La quatrième édition du festival « Slamer un pied sur la lune », organisé par l’association Sakara et lancé le 26 septembre au CCaC-Mavuna, a honoré la mémoire de l’écrivain Aboubacar Saïd Salim disparu récemment.
Par Hachim Mohamed
Il s’agit d’une série de spectacles conçue à la fois pour la scène comme les masters class de slam du mercredi 27, en plus de la tribune généreusement offerte par l’Association Sakara à nos compatriotes qui voulaient dans cette maison des cultures partager des histoires, des anecdotes et des extraits de l’œuvre de feu Aboubacar Saïd Salim.
Ce fut une longue séance, empreinte à la fois de solennité, de fierté sereine et d’intellectualisme. Avec Fouad du « Comédie-club », qui a modéré la rencontre, c’était l’occasion pour le public, d’une quarantaine de personnes, de découvrir le regretté écrivain.
Deux textes très inspirants de l’écrivain slamés par Bilal
Le festival Sakara a réservé une place de choix au slam, poésie de la rue, un voyage dans la saveur des mots. Il a commencé avec le slameur Bilal qui a lu deux textes son téléphone à la main. Il a su faire sentir le pouvoir d’évocation que recèlent les poèmes de feu Aboubacar Saïd Salim, tout empreints de raffinement et de sensibilité.
En entendant « À Malcom de Chazal » ou « Sept vierges » qui ont été cités, nous nous sentons, dans la salle, élevés vers le ciel. À la tribune, la présidente de l’association Sakara, Fatima Soilihi a aussi lu un chapitre du roman intitulé « Le bal des mercenaires ».
Le public a retrouvé le discours généreux, inclusif et empreint de sollicitude pour les faibles et les démunis de l’écrivain comorien. Les valeurs dévoyées ou piétinées à l’époque de mercenariat aux Comores sont passées en revue.
Aboubacar Saïd Salim « statufié en tableau »
La particularité du quatrième Festival Sakara est de permettre à tour de rôle aux personnes présentes d’exprimer leur crève-cœur sur le grand vide laissé suite au rappel à Dieu de feu Aboubacar Saïd Salim. C’est la noblesse de l’idée de l’équipe composée d’artistes et humoriste pour immortaliser la grandeur de cette personnalité.
Alors que le modérateur de la cérémonie n’avait pas encore donné le coup d’envoi de la rencontre, à l’aide d’un pinceau fin trempé dans un mélange de couleurs, l’embellisseur artiste et plasticien Hamza dit Papaloté affinait ses couleurs, plongeait le pinceau dans la teinture qu’il étalait sur le tableau qui statufie Aboubacar Saïd Salim.
« J’ai toujours été fasciné par le sourire scotché à la bouche de feu Aboubacar Saïd Salim. S’il faut chercher un signe particulier du personnage, c’est ce sourire rayonnant qui le caractérisait », a commenté Said Hassan qui a émis l’idée d’une vente aux enchères en collaboration avec la famille du regretté écrivain.
L’amour de ses filles
Deux sœurettes et surtout l’ainée, Milza sont montées sur scène, tremblantes, sous l’émotion contenue, les voix étouffées, entrecoupées, mouillées, noyées de larmes.
« A mon anniversaire, mon père était déjà en prison. À ma grande surprise, mon père me parle d’un second bébé fait en détention et appelé « Le bal des mercenaires », a-t-elle confié, tirant les larmes des yeux de l’assistance.
Pour ce qui est de sa fille Rahma, qui lui avait écrit un poème en 2010, quand elle était en France, loin de sa famille, elle a fait passer au public toute une gamme d’émotions.
Dayana, dévastée par le fait que le bureau de son père est vide à jamais, estime que la nouvelle génération doit s’inspirer de la grandeur d’Aboubacar Saïd Salim. Une autre sœur a versé dans une véritable déclaration d’amour pour son « papounet d’amour » qui, selon elle, lui ressemblait. « La vie est bancale sans toi. », déclare-t-elle.
17 personnes ont témoigné
À son passage à la tribune, elle a transformé la salle du CCa en vallée de larmes.
Dans le florilège des plus beaux témoignages sur le regretté Aboubacar Saïd Salim, on peut citer l’intervention de Djabhana Saïd Ibrahim, spécialiste du genre qui s’est posé un tas de questions sur l’illustre écrivain sans trouver de réponse. Il eut également la slameuse Intissam qui a déclamé un poème l’œil rivé sur son portable, d’Amir Maoulida qui n’en revenait pas quand il a découvert un texte de feu Aboubacar Saïd Salim en classe de quatrième.
Mercredi soir, une personne s’est démarquée : c’est le seul fils du regretté écrivain, Kyoum qui a fait son message en shikomori. Une manière de magnifier le côté nationaliste de son père dont la générosité a permis à une dame, qui était passée à la tribune, d’apprendre le shikomori.
Le dévoilement du tableau-monument a marqué la fin de cette séquence de recueillement à la mémoire d’Aboubacar Saïd Salim, un moment empreint de respect et de sobriété.