Le rapport de l’ONU sur le bonheur dans le monde place les Comores parmi les pays les plus malheureux. Ce classement est révélateur de la situation socio-économique du pays, dont la gouvernance ne coïncide pas avec des objectifs pouvant améliorer la vie de la population.
Par Nezif Hadj Ibrahim
Depuis 2012, à l’initiative de Ban Ki Moon, l’Organisation des Nations-Unies publie un rapport annuel sur le bonheur dans le monde, et ce, sur la base de six facteurs favorisant le bien-être des populations : le produit intérieur brut par habitant (revenu), la générosité, la liberté de pouvoir choisir ce que l’on veut, les soutiens sociaux, la santé et l’absence de corruption. Évaluées par rapport à cette grille de critères, les Comores se placent à la 130e place, devant seulement sept États. Le pays figurant donc dans la catégorie des pays malheureux dans le monde. Cet exercice est le fruit d’une étude issue du Réseau de solutions pour le développement durable, qui regroupe des Universités du monde, des Centres de recherches et des institutions de connaissances.
Le rapport est révélateur de la situation socio-économique du pays, dont la gouvernance ne coïncide pas avec des objectifs pouvant améliorer la vie de la population.
Des facteurs traduisant le niveau de vie difficile de la population
L’étude de l’ONU repose sur des critères politiques et sociaux : la corruption, le revenu, la liberté, la santé, le soutien social et la générosité. L’État est donc sous la loupe, puisqu’il s’agit d’évaluer l’efficacité de ses politiques, si elles favorisent le bonheur.
Selon le rapport « il existe un consensus croissant sur la manière dont le bonheur doit être mesuré. Ce consensus signifie que le bonheur national peut désormais devenir un objectif opérationnel pour les gouvernements ». En d’autres termes, la mesure démontre les défaillances ou le succès des programmes politiques des gouvernements, tout en étant un miroir qui favorisera une prise de conscience pour les décideurs.
Dans le cas des Comores, le rapport n’est pas reluisant. On peut dire qu’il pointe du doigt un manque de liberté, mais aussi d’une meilleure prise en charge sanitaire et pointe du doigt un revenu qui n’arrive pas à satisfaire les besoins de la majorité de la population. Pour la question des libertés, on peut faire le rapport avec l’autoritarisme qui a pris place dans le pays de la part d’un gouvernement qui cherche d’abord à se protéger contre vents et marées, étant donné qu’il n’est pas ouvert à la concurrence démocratique et qu’il ne repose pas sur des élections démocratiques.
Dans le rapport de Transparency International sur la corruption dans le monde, les Comores sont classées parmi les cinq pays les plus corrompus d’Afrique et l’un des pays les plus corrompus du monde. Pour un pays qui aspire à attirer des investissements directs étrangers, cette situation constitue un vice rédhibitoire puisqu’elle révèle un contexte qui ne garantit nullement les droits individuels. Par rapport à la gestion de la chose publique, c’est l’opacité totale. Les marchés publics sont octroyés pour élargir l’allégeance des personnalités publiques sans respect des lois, et le cercle dirigeant ne cache pas sa mainmise sur les fonds publics sans le contrôle des institutions autonomes compétentes.
Sept années au pouvoir et toujours dans le bricolage
La mesure du bonheur des pays ne se contente pas seulement de baser son évaluation sur des critères subjectifs. Elle prend également en compte des éléments objectifs, qui transcendent la relativité que peut représenter le sentiment du bonheur. Aux Comores, selon l’Institut national de la Statistique et des Études économiques et démographiques, dans un rapport sorti en 2021, 44,8% de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté. Cela représente 336.726 Comoriens, soit près de la moitié de la population, qui ont du mal à se nourrir quotidiennement et à se soigner quand ils tombent malades.
Rappelons qu’aux Comores, il n’existe pas de système de sécurité sociale qui aide les plus démunis. Quand aucun membre de la famille ne s’en sort économiquement et quand l’un tombe malade, il est condamné à subir passivement son sort. Pourtant, on a un président qui est arrivé au pouvoir depuis 2016 sans avoir pu améliorer la vie des Comoriens après sept ans au pouvoir. Au contraire, même si pour le régime politique d’Azali Assoumani, c’est de la faute de la COVID, puis du conflit russo-ukrainien, les conditions de vie des Comoriens se sont davantage dégradées.
Dans ce pays, le bien-être n’est pas un sentiment partagé par la majorité, en ce sens que la liberté n’est pas garantie. Le régime politique en place ne permet pas la contestation même pour manifester contre une mesure ou une attitude qui est d’intérêt général.
Un rapport dans la lignée d’autres rapports sur le niveau de vie aux Comores
En début d’année 2023, le rapport publié par Transparency International et celui de la Fondation Mo Ibrahim. Les deux documents font état d’une situation globale préoccupante aux Comores, à quelques nuances près : pour la Fondation Mo Ibrahim sur la bonne gouvernance en Afrique, les Comores figurent parmi les pays ayant un indice élevé en développement humain. Cependant, on peut mettre ce bon résultat sur le compte de l’émigration que certains Comoriens ont entreprise depuis longtemps.
En effet, les Comores sont un pays avec une grande diaspora, et on retrouve dans plusieurs pays du monde des originaires de l’archipel où ils sont mieux considérés en termes de travail. Grâce à leur réussite dans ces pays, ils aident les leurs à mieux vivre aux Comores, en prenant en charge leurs soins médicaux dans les pays voisins comme Madagascar ou la Tanzanie, l’éducation des neveux et des nièces jusqu’à l’enseignement supérieur, en général, hors du pays, par exemple au Sénégal ou au Maroc. La diaspora aide aussi à nourrir les familles aux Comores. Ce qui vaut un meilleur score en termes de développement humain global positif des Comores dans l’un des rapports sortis début de janvier 2023. Toutefois, il faut savoir lire entre les lignes de ce rapport. Bien qu’il y ait un développement humain satisfaisant aux Comores, la ruralité, notamment anjouanaise, ne vit pas cette réalité.
De toute façon, en 2023, sur le rapport de Transparency International sur la corruption dans le monde, l’indice de la bonne gouvernance de la Fondation Mo Ibrahim et le rapport sur le bonheur de l’ONU sont assez clairs et se recoupent : les Comores sont un pays malheureux en raison, principalement, de la corruption, de l’autoritarisme et de la mauvaise gouvernance.