Sept ans après, la disparation de Salim Hatubou est comme une de ces nuits mornes, vides de sacré, d’une tristesse infinie qui emplit nos cœurs ; celle, qui dans l’éternité, nous ôtait la justesse phrastique, la prose et le lyrisme poétique d’un écrivain, d’un génie de la langue française, d’un monument de la littérature comorienne. Son œuvre nous indiquait, que dans la persistance du temps, après qu’elle eut rejoint le firmament, étoilé par sa plume, restera celle qui aura rendu à la littérature comorienne, un sentiment immense de grandeur, de reconnaissance et de puissance.
Par Houdheif Mdziani
Né le 20 juin 1972 à Hahaya, Salim Hatubou a eu une enfance baignée dans l’affection des livres, un monde à l’époque difficilement accessible où il fallait avoir ce désir excitant de voyager pour bercer ces rêves. Ce loisir, c’est-à-dire la lecture, qui ralentit le temps, prolonge la vie, ce plaisir offert par l’imagination, passionnément beau, infiniment plaisant, devenant de plus en plus important, qui en fût sa dévotion, son métier, c’est par sa grand-mère qu’il doit cette sensibilité littéraire puisque c’est cette dernière qui a illuminé les nuits de l’enfant Salim par la douceur poétique de sa voix lorsqu’elle lui récitait les contes comoriens. Salim Hatubou enfant, avant l’implication culturelle de sa grand-mère, ne connaissait pas cet univers imaginaire, d’une emprise brûlante par le feu de la passion, rendant cette illusion nécessaire, adulaire, pour voyager à la découverte de ce qu’on appelle la littérature. C’est ainsi que celui qui deviendra conteur et écrivain a eu l’initiative de parcourir nos îles à la recherche de ce patrimoine littéraire inestimable qu’est notre littérature orale.
À l’âge de dix-ans encore dans son adolescence fleurissante, il atterrit à Marseille, dans le quartier de Saint-Antoine ramenant comme souvenirs, la belle nostalgie de son enfance comorienne bercée par les contes, les mythes et les légendes racontés par sa grand-mère. En 1994, alors qu’il n’a que 22 ans, il publie aux éditions l’Harmattan, son premier ouvrage, un recueil de contes, qu’il intitula nostalgiquement : « Contes de ma grand-mère ».
Son génie s’est emparé des contes, des romans et de la poésie, versifiant la littérature comorienne d’expression française d’une lumière lyrique brillante, rayonnante, ornée de prix et de consécrations littéraires crépitant par son écriture solaire. Au-delà de l’écriture, Salim Hatubou, a fait de son vivant, voyager nos contes et notre littérature orale partout où son âme poétique a eu le plaisir ardent d’y séjourner : dans les écoles, les bibliothèques et les festivals.
Salim aimait passionnément la littérature. C’est cet amour passionnel qui nous submerge par tant d’émotions, de satisfactions et d’admirations. Son œuvre est indissociable de son identité, de son enfance et de son histoire. L’œuvre de Salim, qui n’est légère que pour ceux et celles qui ne l’ont pas lue, et reste infiniment grande et profonde pour ceux et celles qui ont eu la curiosité de la visiter, est riche de tournures phrastiques, de voûtes et d’une poésie sublime, d’une sémantique linguistique inouïe, d’une beauté crépusculaire. Son total génie vient du fait, entre autres, qu’en le lisant, on a toujours l’impression qu’il vient de trouver, directement et sans le moindre labeur, la formulation la plus simple pour décrire une situation donnée, même la plus complexe du monde. Bien qu’il ne fût pas historien, son œuvre est un témoigne sur notre mémoire collective.
Il était aussi un citoyen engagé, et par exemple, il n’a cessé de témoigner de son implication dans les relations tendues entre les Comores et Mayotte.
Amoureux des bibliothèques, conscient de leurs valeurs éducatives profondes, la ville de Marseille, là où il a grandi, lui a rendu un très bel hommage en lui dédiant éternellement, une médiathèque portant son nom : la médiathèque Salim Hatubou.
Dans ce lieu aménagé pour le savoir, on y trouve la polyvalence de son œuvre, d’une sensibilité profonde. C’est un univers étoilé d’imagination, d’humour à l’exemple de « Marâtre », « Un conteur dans ma cité » ou même de tragédie comme « Comores-Zanzibar ».
Aujourd’hui, bien qu’il ne soit pas physiquement parmi nous, son visage de clair de lune, attachant et souriant et son œuvre littéraire vivent en nous, parmi nous, illuminant notre conscience.