Durant l’année 2022, les prix n’ont cessé d’augmenter aux Comores et l’inflation a atteint en novembre 18,2%. Un chiffre jamais atteint qui traduit les difficultés que connaissent de nombreuses familles comoriennes, tandis que le gouvernement semble tourner la tête ailleurs, sur d’autres préoccupations.
Par MiB
Au cours du mois de décembre 2022, l’Institut National de la Statistique, des Études Économiques et Démographiques (INSEED) a publié l’évolution des prix sur l’année qui vient de s’écouler aux Comores. Le document montre une hausse régulière et continue des prix de novembre 2021 à novembre 2022. La première constatation est que l’inflation a atteint le chiffre record de 18,2%.
La précarité révélée par l’inflation
Dans un commentaire fait dans le forum Hayba Info le 29 décembre dernier, Mohamed Saïd Abdallah Mchangama, ancien ministre des Finances du président Djohar, affirme que c’est la première fois que sur une année ce chiffre dépasse les 5%. Il ajoute « Dire le chiffre ne donne pas la mesure de la tragédie que vivent la plupart des familles. Les mamans et papas qui ne savent quoi dire à leurs enfants affamés ».
Et en passant en revue les hausses régulières des prix des produits alimentaires et indispensables, il est facile d’imaginer les drames dans des familles citadines, qui n’ont pas de champs et qui se nourrissent principalement de riz, de galettes à base de farine de blé ou même de pain. Et justement les 4680 relevés des prix de 511 produits ont été faits à Moroni, la capitale, celle qui est directement approvisionnée par les produits d’importation et dont l’activité est la plus intense. La situation est probablement plus difficile dans les villes qui se trouvent loin de la capitale.
Tout augmente
On peut noter que parmi les produits dont l’évolution des prix dépasse les 18,2% se trouvent des produits de consommation courante comme le « Logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles » (50,9% d’augmentation), huiles et graisses (35,9%), les transports (28%), « Meubles, articles de ménage et entretien courant de la maison (27 %). Pour les énergies et l’huile, la pénurie à l’origine de la hausse des prix touche le monde entier et est due à la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Les deux belligérants contrôlent 80% de la production mondiale de tournesol, la fleur qui sert à fabriquer une grande partie de l’huile.
En ce qui concerne les énergies, sur la base 100 en 2011, on voit qu’en novembre de 2021, le prix a baissé puisqu’il était à l’indice 96,4. Mais, l’augmentation va être rapide puisque dès août 2022 l’indice monte à 139,5 et aujourd’hui à 139,7. L’évolution des prix de l’énergie sur une année a atteint 45% aux Comores. La montée du prix de l’essence a été justifiée par le ministre de la Justice, Djaé Ahamada et par le chargé de la Défense Youssouf Mohamed Belou par le fait qu’en France le prix était plus élevé. Ahurissant. Quand, le gouvernement français a mis en place des mécanismes pour réduire le coût à la pompe, le gouvernement comorien n’a pas trouvé intéressant de suivre, cette fois, le bon exemple. Pourtant, l’argent entre dans les caisses de l’État et le gouvernement, par ses signes extérieurs de richesse, ne donne l’impression de vivre la crise comme la population peut la vivre.
Difficile de manger
Globalement, les produits alimentaires ont connu une inflation de 14,2% en 2022. Après, les huiles et les graisses (35%), les produits alimentaires qui ont connu la plus grande augmentation des prix en 2022 sont les « légumes et tubercules » (15,2%), « pains et céréales » (15,1%). On peut remarquer que si les « légumes et tubercules » sont pour la plupart produits sur place, les pains et céréales sont issus de produits importés. Cette forte augmentation des produits agricoles traduit l’insuffisance de la production locale, et cela malgré les nombreuses subventions introduites dans l’agriculture comorienne par l’Union européenne et d’autres organismes mondiaux. Certes, comme presque partout les métiers de la terre n’attirent plus les jeunes, surtout dans les pays tels que les Comores où la diaspora soutient à coup de transferts d’argent les familles, mais il n’y a pas non plus une politique d’incitation des jeunes chômeurs à s’y investir.
Par contre, le prix du poisson connait un certain fléchissement (+ 4% au final en 2022), après avoir connu de fortes hausses, cela au regard des autres produits. Avec un indice de 131 en novembre 2021, on avait atteint l’indice 173 en août 2022, pour ensuite baisser jusqu’à l’indice 136 en novembre 2022. On retrouve ainsi le niveau de 2021.
La part des transports
Pour les deux autres principales sources de protéines, que ce soit la viande de bœuf ou les fameux mabawa (ailes de poulet), le prix a fortement augmenté pour atteindre une inflation qui dépasse les 10%. L’influence de l’augmentation du prix des transports y est pour beaucoup. Les importateurs reportent sur le prix des produits carnés le coût des transports et de la douane, ces produits étant transportés la plupart du temps depuis l’Amérique du Sud.
Pour le pain, le prix a fortement augmenté. Les boulangers avaient menacé d’un mouvement social et le gouvernement leur avait proposé un mécanisme de subvention pour éviter l’arrêt de la production d’un élément qui est devenu essentiel dans la nourriture de la population. Dans certains milieux, le pain a même remplacé le riz. Il semble que la proposition du gouvernement n’a finalement pas abouti. Les boulangers ne profitent pas des mesures qui avaient été prévues, mais ils compensent la hausse du prix de la farine par une diminution de la quantité de pain, ce qui revient à augmenter d’une manière insidieuse le prix. Le gouvernement laisse faire, tant que les boulangers ne mettent pas à exécution leur menace.
Le train de vie du gouvernement est plus que confortable
Dans une situation de forte inflation comme celle que connaissent les Comores actuellement, un gouvernement qui ne se soucie pas des réactions de la population est largement gagnant. En effet, la hausse générale des prix se traduit aussi par une hausse générale des sommes prélevées au moyen des taxes. Il est donc probable qu’en 2022, comme les années précédentes, l’État nous apprend que les agents de la douane et des impôts ont fait des miracles.
Dans d’autres pays, ces entrées exceptionnelles dans les caisses de l’État sont utilisées pour aider la population la plus fragile économiquement à tenir les chocs. Aux Comores, elles servent à conforter le train de vie des dirigeants et même à préparer les prochaines élections.
Le gouvernement et particulièrement le ministère de l’Économie se targuaient d’avoir un plan pour encadrer les prix, mais l’on se rend compte qu’il n’en est rien et qu’au contraire les prix des produits de première nécessité, qu’ils soient importés ou locaux, ont explosé.
La crise est dans toutes les discussions, pourtant le gouvernement n’est pas vraiment mobilisé pour faire face. Il est préoccupé par la présidence de l’Union africaine et planifie la victoire annoncée du chef de l’État aux élections de 2024 par l’élimination des opposants sérieux, après l’opposant principal en prison, dernièrement ce fut le tour de ceux qui ont une double nationalité.
L’observation du nombre de voyages effectués par le chef de l’État et ses délégations durant l’année qui vient de s’écouler renforce cette idée que le sommet n’est réellement pas gêné par la crise économique qui frappe le pays depuis plusieurs mois. Tant que l’armée contrôle la rue.