Il y a très peu de temps, Bazimini était un village dans la campagne d’Anjouan. Le village est devenu une petite ville très active avec une pratique commerciale qui attire même les gens venant de la Grande-Comore, de Mohéli et même de Mayotte, à la recherche de marchandises à revendre.
Par Naenmati Ibrahim
En 2010, la population de Bazimini était estimée à 9 205 habitants. Le début des activités commerciales à Bazimini n’est pas formel. Il s’agit, en effet, d’une initiative locale. Bazimini est alors un petit village. Il se trouve au centre de l’île d’Anjouan, à proximité du chef-lieu, Mutsamudu. Il fait partie de la commune de Ouani, dont il est plus proche. C’est aujourd’hui une véritable ville. Elle possède une mairie et détient un établissement scolaire public, un collège rural.
En partant de Mutsamudu ou d’Ouani et en montant vers le centre de l’île, en direction de Bazimini, on arrive à Koki qui abrite la tristement célèbre prison d’Anjouan, puis on atteint le village de Patsy, où se trouve le site de l’Université des Comores, et enfin on arrive à Bazimini.
Un central commercial pour le pays
Certains se laissent convaincre que c’est grâce aux efforts d’hommes ambitieux comme Abdou Ali, Toihir Ahamada et Mohamed Kaambi, des grossistes très connus dans l’île, que Bazimini est devenu ce qu’il est aujourd’hui.
Les étals envahissent les rues, les balcons et les terrasses, reconvertis en espaces de vente de produits manufacturés. La ville marchande se forge une renommée nationale en attirant plusieurs types de clientèles. On lui donne même le nom de Dubaï, car nous retrouvons en premier lieu, les clients lambdas qui viennent renouveler leurs garde-robes, accessoires… ou tout simplement se laisser emporter par les soldes.
En deuxième lieu, les revendeurs de l’île et les marchands ambulants (Mabahazazi du towa urenge) qui viennent se procurer des marchandises qu’ils vont revendre en faisant le tour de l’île. Et en troisième lieu, les revendeurs venus de la Grand-Comore pour se procurer de la marchandise afin de l’écouler dans les rues de la capitale, Moroni.
Une initiative devenue collective
Ce secteur d’activité est rentable pour les habitants de la localité. Le commerce complètement modifié la structure du village. Certaines rues sont aménagées pour accueillir la clientèle. Cela favorise les autres activités de consommation comme les petites gargotes. Tout le monde dans la localité y trouve son compte. Les jeunes sont embauchés par les patrons et sont intégrés petit à petit dans le circuit économique de la ville.
Les commerçants de Bazimini se rendent jusqu’à Dubaï, en Chine ou en Inde pour acheter leurs produits. À Bazimini, les marchandises sont vendues en gros et en détail. Ce sont essentiellement des vêtements, des rideaux, des draps et des accessoires de cuisine, en plus de l’alimentation.
Bazimini est un véritable centre commercial, très attractif. Les magasins sont dans tout le village et même dans presque toutes les maisons et terrasses. Une alternative pour ceux qui n’ont pas les moyens de faire des boutiques ou des magasins.
Un commerce qui a ses origines à Mayotte
Deux commerçants nous ont confié que leurs commerces ont débuté à Mayotte. Tout d’abord, ils allaient acheter leurs marchandises à Dubaï, puis ils prenaient un kwasa kwasa pour aller vendre à Mayotte. Selon eux, les moyens financiers étant plus importants là-bas, ils arrivaient à vendre rapidement leurs produits et repartaient à Dubaï pour acheter d’autres marchandises.
Les affaires marchaient bien. L’un des deux a admis qu’il a fait plus de treize fois le voyage entre Anjouan et Mayotte. Les voyages étant irréguliers au regard de la loi française, il prenait beaucoup de risques, mais pour lui ce n’était pas un problème, ce qui comptait c’était d’arriver à destination et de faire de l’argent. C’est la conception d’Abdou Ali, un homme accueillant et très respectueux. Il est marié, il a cinq enfants, il est monogame. C’est un grand patron parce qu’il a un grand magasin bien rempli de marchandises. Il fait partie des premiers commerçants de Bazimini, ceux qui ont apporté cette idée au village. Il ne sait plus quel âge il a exactement, mais il estime qu’il a la cinquantaine. Il ne sait pas non plus en quelle année a commencé le commerce à Bazimini. Il a choisi de devenir commerçant, car pour lui, le commerce permet de nourrir sa famille tous les jours. Il parvient à payer les études de ses enfants à l’étranger sans difficulté.
Pour son commerce, il avait fait treize fois le trajet Anjouan-Mayotte. Il avait même obtenu le statut de réfugiés, et on lui avait proposé d’aller en France pour se débrouiller, mais il a refusé parce qu’il ne voulait pas abandonner son commerce. Il a fini par revenir à Bazimini. Les affaires ne marchent pas aussi bien à Anjouan qu’à Mayotte, mais contrairement à là-bas, il est tranquille parce qu’il est chez lui.
À présent, pour acheter ses marchandises, il va en Chine et en Inde. Mais, les taxes douanières sont chères. Les gens achètent peu à cause du manque d’argent. Il faut que les villageois vendent du manioc, des cocos ou des bananes pour pouvoir acheter quelque chose. Les fonctionnaires n’achètent rien, selon lui, ils préfèrent investir leurs maigres salaires dans la construction de maisons. Heureusement, les commerçants des autres villes et villages viennent acheter en gros pour aller vendre chez eux.
Le deuxième commerçant est un jeune homme de trente-cinq ans. Il est marié, il a trois enfants et il est monogame. Il a débuté son commerce à Mayotte. Il s’était installé là-bas, lui aussi, mais il a eu des difficultés avec la police, donc il est rentré à Anjouan. Il se rend régulièrement à Dubaï, en Chine et même à l’île Maurice pour se procurer ses marchandises. Il a pu commencer son commerce grâce à un Shikowa (une cotisation faite par un groupe pour chacun de ses membres à tour de rôle). Il ne parle aucune autre langue que le shikomori, mais il se débrouille dans ses voyages.