Les années se suivent et les résultats du Bac comorien restent toujours catastrophiques. Aucune mesure n’est prise ni par le gouvernement ni par les enseignants pour y remédier. Au fil des années, chacun semble s’accommoder de ces résultats et le gouvernement annonce depuis 2016 être sur le chemin de l’émergence avant 2030.
Par Naemanti Ibrahim et MiB
Aux Comores, cette année c’est plus de 14.000 candidats dans les trois îles de la Grande-Comore, d’Anjouan et de Mwali qui passaient leur baccalauréat, l’examen qui génère chez les élèves et les parents le plus d’angoisse. Cette année, une jeune fille a même fait un malaise pendant une épreuve et est décédée à l’hôpital. Il y a d’autres malaises cette année, comme les années précédentes, sans que cela finisse par la mort.
La pression est grande
Cette année également, l’examen a été émaillé par des tentatives de fraudes dans les trois centres. Ce fut le cas à Anjouan, on a remarqué pas mal de tentatives de fraude dans les salles d’examens, comme les années précédentes. Selon des témoignages des élèves, on les laisse faire. Dans certains centres, des candidats ont recours aux téléphones portables pour rédiger durant les examens et cela à la vue des surveillants. Des adultes pensent ainsi aimer la jeunesse en laissant les élèves tricher. Mais, c’est l’avenir du pays qui est en jeu.
La fraude, c’est une des marques de cette pression qui repose sur les épaules des candidats au baccalauréat. Sans le bac, la possibilité de quitter le pays s’amoindrit. Et quand on ne peut pas faire des études supérieures, même à l’Université des Comores, il est difficile de trouver d’autres formations et d’intégrer la fonction publique à laquelle la plupart des jeunes aspirent. Sans parler de l’honneur de la famille au sein du village.
Des résultats provisoires
Le 27 juillet dernier, les résultats du bac ont été annoncés pour l’ensemble du pays. Des résultats qui restent très insuffisants : Mwali, l’île qui présente le moins de candidats (1230) présente cette année le taux le plus élevé (21%), suivi de Ndzuani (12%) et Ngazidja (11%). Une fois n’est pas coutume, la dernière place de Ngazidja, à l’issue du premier tour, laisse perplexe. Tandis qu’à Anjouan, certains espèrent qu’à l’issue du deuxième tour, l’île aura réussi à quitter la dernière place qu’elle occupait l’année passée.
En effet, habituellement, les résultats du 2e tour augmentent sensiblement les résultats finaux. Quasiment tous les élèves qui passent aux rattrapages décrochent finalement leur Bac. Or près de 24% des candidats de la Grande-Comore passent l’oral, 33,5% à Anjouan et 32% à Mwali.
L’année 2022 avait été horrible pour les bacheliers anjouanais parce qu’au premier tour il n’y avait que 9% d’entre eux qui avaient obtenu le Bac et 24% autorisés à passer l’oral. En 2021, c’était encore pire puisque 5% seulement avaient obtenu le Bac au premier tour et 16% étaient allés aux rattrapages. À chaque fois, les rattrapages avaient permis d’améliorer les résultats du premier tour.
Selon le ministère de l’Éducation nationale les épreuves du deuxième groupe commenceront ce lundi 31 juillet dans les trois centres.
Dans l’île de Mayotte, sous administration française, il y avait cette année 6290 candidats au Bac (dans les trois filières : général, technologique et professionnel), soit à peu près le même nombre qu’à la Grande-Comore ou à Anjouan. Au premier tour, 3245 candidats avaient obtenu leur bac, soit 51,6%.
L’éducation n’est pas une priorité pour l’émergence
Comme chaque année, face aux résultats catastrophiques, les mêmes questions reviennent et repartiront aussi vite. Est-ce la faute des parents ou des élèves ? Est-ce la faute du gouvernement ? Pour certains, il n’y a pas de doute, c’est l’État qui est le premier responsable de ces échecs qui se succèdent chaque année.
Le mouvement Ukombozi, qui est la seule organisation politique à réagir à ces résultats catastrophiques, souligne la part des gouvernements Azali depuis 2016 dans l’effondrement de l’Éducation nationale : « La liquidation de l’enseignement public date mais force est de reconnaître et souligner l’écrasante responsabilité du clan Azali. La sinistrose de l’enseignement public s’étale au grand jour : établissements délabrés, non-respect de la carte scolaire pour des basses raisons électoralistes, niveau déplorable de nombreux enseignements, etc. Les résultats du BAC de ces dernières années devraient être perçus comme une sonnette d’alarme. » (Déclaration n°16 du 28 juillet 2023)
Les résultats du Baccalauréat de ces deux dernières années démontrent, s’il le fallait, qu’il y a un problème dans notre pays. L’éducation, qui devrait être la priorité d’un gouvernement qui prétend mener le pays à l’émergence en six ans, est en réalité délaissée. Le poste de ministre de l’Éducation est donné jusqu’à maintenant comme récompense à une action menée pendant la campagne présidentielle de 2016 ou de 2019. Le ministre précédent, Mohamed Moussa Moindjié, qui parlait de l’Éducation comme de la « locomotive de l’émergence », avait fait voter la veille de la clôture de la session parlementaire, le 29 décembre 2020, sans véritable, une loi d’orientation qui devait entrer en vigueur à la rentrée suivante. Il pensait mettre en place l’enseignement technique et professionnel (il ne faisait même pas la différence entre les deux). Il était plein d’illusions et ne comprenait pas que l’Éducation n’était pas une priorité dans son gouvernement. Son ambition était de durer. Il a été remercié avant même la rentrée et sa loi a été enterrée. On ne parle plus d’enseignement professionnel, qui pourtant pourrait réduire les échecs au Bac. Son successeur fait profil bas, la maison Éducation prend l’eau de partout, il laisse couler.
L’État en cause
La responsabilité de l’état dans l’échec de l’éducation est encore plus remarquable quand on compare les résultats des écoles privées avec celles des écoles publiques. Chaque année, les écoles privées les plus sérieuses raflent les mentions dans toutes les séries. Les résultats les plus catastrophiques sont recensés dans les établissements qui dépendent de l’État.
À l’autre bout de la chaine, les résultats au Bac montrent que les taux de réussite sont les plus faibles dans les zones rurales. On remarque que les villes et villages des campagnes sont en retard en matière d’éducation, le niveau est très bas par rapport aux villes, surtout celles qui sont à proximité de la capitale et des chefs-lieux.
L’État ne joue plus son rôle d’encadrement et de formation des enseignants, même la plupart de ceux qui entrent dans le métier ne bénéficient pas de formations pédagogiques sérieuses. Le manque de professionnalisme des enseignants engendre une baisse de niveau des étudiants. Les responsables étatiques sont conscients de ces problèmes, mais ils ne font rien pour changer cette situation qui nuit et continuera à nuire au développement du pays.