Il y travaillait depuis plusieurs années. Nadjloudine Abdel Fatah a soutenu avec brio sa thèse de linguistique le 10 juillet dernier. Elle s’intitule : « La polyphonie dans « Anguille sous roche », « Mon étincelle », « Dérangé que je suis » et « Jouissance » d’Ali Zamir : approche énonciative et sémiostylistique. Il s’agit d’une étude des voix qui portent les histoires racontées dans quatre romans de l’écrivain comorien Ali Zamir.
Propos recueillis par MiB
Masiwa – Nadjloudine Abdel Fatah, vous avez soutenu une thèse de linguistique la semaine dernière, cela n’a pas été difficile de concilier vie familiale, votre métier d’enseignant et le travail de recherche ? Comment avez-vous mené vos recherches ?
Nadjloudine Abdelfatah – En toute honnêteté, cela n’a pas été facile d’être thésard, père de famille et enseignant. Mais, comme j’aime à le dire, la détermination soulève des montagnes. Et au-delà de la détermination, de la volonté, l’ingrédient essentiel a été la passion. La passion pour toutes ces facettes de ma personnalité. Quand tu aimes ce que tu fais, aucune barrière ne peut s’interposer. J’ajouterai à ces trois casquettes celle de l’auteur. Pendant que je préparais mon doctorat, j’ai écrit et fait publier un roman et – très récemment un recueil de poésie. J’ai également co-écrit un roman avec une jeune autrice française. On attend sa publication. Tout cela pour dire qu’il suffit d’aimer ce que l’on fait pour en avoir le temps.
Masiwa – Vous avez fait le choix de travailler sur un auteur récent, Ali Zamir, pourquoi ? Qu’est-ce qui vous attire chez lui ?
Nadjloudine Abdelfatah – Travailler sur l’œuvre d’Ali Zamir a relevé d’une double initiative. D’une part, le désir de se spécialiser dans l’étude critique du roman francophone contemporain. D’autre part, le défi d’initier l’étude critique d’une œuvre en cours de production. Zamir l’a emporté sur des pairs qui avaient attiré mon attention, tel que le Sénégalais Mbougar Sarr.
C’est surtout la capacité qu’a Zamir de suggérer de l’oralité dans ses écrits qui m’a le plus attiré.
Masiwa – Pourriez-vous expliquer au grand public ce que vous entendez par polyphonie dans une œuvre littéraire ?
Nadjloudine Abdelfatah – Aux profanes, la polyphonie dans une œuvre littéraire s’expliquerait ainsi : le fait que le récit soit assuré par plusieurs locuteurs. C’est lorsque l’histoire est racontée par différentes voix.
Masiwa – Quels sont les éléments importants que vous avez pu mettre en évidence dans l’œuvre de l’auteur comorien ?
Nadjloudine Abdelfatah – Son style d’écriture très singulier mêlant, entre autres traits, langage poétique, voix de la société et transgressions méticuleuses des normes narratologiques.
Masiwa – Quelles sont vos perspectives de recherches postdoc ?
Nadjloudine Abdelfatah – Je serai ce que j’ai toujours été : un enseignant et un chercheur. Ce nouveau titre, je le vois personnellement comme la source de plus de légitimité pour les mêmes tâches.
Je continuerai mes publications scientifiques et l’enseignement de la linguistique et de la littérature. Plus concrètement, ce seront des études de type stylistique sur les œuvres d’auteurs francophones contemporains, comoriens en particulier ; notamment celles qui portent des traces d’oralité. Par ailleurs, je vais entamer les démarches nécessaires pour obtenir une place permanente en tant qu’enseignant d’université.
Masiwa – Et vous venez aussi de sortir un nouvel ouvrage au moment même où vous souteniez votre thèse, de quoi s’agit-il ?
Nadjloudine Abdelfatah – Transhumance est le porte-voix de toutes celles et tous ceux qui ont été poussés à l’exil, les Comoriens au premier plan. Toutes celles et tous ceux qui ont été arrachés à leur terre natale par le désir de plus de reconnaissance, d’un avenir meilleur.