Les signes qui indiquent que le scrutin présidentiel de 2024 approche à grands pas, aux Comores, se multiplient. Si les ténors de partis de l’opposition ont déjà divulgué ce qu’ils posent comme préalable à leur participation à cette joute électorale, via le Front uni, avec Mohamed Ali Soilihi comme candidat, devant les médias de la place, le mouvement Ukombozi n’est pas en reste, ayant présenté à la salle de conférence du Jardin de la Paix ce jeudi 2 mars 2023 un front de refus du régime politique en place.
Par Hachim Mohamed
C’est une organisation politique dont le dessein est d’obtenir un changement de régime politique par des « voies pacifiques et démocratiques » et l’instauration d’un « État de Droit ».
« Ça déglingue dans pas mal de secteurs, cela saute aux yeux. Le pays est comme une tête maintenue dans l’eau, avec la respiration qui est bloquée. Nous devons traiter le sujet avec l’opposition, dans la mesure où nous estimons qu’il y a beaucoup d’enjeux pour le présent et le futur de Comores lors du scrutin présidentiel de 2024 », affirme le porte-parole national d’Ukombozi, qui se veut non pas un parti politique, mais un mouvement à même de porter les aspirations du peuple comorien. D’emblée, ce militant fait du respect de notre système et de nos institutions démocratiques l’enjeu principal de ce scrutin.
À en croire Idriss Mohamed Chanfi, sur ce sujet comme sur tant d’autres, il existe une plateforme Ukombozi en ligne, où les opinions et les positions des membres sont exprimées clairement.
L’initiative du mouvement est arrivée dans un contexte de dictature, dans lequel nos grands principes démocratiques sont piétinés par des intérêts mesquins et sectaires des dirigeants du pays, et jamais la question de la conception unificatrice de la nation ne s’est posée aussi avec autant d’acuité.
Sur ce combat citoyen, force est de reconnaître que « depuis que le FD a disparu sur l’échiquier politique à la fin du siècle dernier, à l’échelle de l’opinion nationale, les gens se sont rendu compte que le pays ne dispose plus d’un mouvement patriotique et révolutionnaire qui porte les aspirations du peuple », explique l’ancien militant du Front Démocratique.
Contrôle de tout le système d’organisation et de supervision des élections
Pour le porte-parole national du mouvement Ukombozi, la question qui taraude l’esprit est : comment, en synergie avec les ténors de partis politiques, articuler une stratégie du combat citoyen crédible, cohérente et convaincante ?
En d’autres termes, peut-on battre Azali Assoumani par les urnes en se pliant aux désidératas des uns et des autres dans le contexte institutionnel et politique actuel ?
Pendant l’exposé oral de tenants et aboutissants fait par ce cacique de la politique locale, opter pour la participation aux élections est une question centrale, et l’heure n’est plus pour le front élargi de refus face au régime politique en place, d’attendre trop longtemps pour resserrer les rangs.
Sur la base des enjeux du scrutin, le porte-parole, Idriss Mohamed, soutient que « si nous boudons l’élection présidentielle comme si c’était les rats avec le caca, la politique de la chaise vide arrangerait Azali Assoumani, qui n’aura pas d’adversaire comme les rats contents de manger tout seuls le caca ! »
Porter le combat est d’autant plus urgent que nous sommes, selon le militant, face à un régime politique qui contrôle tous les rouages d’organisation et de supervision des élections, l’État lui-même. Cela commence tout d’abord par les personnes qui vont contrôler les élections, dont les membres de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême, tous choisis par le président Azali Assoumani, les membres de la Commission électorale nationale indépendante (CÉNI), qui doivent tous leur poste à son pouvoir « discrétionnaire », aux Gouverneurs des îles, aux députés de l’Assemblée de l’Union, tous membres de son obédience politique, tous ses partisans.
À suivre la philosophie du mouvement Ukombozi, selon la démonstration d’Idriss Mohamed Chanfi, il serait temps de revoir tous les errements dans la bataille politique et de scier les problèmes à la base.
Cela débouche sur la nécessité d’établir une feuille de route pour le front élargi de refus, laquelle se traduit par une période de transition de deux ans du candidat unique dès son élection, et pendant ce temps, il faudrait adopter une nouvelle Constitution.
Flanquer dehors la Chambre constitutionnelle de la Cour Suprême et la CÉNI
De la part du porte-parole national de mouvement Ukombozi, l’enjeu principal consiste à poser les jalons qui permettront de déterminer où le front élargi de refus va et comment il va y aller, par quelles voies, quelles étapes intermédiaires, et de manière satisfaisante. Dans cette optique, tous les candidats doivent être traités sur le pied d’égalité.
Dans cette démarche, il n’y a pas 36 solutions si ce n’est flanquer dehors les membres de la Chambre constitutionnelle de la Cour Suprême et ceux de la Commission électorale nationale indépendante, en nommant d’autres personnes à leur place.
Toutefois, précise, Idriss Mohamed Chanfi, parlant de la stratégie gagnante de ce front du refus, « nous ne devons pas attendre la communauté internationale. Nous devons commencer par nous-mêmes le travail de changement pour espérer ensuite les pressions qui viendront de l’extérieur comme l’UA et tant d’autres instances de la communauté internationale ».
L’exigence de transparence du scrutin est d’autant plus nécessaire qu’il y aura des candidats qui seront en lice pour faire les quatre volontés du président Azali Assoumani et qui feront croire à l’opinion nationale et internationale que les règles du jeu démocratique seront respectées. Or, il faudra tenir compte du fait que « le chef de l’opposition » choisi par Azali Assoumani aura pour rôle de se poser en « seule et vraie opposition ».
Front élargi de refus, ses conciliabules, son programme de 2024
Pour le porte-parole national du mouvement Ukombozi, deux visions s’affrontent pour le scrutin de 2024 dont les leaders politiques du pays opposés réellement au pouvoir d’Assoumani Azali devraient percer le stratagème et s’unir pour le déjouer. Concrètement, la bataille politique se joue entre un président sortant qui cherchera à s’attribuer le fauteuil présidentiel par un procédé frauduleux par l’apparence d’une élection, et une opposition farouche qui milite pour des élections réelles, libres et transparentes, dans l’équité entre les différents candidats.
Si au départ, explique Idriss Mohamed Chanfi, une frange de l’opposition comorienne n’était pas partante pour la préparation de ces joutes électorales, qu’elle estime jouées d’avance en faveur du régime politique en place, de plus en plus un autre son de cloche s’entend maintenant pour battre Assoumani Azali au scrutin 2024. C’est celui des ténors des partis politiques qui acceptent d’aller aux urnes si les conditions de la transparence par la bonne organisation de l’élection présidentielle sont réunies.
Après les conciliabules tenus d’un commun accord entre le mouvement Ukombozi et l’opposition, pour Idriss Mohamed Chanfi, la seule issue rationnelle serait dans le choix d’un agenda qui se ferait un devoir de définir les priorités, un schéma directeur à suivre. « Quand on s’est mis d’accord sur le front élargi de refus, on doit aussi s’entendre qui on y mettra à la tête et quel sera le contenu du programme de cette plateforme pour battre campagne. Et tout le monde souhaite la chute du président et l’avènement d’une nouvelle ère démocratique », a déclaré le vieux routier de la politique comorienne qui a rappelé ce qui arrive à Azali Assoumani dans les localités du pays où les gens quittent la mosquée s’il veut diriger la prière de vendredi.