L’association Kam’Art Culture, en partenariat avec l’Alliance franco-comorienne, a procédé le vendredi 3 février 2023 au lancement du projet « Slam à l’École » dans sa grande salle de spectacles de la Maison de la Défense des Cultures de Moroni.
Par Hachim Mohamed
Avec cette nouvelle ère pédagogique qui s’amorce en ce deuxième mois de l’année 2023, dans les objectifs fixés, l’initiative de slameurs est de renforcer les capacités de collégiens et lycéens en langue, en implantant des ateliers d’écriture, de lecture et de déclamation réguliers dans les lycées et collèges ; d’évaluer les acquis des lycéens à ces disciplines ; de stimuler la production littéraire pour la création artistique ou encore de sensibiliser les élèves sur les insuffisances et carences du milieu scolaire.
Cette cérémonie, intitulée « Slam à l’École », a commencé avec le discours de la Directrice de l’Alliance franco-comorienne, Mme Anaïs Bonémino, qui s’est employée à trouver les mots justes et le ton approprié pour convaincre et encourager l’auguste assistance à souscrire au projet.
« Nous sommes partenaire avec l’association Kam’Art Culture pour promouvoir, développer la filière slam à l’école, au lycée.Le projet est motivé par la conviction que le slam permet aux jeunes et aux éducateurs de mieux cerner les enjeux éducatifs en matière d’écriture, de lecture et de déclamation, notamment de la maîtrise de la langue. Et Il ne faut pas voir ce qui se passe comme un feu de paille, dans la mesure où c’est quelque chose qui s’inscrit dans le temps, la pérennité », a-t-elle expliqué sur l’estrade spécialement montée devant les places assises.
Deux ans de gestation après expérimentation concluante à l’EHAD de M’béni
S’agissant justement des enjeux de cet art oratoire, plus précisément de la pratique du slam comme discipline à l’École, sur cet aspect de taille, Mohamed Saïd, l’un des Directeurs des établissements scolaires privés invités à la cérémonie de lancement du projet a abondé dans le sens de la Directrice Anaïs Bonémino quand il a été interrogé au téléphone par nos soins.
À l’écouter, c’est au cours de l’année scolaire 2021-2022 que les ateliers sur le slam ont été organisés dans son établissement par l’association Kam’art Culture.
Selon l’administrateur de l’EHAD de M’béni, qui a apprécié et expérimenté cette poésie chantée, à l’exception des classes de 3ème et de terminale, toute l’école a bénéficié de la formation en slam, dont l’apprentissage a été assuré par quelques compatriotes, en plus d’un ressortissant ivoirien et d’un Béninois.
Notre interlocuteur a ajouté qu’au terme du programme, 5 élèves seulement ont acquis les « ficelles » du slam, dont 3 filles de collège et deux garçons de lycée.
Justement, sur ce volet de l’expérimentation qui a été faite par l’association Kam’art Culture à l’École EHAD de M’béni, Rahim El Had Ahmada, le Directeur artistique du projet, a livré, dans un autre entretien téléphonique, plus d’éléments d’information, qui permettent de comprendre comment, par un processus d’apprentissage, un élève peut être considéré in fine comme un bon slameur
« Pour les ateliers dans les écoles, c’est au niveau du lycée et non celui du collège. Dans les séances, on a une classe dont les élèves de secondes et de terminales sont réunis ou seulement des potaches de la classe de première. Il y a deux heures d’ateliers par semaine. Et il faut 5 semaines de séances de deux heures pour acquérir les “ficellesˮ de l’art et devenir un bon slameur. Pour le concours, on prend 3 élèves dans chaque école pour constituer un groupe de 30 candidats. Une attestation est délivrée pour les lauréats et un prix spécial est décerné au meilleur slameur », a-t-il affirmé à propos de ces longs mois de gestation et d’expérimentation concluantes qui ont finalement accouché l’idée inédite et créative de « Slam à l’École ».
Concours de slameurs en herbe au mois de juin, et sélection de textes en juillet 2023
Dans son allocution, la Directrice de l’Alliance franco-comorienne a fait également état de 10 écoles privées qui ont souscrit à cette nouvelle ère pédagogique « Slam à l’École » et par sa lecture syntaxique, en filigrane de l’avènement de la poésie urbaine. Elle a également présenté le projet comme un moyen de conjuguer l’art oratoire au milieu éducatif.
Évoquant la manière par laquelle les ateliers seront organisés pour l’année scolaire 2022-2023, Mme Nawiya Bacar, la Coordinatrice du projet, a mis l’accent sur le chronogramme des activités qui seront menées dans les 10 écoles partantes pour la nouvelle ère pédagogique.
À en croire cet acteur iconique en matière de slam, aussi bien aux Comores qu’à l’internationale, il y aura 5 formateurs dans les établissements, étant noté que l’Association Kam’Art Culture a établi au préalable un programme pour les ateliers qui y seront dispensés simultanément. Auquel cas, précise Mme Nawiya Bacar, le concours devrait avoir lieu en juin 2023, la sélection de textes en juillet, et le projet devant prendre fin en octobre.
Toutefois, selon la Coordinatrice, la possibilité de respecter le chronogramme dépend de la disponibilité des écoles et de créneaux horaires qu’elles vont attribuer à l’Association Kam’Art Culture.
Vibrant plaidoyer de chefs d’établissements scolaires
Pendant la séance aux questions de la cérémonie du lancement, l’essentiel de l’argumentaire des uns et des autres a sonné souvent comme un besoin pressant de changement de certains paradigmes dans l’enseignement.
Pour défendre leur point de vue sur l’avènement du slam à l’École, à l’instar du Directeur Mohamed Saïd, les autres chefs d’établissements scolaires sont tous allés d’un vibrant plaidoyer en faveur du slam, rappelant qu’il y va de la remise à niveau et de maîtrise de la langue.
En attendant, ce qui a été décidé pour cette nouvelle discipline dans les écoles, il y a eu des potentialités, des idées et des enjeux, notamment une prise de parole d’un jeune élève que personne dans la grande salle n’avait vu venir et n’avait pressenti le talent.
« Arrêtez de parler du niveau des écoliers, qui a baissé ! Arrêtez de dire que les jeunes ne savent ce qu’ils veulent ! Comment voulez-vous que les jeunes lisent quand, entre autres difficultés, le premier roman comorien La République des imberbes, coûte 17.500 francs comoriens, alors qu’on peut acheter un livre de la littérature française à 2.500 francs comoriens ? Il faut bien situer les responsabilités dans le désastre de l’enseignement », a-t-il déballé sur un ton désabusé et une moue dépitée.
Face à ces jeunes qui reprochent aux autorités de l’Éducation nationale de ne rien faire pour eux, dont les conditions de vie et de travail sont souvent précaires, « Slam à l’École » peut servir de plateforme pour se faire entendre en forme de « réponse » à leurs doléances.