Le 29 septembre dernier, la 11e chambre du Tribunal correctionnel de Marseille a relaxé le militant Soilahoudine Assoumani dans le cadre de la plainte du ministre de la Jeunesse et des Sports comorien, Djaanfar Salim Allaoui dit Sarkozy.
Par MiB
Une visite familiale au Frais Vallon
Non content de faire partie d’un gouvernement qui musèle toute opposition et menace toute personne qui veut faire une manifestation ou une réunion, même dans un lieu privé, il pensait pouvoir faire taire une partie de l’opposition comorienne en France, en portant plainte contre Soibahoudine Assoumani après une manifestation dirigée contre lui lors de son passage à Marseille le 19 juillet 2022.
Djaanfar Salim Allaoui faisait partie d’une délégation comorienne arrivée à Paris pour participer aux festivités du 14 juillet. Après les fastes de Paris, il décide d’aller dépenser une partie de ses perdiems à Marseille et rendre visite à sa famille dans le quartier populaire du Frais Vallon. Ayant appris la nouvelle, très rapidement, les militants de Daula ya Haki se mobilisent et se regroupent au bas de l’immeuble. Ils prennent à partie le ministre d’Azali, l’invectivent et le conspuent.
Marseille est une ville particulière pour les Comoriens. Azali Assoumani lui-même n’y met jamais les pieds sinon en cachette et cela depuis qu’en 2000, un an après son premier putsch, il a failli se faire lyncher dans une salle et a dû fuir rapidement sous la protection de sa garde rapprochée.
Djaanfar Salim Allaoui a acquis son surnom de Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’Intérieur du sinistre régime de Mohamed Bacar à Anjouan. La référence au ministre de l’Intérieur français est destinée à montrer la dureté dont il pouvait faire preuve à l’époque. Il avait épousé le séparatisme et servait un régime qui n’acceptait pas la contradiction. Et les Anjouanais qui osaient s’opposer au régime étaient torturés, notamment dans des conteneurs au port de Mutsamudu. Depuis, il y a eu le débarquement à Anjouan qui a délogé Mohamed Bacar et ses partisans en de 2008 mit fin à la dictature de Bacar et au séparatisme à Anjouan. Djaanfar Salim Allaoui a fui à Mayotte où il a vécu un moment comme réfugié politique avant de revenir à Anjouan quand les choses se sont tassées. Aujourd’hui, il est comme un poisson dans l’eau dans le régime tortionnaire d’Azali Assoumani, il a retrouvé un gouvernement qui joue des gammes qu’il connait bien.
Une curieuse plainte
Ce n’est qu’à 20 heures que le ministre appelle la police pour signaler l’attroupement d’une trentaine d’individus qui le menacent au bas de l’immeuble dans lequel vit sa famille. Quarante-cinq minutes après cet appel, la police arrive, mais ne trouve personne. Une heure plus tard, Djaanfar Salim Allaoui se rend au commissariat pour porter plainte contre une trentaine d’individus qui l’auraient menacé. Deux jours plus tard, il revient au commissariat pour préciser sa plainte pour menace et affirmer qu’il a reconnu dans la vidéo diffusée sur internet deux personnes : un certain Abdou Saïd et Soibahoudine Assoumani.
Cette plainte, après enquête et traduction sommaire de la vidéo de la manifestation, vaut à Soibahoudine Assoumani une garde le 30 août 2022. Interrogé par la police, il reconnait avoir participé à l’attroupement contre le ministre. Il assume également être un « activiste » qui se bat contre la dictature qui sévit aux Comores. Alors que le dossier est léger, Soibahoudine Assoumani est poursuivi pour « menace de mort » contre Djaanfar Salim Allaoui et « organisation d’une manifestation sans déclaration préalable ».
Un Mabedja nommé Soibahou
Soibahoudine Assoumani n’est pas un inconnu dans le milieu des activistes de la diaspora comorienne qui luttent contre la dictature d’Azali Assoumani depuis mars 2019. Il a fait partie d’une demi-dizaine de jeunes comoriens, regroupés dans l’association Mabedja et qui se sont rendus aux Comores en septembre 2021 pour organiser des manifestations pacifiques en faveur du retour de la démocratie.
Le pouvoir en place a pris peur et après avoir réprimé violemment la manifestation organisée à Moroni, a enfermé les leaders dont Soibahoudine Assoumani. Sous diverses pressions, le gouvernement comorien a été contraint de négocier leur libération, tout en les contraignant à quitter immédiatement le pays, alors qu’ils sont également ressortissants comoriens.
Un ministre conspué
Le 19 juillet, Soibahoudine Assoumani apprenant le passage d’un ministre d’Azali dans la ville où il habite, Marseille, il participe au regroupement à Frais Vallon pour manifester au ministre qu’il n’était pas le bienvenu à Marseille, alors qu’aux Comores, il fait partie d’un gouvernement qui enlève toutes les libertés au peuple et se livre à des tortures.
Curieusement, le jour du jugement, le ministre comorien n’était même pas représenté au tribunal, démontrant par son absence que son unique objectif, comme celui du gouvernement Azali, est d’installer la peur chez les militants, y compris en France, pour empêcher qu’ils dénoncent les exactions commises aux Comores.
Me Mihidoiri Ali, l’avocat de Soibahoudine Assoumani, est venu spécialement de l’île de la Réunion pour le défendre. Il a brillamment montré aux juges de la 11e chambre du Tribunal correctionnel de Marseille que les accusations contre son client n’étaient pas fondées. D’une part, parce qu’il n’apparait pas dans la transcription de la vidéo de l’attroupement que Soibahoudine Assoumani avait tenu des propos menaçants envers qui que ce soit. D’ailleurs la traduction des propos en français est faite de telle sorte qu’il est impossible d’affirmer qui a dit quoi.
Et sur la deuxième accusation, en citant plusieurs jurisprudences, Me Mihidoiri Ali a montré que les participants à une manifestation non déclarée, même lorsqu’ils prennent la parole, ne peuvent pas être mis en cause pour cela par la Justice. De plus, il ne s’agissait pas à proprement parler d’une manifestation, mais d’un attroupement spontané quand des militants ont appris la venue du ministre dans un quartier de Marseille.
La joie pour les militants anti-Azali
Le 29 septembre, à Marseille, les militants opposés à la dictature d’Azali Assoumani ont pu laisser éclater leur joie à la sortie du tribunal. Dans une déclaration à Masiwa, Me Mihidoiri Ali se dit « heureux que la justice se soit prononcée. Elle a jugé Soibahoudine innocent des faits qui lui étaient reprochés ».
Quant à Soibahoudine Assoumani, contacté par Masiwa, il affirme que « le 29 septembre 2023 est une journée historique pour la lutte contre la dictature. C’est également une journée d’espoir pour toutes les personnes liées à ce combat. ». Il pense à ses camarades de lutte qui l’ont soutenu toute la semaine notamment via les réseaux sociaux et il est plein de gratitude pour son avocat qui a fait pour lui « un travail exceptionnel ».
Le ministre Salim Allaoui Djaanfar a voulu faire pression sur des militants qui luttent contre la dictature qu’il sert à Moroni, il a en fait probablement revigoré le mouvement par cette victoire de Soibahoudine et de son avocat. Contacté par nos soins, il n’a pas souhaité faire de commentaire sur ce jugement.