Le thème choisi dans le 4e « Café médias » par le Réseau national des Jeunes-Comores (AfriYAN-Comoros) en synergie avec le coordonnateur-résident du Système de Nations Unies, François Batalingaya, ce vendredi 26 août était la jeunesse en perte de repères, dépourvue de culture d’entrepreneuriat.
Par Hachim Mohamed
Dans un pays où le métier d’entrepreneur n’est pas suffisamment valorisé, l’ascenseur social ne fonctionne plus depuis des années et où la jeunesse fortement majoritaire est celle qui souffre le plus du chômage et de l’exclusion, des initiatives qui bousculent les carcans familiaux et politiques traditionnels se mettent en place.
« Aux Comores, le défi de l’entrepreneuriat jeunesse est soutenu par le Fonds Jeunesse de la Maison de l’emploi, la Chambre de Commerce ainsi que des moyens personnels. Au niveau du Concours Plan d’affaires (CPA), le financement est d’une valeur de 20% de l’investissement globale, plus précisément une subvention à hauteur de 3 millions pour une jeune entreprise : « Miya Sarl » en a bénéficié pour la production du jus de mangue et « Mash-service » aussi pour Communications-Restauration », affirme le représentant du Réseau national des Jeunes-Comores (Afriyan-Comoros), Anlaoui Said Mohamed qui a aussi pointé du doigt le coût de la paperasserie pour lancer une entreprise au pays (87.000FC).
Difficultés de la collecte de fonds nécessaires
Selon le document-cadre sur lequel prennent appui tous les acteurs publics et privés ainsi que les partenaires techniques et financiers de l’État, l’offre de travail pour les jeunes aux Comores est très réduite et le niveau d’employabilité faible nonobstant le déficit de 334 enseignants des établissements publics et la présence de 700 de jeunes diplômés de l’Université des Comores qui sont « jetés à la rue » chaque année.
Seulement quatre personnes sur 10, âgées de 15 ans et plus arrivent à s’insérer dans le marché du travail et le taux d’activité chez les jeunes (15-35 ans) est relativement bas puisqu’il ne représente que 46 % de la population totale. Sans compter les emplois occupés qui sont loin d’être stables, une grande partie (53%) étant des emplois vulnérables.
Interrogé au téléphone par nos soins, sur le processus de création de son entreprise Miya-Sarl, Azhar Bacar, s’est posé la grande question, surtout pour le jeune entrepreneur sans économies et qui démarre dans la vie active pour tester la crédibilité, la faisabilité et l’originalité de son projet.
« Pour la première production du jus de mangue, sur le moment on ne peut pas donner un chiffre d’affaires au public. Au fait, au départ, on avait des difficultés à trouver des équipements, notamment les bouteilles qui nous ont causé un retard de production de plusieurs semaines. À cela s’ajoute le temps de la collecte de fonds nécessaires dans la mesure où le financement de CPA représente 20% du budget prévisionnel. N’empêche que nous envisageons de doubler la production de l’année dernière. », explique le jeune entrepreneur.
Rebondissant sur ce volet de la lutte contre le chômage et l’exode des diplômés, le modérateur du « Café médias », François Batalingaya a mis l’accent sur les failles criantes du système éducationnel dans nos pays, notamment ce que la dette et l’impôt infligent comme fardeau à la jeunesse et à l’investissement.
C’est une situation d’handicap dans laquelle les jeunes diplômés d’écoles d’ingénieur et d’écoles de commerce décrochent nettement plus de CDI que les jeunes titulaires de masters ou de doctorats n’ayant pas le profil compatible sur marché de l’emploi.
L’absence de solutions de rechange et d’espoir en matière de changement de logiciel est saisissante.
Faiçoil Bianrifi, un self-made-man
Surfant sur ce système social qui ne saurait évoluer indépendamment de son environnement et où les jeunes ne trouvent pas forcément des emplois stables et correctement rémunérés. L’analyste de la communication au PNUD, Nasser Youssouf a évoqué un cas vibrant d’un ancien employé de Comores-Télécom reconverti en homme d’affaires, Faiçoil Bianrifi. Un personnage au talent instinctif des self-made-men et qui porte avec brio le défi de l’entrepreneuriat jeunesse aux Comores.
« Une reconversion réussie est celle du Mohélien Faiçoil Bianrifi qui est devenu un grand agriculteur. Pour un ex-salarié de Comores-Télécom qui gagnait par mois 100.000 à 150.000 FC dans son ancienne boite, il brasse aujourd’hui dans la même durée de travail à plus de 2 millions FC pour son entreprise de production agricole. », a-t-il révélé.
Face au taux de chômage des jeunes de 15 à 35 ans qui est alarmant et son niveau atteint, relativement élevé de 34,4% de la population, il est évident qu’il faut collaborer et travailler avec les jeunes, en les aidant à défendre leurs droits et en créant les conditions voulues pour leur permettre de progresser et de jouer leur rôle.
Forum jeunesse-emploi
Le chômage et les inégalités sont les vrais cancers de notre société.
Dans un contexte de record de chômage, de dette publique, de suppressions de postes dans la fonction publique, d’impopularité en matière de gouvernance, aujourd’hui, les plus jeunes générations ont remisé pas mal de plan au grenier ou à la cave, ne sachant pas quoi en faire.
D’où la nécessité d’envisager de manière pressante un forum jeunesse-emploi, selon le modérateur du « Café médias », François Batalingaya. Pour la simple bonne raison qu’un pouvoir politique qui méprise sa jeunesse sème les graines de sa propre déchéance future.