimentation, des tissus Wax aux couleurs étourdissantes, des pagnes, ou encore de boubous chamarrés comme des saris.
C’est une situation qui fait que la capitale et ses environs souffrent d’une circulation automobile dense et continuelle, une circulation qui engendre des nuisances sonores et surtout une forte pollution.
Un grand-centre commercial pleinement opérationnel
Les premiers traits frappants du nouveau marché public d’Iconi sont l’immensité de l’espace bâti et la rapidité de son expansion autour de l’emplacement qui sert d’abri pour les vendeurs ambulants. Située au milieu d’une vaste cuvette qui donne sur la montagne d’Iconi, l’imposante bâtisse domine le quartier. En pleine nature, loin des habitations, sur les lieux par contemplation, les yeux se perdent sur un amoncellement de charpentes de petites cabanes et maisonnettes, groupées par centaines en construction. Sur la droite de ce bâtiment de grandes dimensions qui trône au centre, il y a un emplacement réservé à la vente de poissons.
Sur la gauche, les gens qui sont venus à Iconi pour les emplettes de produits agricoles, se dirigent sur cet autre secteur en dur destiné à la vente de ces denrées. Si au départ, pendant l’inauguration, c’est un endroit très calme légèrement excentré par rapport à la ville de Moroni, force est de constater qu’à l’approche de l’Aïd El-Fitr, le site est très animé. À cela s’ajoute le bruit d’une porte qui claque ou des tôles ondulées qui grincent à cause de nouveaux occupants qui s’affairent pour finir l’installation légale qui leur avaient été reprochée à Volo-volo. Il n’y a qu’à regarder les gens qui arrivent sur les lieux pour constater de visu la dynamique commerciale de l’emplacement d’Iconi, devenu pleinement opérationnel. Autant dire que le nouveau marché d’Iconi deviendra à l’avenir un grand centre commercial de la capitale, qui déplacera le centre de gravité économique vers Moroni-Sud.
Le projet de remise en service du marché existait depuis 6 mois
Un reportage de FBFM en date du 21 mars 2023, au début du ramadan au petit marché de Moroni et un autre réalisé le 20 avril 2023, à deux jours de la fin du mois sacré de ramadan au niveau de l’étendue de l’emplacement du marché d’Iconi livre un panorama sur le changement de la mobilité urbaine dans la capitale. À l’instar des marchands ambulants, qui ont également quitté le grand marché de Volo-volo pour s’installer au nouveau marché d’Iconi, à l’unanimité les commerçants du petit marché y mènent présentement leurs activités commerciales, sont remontés contre ce qu’ils estiment être un marché de dupes de la part de la Mairie de Moroni : « On nous a dit de payer le droit d’occupation d’espaces. Pour les marchands, les uns ont payé 6.000 francs comoriens (KMF), les autres 15.000. À notre grande surprise, on nous dit que l’emplacement est transféré à Kalaweni. Vous vous rendez compte ? On a payé aux pouvoirs publics l’autorisation pour disposer légalement d’un registre de commerce. Et voilà : on nous fait déguerpir comme des moins que rien ! », fulmine une vendeuse d’un certain âge, qui a tiré à boulets rouges sur ces expulsions massives opérées par la police municipale et qui, pour cause de la paucité d’espaces et autres facteurs environnementaux, ne daigne pas comme d’autres femmes quitter les lieux pour un autre.
Sur le bras de fer entre la Maire de Moroni et les marchands, selon certaines indiscrétions, une solution a été trouvée, quand une commission mise en place par les occupants illégaux de deux marchés de la capitale a rencontré le Maire de la ville d’Iconi, qui a accepté de les accueillir dans l’emplacement du marché de sa ville. Après l’accord de deux parties, désormais tout marchand désireux de s’installer au nouveau marché est tenu de se renseigner auprès de cette commission, qui lui expliquera les tenants et les aboutissants de la nouvelle occupation d’espace.
De cet accord, la Mairie d’Iconi tient également à connaître l’estimation en nombre de personnes qui auront l’autorisation. À en croire une Française vivant à Iconi et qui occupe un stand de traitement par les plantes dans la bâtisse blanche, elle est initiatrice de la réouverture du marché et avait eu à mener avec d’autres acteurs de la ville des pourparlers avec le Maire d’Iconi en vue de la remise en service de ce marché il y a de cela 6 mois.
La mise en vitrine de toute la gamme de l’importation
Dans la ville de Moroni-Nord congestionnée, notamment dans le périmètre de Volo-Volo, le moindre changement axé vers Moroni-Sud a une influence terrible sur les conditions de circulation. Pour savourer en coup de projecteur la merveille du marché d’Iconi, il faut s’égarer dans le lacis des ruelles de ce vaste emplacement, slalomer entre ces cabanes de fortune, répondre à ces commerçants qui « klaxonnent » de la bouche pour inciter les preneurs de fringues et autres à s’arrêter et à sortir l’argent. Jamais aux Comores, la population n’aura vu la mise en vitrine de toute la gamme de l’importation : Chine, Émirats Arabes Unis (Dubaï), Turquie, Madagascar, etc.
C’en est fini de ce que l’on a pris coutume d’appeler dans le pays comme sous d’autres contrées du monde « le commerce informel », qui s’accompagne le plus souvent d’une importante occupation de la rue, sous diverses formes ambulantes et sédentaires, temporaires et permanentes.