La rétrospective consacrée à l’ensemble des œuvres du poète et photographe Abderemane Boina Foumou alias Mab Elhad au village de Nyumadzaha Mvumbari le 10 mars dernier a remis au goût du jour la maxime selon laquelle les voyages forment la jeunesse, notamment avec la magie de la poésie qui a fait déplacer dans l’imaginaire les lycéens d’une classe de Première présents.
Par Hachim Mohamed
Pendant la séance, qui a duré près d’une heure de temps, le public a assisté à la première présentation intégrale et très attendue de l’œuvre du poète qui a mis en lumière son parcours. Puis, le délégué comorien de l’Union de poètes (association internationale), Mab Elhad, a remis à Nyumadzaha en cette occasion son œuvre et un don de livres provenant de l’association francophone, Union des poètes.
Par l’accent chantant de la discipline et la mise en relief de la présentation orale dans laquelle chaque mot était déjà une musique. Il y a dans la poésie selon Mab Elhad une langue, une terre, une histoire que nous devons nous approprier pour entreprendre ces pérégrinations authentiques qui permettent une meilleure appréhension de l’espace terrestre sublunaire.
Ce fut une aubaine pour les élèves de la localité. Elle leur a permis de mesurer dans la formation littéraire et philosophique, l’importance de ce personnage méconnu loin là-bas.
Déclamation d’un extrait de son livre, « Mwamba, nambe »
Invité d’honneur dans cette bourgade du sud de Ngazidja, plus loin que la ville de Fumbuni, debout devant la salle de classe, son recueil « Kaulu la mwando » (Komedit, 2004) à la main, l’auteur également du « Regard biaisé » (sorti en mars 2016) a raconté sa passion, une passion qui lui est tombée dessus quand il était à l’école primaire.
Le poète a évoqué le rôle catalyseur joué par un journaliste culturel et poète, mauricien, Sedley R Assonne, qui l’a influencé dans son premier recueil « Kaulu la mwando».
« Vous savez mon premier livre « Kaulu la mwando » parle d’amour et du quotidien de la vie comorienne ainsi que du métissage et du statut de la femme comorienne. Tandis que « Regard biaisé » est un livre qui parle d’Amou et il est aussi un regard que je pose sur la société comorienne, un rétroviseur sur le passé pour appréhender l’avenir. Il y a aussi de la critique sur nos mentalités. », résume le poète.
Les élèves de Nyumadzaha qui ont écouté consciencieusement le poète Mab Elhad dès l’entame de la séance se sont vite rendu compte des enjeux de la poésie, plus précisément la nécessité de se livrer à la lecture de la poésie versifiée et rimée qui est un exercice de diction exigeant. Le poète a lu avec beaucoup de douceur un texte intitulé «Wamba Nambe», un extrait de son livre en français et en comorien avec une diction qui a donné des frissons et un émerveillement aux élèves.
À chacune de ces lectures déclamées, il s’est produit dans l’atmosphère une émotion intense. Un aspect de la diction taillée au scalpel de la culture endogène comorienne avec le brio de la verve mêlée du shikomori et du français.
Cette séquence a d’autant plus illuminé la salle de classe qu’un refrain de passage du poème « somalo yia » a été répété en chœur par les élèves après un mot désigné par le poète comme point de départ de la déclamation. Le poète invitait ainsi la classe de Première à reprendre le refrain « somalo yia » en chœur. Il était certain que cette ambiance féerique donnait aux élèves l’envie d’écrire plus tard, pour prolonger ce voyage dans l’imaginaire magnifiquement vivant et humain.
C’est pendant cette phase de déclamation du poème que Mab Elhad a livré poétiquement la dimension polysémique du verbe « voyager , celui qui doit être appréhendé dans tous les sens du terme !
Cours sur la calligraphie et calligramme
Pour un genre de littérature qui se délecte et se cultive par la bonne diction, la récitation, il fallait dans la pédagogie, selon le poète, ne pas brûler les étapes en donnant d’abord les outils aux élèves à même de les booster dans cet exercice très porté vers le plaisir des mots.
Encore debout devant les élèves, Mab Elhad les a initiés à la calligraphie et au calligramme. À l’instar de ces graffitis dessinés sur les murs sans craindre de désobéir aux codes et aux acrobaties typographiques, il a « tagué » le tableau de la salle de classe de ces beaux signes alphabétiques et de dessins. Les belles calligraphies ont ravi les yeux des élèves épatés.
Pour la première technique, plusieurs lettres de l’alphabet ont été couchées sur le tableau noir pour montrer la beauté de l’écriture. Pour expliquer ce qu’est un calligramme, le poète a dessiné tour à tour un cœur, un visage de personne, ou encore un cheval. La technique de confection du calligramme s’effectue sur la base du graphisme qui, au départ, dessine d’abord les traits d’un cœur, d’un visage ou encore d’un cheval et sur la forme du cœur, du visage ou encore du cheval est couché ensuite le texte qui restitue fidèlement les représentations des objets dessinés, enfin les traits des dessins sont effacés.
La calligraphie et le calligramme ont également servi de tremplin pédagogique pour inciter les élèves à aller vers l’écriture.
Jeunesse comorienne face à une série de fléaux et de défis majeurs
Au-delà de la rétrospective de l’œuvre de Mab Elhad, les spectateurs ont pu assister à une petite scène de slam, de chants des élèves magnifiant le développement de leur village en shikomori.
Pendant cette séquence animée, les élèves ont fait également honneur à leur enseignant d’histoire, Toihir Youssouf, qui a eu l’idée judicieuse d’organiser cette rétrospective de l’œuvre de Mab Elhad, en faisant étalage de leurs connaissances acquises en histoire, en géographie, en littérature et autres.
Dans l’enchaînement des performances, un texte s’est démarqué par son contenu, mais aussi pour la diction. Le discours de ce jeune de Nyumadzaha a fait frémir d’indignation en pointant du doigt ces difficultés complexes qui exigent des autorités comoriennes des solutions innovantes et concertées pour garantir un avenir prometteur à la jeune génération.
Chiffres à l’appui et avec des exemples, le délégué du groupe d’élèves a dressé un constat alarmiste de la situation de la jeunesse comorienne confrontée à une série de fléaux et de défis majeurs aux Comores. Il a fait état également des chiffres des jeunes victimes de viol, ceux qui auraient été menacés ou auraient blessé quelqu’un, ou encore ceux qui avouent avoir fumé régulièrement du gandia.
Quand le délégué du groupe d’élèves a évoqué la jeunesse en perdition à cause de la consommation de drogues, Mab Elhad est intervenu pour mettre au courant les lycéens de l’existence de son association de lutte contre la drogue. Chacun se souvient aussi qu’il a été gendarme dans une autre vie, affecté à la lutte contre les trafics de stupéfiants.
C’est ainsi que le poète a fait connaitre sa disponibilité, si à l’avenir, la ville de Nyumadzaha Mvumbari décide d’organiser une conférence sur la drogue aux Comores.