À la veille de la fête de l’indépendance, qui se rappelle encore qu’en 2016, quand Azali Assoumani est arrivé à la tête de l’État, il ne chantait qu’une seule chanson : « le développement par nos propres moyens » ? Tout cela est bien loin quand on voit l’omniprésence de l’assistanat et de l’aide au développement qui ne finit jamais.
Par Naenmati Ibrahim
Le 5 juillet dernier, dans la cour du nouveau bâtiment du Centre des opérations de secours et de protection civile (COSEP), le président Azali Assoumani, accompagné des membres de son cabinet et de son gouvernement, ainsi que presque l’ensemble des parlementaires de l’Union des Comores ont été mobilisés dans une de ces cérémonies coûteuses pour l’inauguration d’un nouveau bâtiment construit grâce à l’assistanat omniprésent des organisations internationales.
Le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD) via le dispositif du Fonds pour l’Environnement mondial (FEM) en est le bailleur. L’organisation du système des Nations Unies le rappelle sur sa page Facebook le 5 juillet 2023 : « Ce bâtiment est construit grâce à la collaboration du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et du Fonds pour l’Environnement mondial (FEM)… Le budget total de la construction est de 412 582 534 KM… ».
Une inauguration aberrante à la veille de la fête de l’indépendance ?
La création du COSEP a été envisagée dans le cadre de la plateforme mondiale pour la réduction des risques de catastrophes à Genève entre le 5 au 7 juin 2007. Bencheik Omar, alors Directeur de la Protection civile, rattachée au cabinet du Chargé de la défense de l’Union des Comores dressait les principaux objectifs et missions du COSEP : « les Comores sont prédisposées aux catastrophes dont les plus importants, les éruptions volcaniques du Karthala, les fréquents séismes, les plus torrentielles, les inondations, les épidémies du fait de la présence des lahars, les Feux urbains mortels, la sécheresse ont déjà eu des conséquences importantes depuis 1975 ». Alors cette institution de l’Étatrecense plusieurs priorités, mais pas la plus urgente. Un plan national de Préparation et réponses aux urgences envisage des actions en faveur de l’urgence.
Il a donc fallu attendre 16 ans pour que le COSEP soit doté d’un bâtiment digne de ses ambitions, sur des fonds des Nations-Unies. Pourtant, les discours des intervenants au moment de cette inauguration vantent les mérites du gouvernement et font de la bâtisse un symbole du développement et de l’émergence.
L’utopie de l’émergence et un peuple qui meurt en mer
Abdallah Rafick, Directeur général de la sécurité civile qui va concrètement prendre possession du bâtiment se contente de « remercier très sincèrement le PNUD et le Fonds pour l’Environnement mondial (FEM) qui ont su avec brio et patience nous accompagner, nous soutenir » en affirmant tout de même que grâce à ce bâtimentun « des objectifs de la stratégie de sécurité civile à l’horizon 2030 » est atteint. Pour le ministre de l’IntérieurFakridine Mradabi, « ce bâtiment est le magnifique symbole de notre État, de notre Union des Comores pleinement mobilisés pour asseoir les bases d’un développement partagé et véritablement nationale dans toutes ses dimensions ».Rien que cela !
Cette tendance du pouvoir à considérer les bâtisses, qui pour la plupart sont construites grâce à des dons d’États amis ou d’organisations internationales, comme des marques de développement est étonnante. Il faut donc s’attendre à de plus grandes fanfaronnades au moment de l’inauguration de l’Hôpital El-Maaruf. Azali Assoumani voudra faire croire qu’il a amélioré le niveau de santé des Comoriens. Alors que l’on compte déjà un établissement hospitalier neuf et viable à Bambao Mtsanga qui a besoin de plus que de sa structure architecturale pour justifier sa construction. En effet, comme le nouveau bâtiment du COSEP, ce n’est pas une grande bâtisse qui dénote du bon fonctionnement du service qu’elle abrite. C’est d’abord le management et l’équipement que l’État contribue à mettre en place qui sont essentiels. Pourtant, il est tout à fait naturel qu’une telle institution de l’État chargé de la protection de la population puisse d’abord se doter des capacités à intervenir pour que son action soit comptable aux yeux des citoyens.
Or, la plus grande catastrophe que les Comoriens ont à gérer depuis 1995, c’est le grand nombre de naufragés à secourir entre Anjouan et Mayotte. Or de cela, il n’était pas question dans cette inauguration, ni probablement dans les objectifs de la stratégie de sécurité civile à l’horizon 2030. Cela semble être loin des préoccupations du gouvernement.