Le slameur et auteur Bachirou Mahmoud a clôturé à l’Alliance franco-comorienne le dimanche 19 juin une tournée effectuée dans les trois îles. C’était une manière de promouvoir l’œuvre dans les écoles avec une série de scénographies et de spectacles de qualité.
Propos recueillis par Hachim Mohamed
Masiwa – Après une tournée à Ndzuani et Mwali pour la promotion de votre livre « Amane », vous avez clôturé la période de promotion sur scène ce dimanche 19 mai. Quels sont les thèmes choisis dans ton livre tu as slamés sur scène avec la comédienne et slameuse Intissam ?
Bachirou Mahmoud – « Amane » est une pièce de théâtre slamée composée d’une dizaine d’actes et d’une dizaine de personnages, mais pour cette première mise en scène j’ai choisi de mettre en avant seulement deux personnage parmi les personnages clés de l’histoire à savoir le fils (Amane) et Mam (sa mère). Cela fait partie de mes objectifs de départ : concevoir une œuvre qui pourra s’adapter à son public et aux attentes de la scène. Dans les parties jouées hier, il y avait le ras-le-bol d’un jeune diplômé à qui malheureusement la société veut assigner une mission qui ne rentre ni dans ses compétences, ni dans ses principes et ses valeurs. Puis il y avait le regard inquisiteur et obligeant, mais tout aussi protecteur de sa mère. Grosso modo un long chemin de compromis que la jeunesse fait, face notre société.
Masiwa – Au cœur du spectacle, vous avez abordé la place de la femme dans la société comorienne, notamment la complicité entre une mère et son fils…
Bachirou Mahmoud – C’était pour dire que dans un jeu complexe d’amour, de respect et de peur la société comorienne finit toujours par mettre ses enfants à genoux.
Masiwa – Dans quelle île le livre a-t-il été le mieux accueilli ?
Bachirou Mahmoud– D’une manière générale, tout s’est bien passé dans les trois îles. Toutefois, j’ai été agréablement surpris, par l’accueil, le taux de participation et les échanges dans les Centres de Lecture et d’Animation Culturel de Mohéli et Anjouan, malgré le fait que le livre leur est parvenu seulement quelques jours avant mon intervention.
Masiwa – Pourquoi l’Ambassade de France aux Comores a soutenu la promotion et la diffusion de ton livre notamment à Anjouan et Mohéli ?
Bachirou Mahmoud – J’ai suivi l’année dernière une formation délivrée par l’association française Perseiden sur le développement culturel et artistique. Cette formation a aiguisé mon œil sur les différentes façons de financer son projet artistique et culturel, notamment le fait d’être attentif aux appels à candidatures et à y répondre au mieux, quand l’appel à candidatures de 2024 de l’Ambassade de France aux Comores a été lancé, j’ai conçu mon projet de production de 110 livres Amane et une tournée dans les trois îles. L’Ambassade de France m’a octroyé 64% de mes besoins financiers et les autres partenaires m’ont soutenu à hauteur des 36% restants.
Masiwa – Sur scène mercredi soir, tu as aussi joué de la guitare…
Bachirou Mahmoud – La lecture et l’écriture me permettent d’affronter mon passé, de libérer certaines parties de moi qui étaient emprisonnées dans le silence, mais les mots ne nous laissent pas indifférents, parfois ils déclenchent des émotions et des sensations difficiles à gérer, parfois ils nous entraînent involontairement dans une réflexion qui nous laissent dans un sentiment d’inachèvement et de suspension, nous conduisant à nous enfoncer encore et encore dans l’imagination et dans l’agitation des méninges, dans ma solitude j’avais fini par me dire que la guitare est un instrument qui nous permet parfois de tout mettre sur pause sans aucun risque. Quand on joue, on fait vraiment le vide, l’improvisation à la guitare, c’est beaucoup plus réel, l’action peut vraiment continuer sans qu’elle soit liée à une réflexion préalable, ou continue. Seulement dans notre société, la guitare est souvent associée à une sorte de perdition, car on l’assimile à la drogue ou à l’alcool.
Du coup je l’aimais bien, mais je n’osais pas m’en approcher au risque de déclencher la colère de mon entourage, puis quand je m’approchais de la fin de mes études à Madagascar, j’ai découvert YouTube, les milliers de cours et de tutoriels qu’on y trouve pour apprendre cet instrument, j’ai donc acheté ma première guitare que je gardais dans ma chambre et j’avançais petit à petit tout seul d’abord, ensuite je prenais un grand soin à choisir qui je devais fréquenter pour améliorer mon jeu. Par la suite, mon entourage a découvert ma guitare, mais personne ne s’est opposé, je suppose que c’est dû au fait que la guitare ne m’a conduit sur aucune autre pratique malsaine ou mal perçue. Ils ont compris que cet instrument n’influence pas mon comportement. Et maintenant quand je pense que ça peut embellir mes écrits ou un moment de partage alors je la joue sans hésiter.
Masiwa – Si ce n’est pas indiscret, pendant la promotion dans les trois îles, combien de livres avez-vous déjà vendus ?
Bachirou Mahmoud– J’avais au total 110 livres, je n’ai pas encore fait le bilan, mais je pense qu’il m’en reste maintenant à peu près la moitié.
Masiwa – Vous avez aussi effectué des prestations scénographiques à Ndzuani et Mwali ?
Bachirou Mahmoud – Dans chaque île, je commençais toujours par les ateliers dans les écoles et les Centres de Lecture et d’Animation Culturel (CLAC) et je terminais par une soirée slam et musicale à l’Alliance française de l’île accompagné d’au moins un musicien. À l’Alliance de Fomboni, j’ai joué avec Papaloté, à celui de Mutsamudu, j’ai joué avec Maitre Tchatcha Man et à celui de Moroni avec Maitre Tchatcha Man et la comédienne et slameuse Intissam, que je remercie infiniment.
Masiwa – Pour terminer, avez-vous un autre projet en gestation ?
Bachirou Mahmoud – Écrire, c’est la chose que je fais le plus dans ma vie, si une autre de mes ébauches devient un livre peut-être bien. Quand cela arrivera comme à mon habitude, je ferai le calcul minutieux du temps et du lieu bien adapté pour vous l’annoncer. En attendant, je vais bientôt laisser « Amane » entre les bonnes mains des employés des bibliothèques, des centres de lecture, des lecteurs et des lectrices et puis réfléchir à ce que je vais faire de ma vie.