Les Comores ont obtenu la présidence de l’Union africaine (UA) après plusieurs mois d’intenses discussions, notamment pour faire en sorte que le Kenya renonce à sa candidature. La France remise en cause dans certaines de ses anciennes colonies aurait aidé Azali Assoumani dans son ambition et attend de pouvoir en tirer des profits pour sa propre diplomatie en Afrique.
Par MiB
Le 18 février 2023, le rêve d’Azali Assoumani est devenu une réalité pour lui et pour les Comores. Certes, depuis des années les Comores trainent une diplomatie médiocre, trop politisée, manquant de lignes directrices et qui se renie en permanence, mais il faut reconnaître que le gouvernement a su mettre en place une stratégie pour parvenir à rendre réelle cette ambition du chef de l’État. En mettant de côté et les Affaires étrangères et même le conseiller à la diplomatie.
La surprise Azali
En effet, c’est au cours de la 36e session de l’Union africaine que le Sénégalais Macky Sall a transmis la présidence de l’organisation panafricaine à « son frère » et à son « marabout », Azali Assoumani. Le chef de l’État des Comores, malgré les dénonciations sur son régime, particulièrement sur les modifications constitutionnelles qui lui permettent de pouvoir prolonger son mandat au moins jusqu’en 2029, dénoncé par ses opposants, mais également par des rapports de l’ONU et des États-Unis pour les tortures lors d’interrogatoires musclés, fait un pied de nez à toutes les critiques en se hissant à la tête de l’Union africaine. Ses opposants sont encore à s’interroger sur le comment cette organisation a pu mettre à sa tête un homme qui est loin de respecter les principes qu’elle met en avant concernant la démocratie, le refus des putschs, les changements de constitutions pour se maintenir au pouvoir… Ils oublient seulement qu’elle a aussi été présidée par Denis Sassou-Nguesso (RDC, 2006), Robert Mugabe (Zimbabwe, 2015), Idriss Déby (Tchad, 2016). L’Union africaine n’est plus celle des pères fondateurs, elle se contente d’énoncer des principes, mais elle n’a guère les moyens de les mettre en pratique, les Comoriens l’ont appris à leurs dépens ces dernières années, lors des pseudos élections organisées par Azali Assoumani et supervisées, entre autres par l’Union africaine.
Un discours de remerciement
Le discours du nouveau président de l’Union africaine était plutôt orienté longuement sur des remerciements pour ceux qui ont voté pour lui, pour le président kenyan qui a eu « l’élégance de se retirer » et ceux qui ont dirigé l’organisation avant lui. Dans ce discours quasi incompréhensible en français, il était difficile de voir les priorités qu’il s’assigne et assigne à l’UA pendant l’année de sa présidence.
Faisant état des conséquences sur les économies africaines de la guerre en Ukraine, après les effets de la covid-19, le chef de l’État comorien a promet de mettre en place des mécanismes de règlement de la dette des pays africains en s’appuyant sur les institutions financières internationales. Il est à remarquer qu’il a fait sienne la vision européenne, voire macroniste d’un taux de natalité qui serait un frein au développement de l’Afrique.
Après l’expulsion de la représentante d’Israël de la cérémonie d’ouverture, à la demande de l’Algérie et de l’Afrique du Sud selon le gouvernement de Tel-Aviv, Azali Assoumani a également plaidé pour qu’Israël et Palestine puissent former deux États distincts vivant en paix, côte à côte. Il s’est même fait applaudir en insistant sur le fait que Jérusalem-Est devait être la capitale de la Palestine. Il a tout de même créé une certaine confusion dans les esprits en se prononçant comme si ces deux États existaient déjà.
Une partie de l’opinion comorienne, notamment dans les réseaux sociaux, s’est étonné du fait qu’il a abordé le conflit israélo-palestinien, mais qu’il a tu celui qui oppose son propre pays à la France à propos de l’île de Mayotte. L’idylle entre le chef de l’État comorien et le président français est au firmament puisque nous le disions il y a quelques mois et le journal « Le Monde » le confirme dans un article de dimanche : la France a fait jouer sa diplomatie pour faire gagner Azali Assoumani et elle attend en retour l’aide de ce dernier pour regagner une certaine crédibilité perdue face à la Russie et à la Chine, une continuation de la politique de Macky Sall, en quelque sorte.
Azali Assoumani a aussi abordé dans le désordre plusieurs questions qui sont sur la table de l’Union africaine comme des vœux pieux dont il n’aura sans doute pas le temps de s’occuper : renforcer l’économie bleue, l’autosuffisance alimentaire… Ironie du sort, le chef de l’État comorien a consacré un chapitre de son discours aux droits des femmes et sur la politique du genre. La photo finale des chefs d’États africains qui ne laisse apparaître aucune femme est parlante. Azali Assoumani lui-même, qui a choisi les membres de son parti qui devaient entrer au parlement n’en a mis qu’une seule, comme dans son gouvernement. Tout est donc possible.
Les priorités de l’année de présidence
Le fouillis dans ce discours est tel qu’on se demande quels sujets sont prioritaires, étant entendu que le Comorien ne pourra pas s’attaquer à toutes les questions qu’il évoque, d’autant plus que le problème de l’insuffisance de la diplomatie comorienne, autant en quantité qu’en qualité, est régulièrement évoqué dans la perspective de cette présidence de l’Union africaine. Avec un ministre des Affaires étrangères discrédité par une escroquerie à la Réunion, par une plainte à Paris pour tentative de subornation de témoin et qui dès le départ a annoncé qu’il allait innover en matière de diplomatie en mettant en avant « la diplomatie intérieure ».
Pour comprendre ce à quoi va s’atteler véritablement Azali Assoumani, il faut aller chercher sur le mur Facebook de Beit-Salam. On peut y lire : « Le Chef de l’État a fait part à Monsieur Guterres [NDLR : Secrétaire générale de l’ONU] des axes prioritaires de son programme une fois à la tête de l’Organisation panafricaine. Il a cité, entre autres, le maintien de la Paix et la Sécurité dans la région et la mise en œuvre effective de la Zone de Libre-Échange Continentale africaine (ZLECAf) ». Des thèmes également abordés dans son discours samedi dernier.
Il est aussi à remarquer que la loi sur la ratification du traité concernant la Zone de libre-échange en Afrique a été ratifiée aux Comores juste avant la prise de fonction d’Azali Assoumani, comme dans 46 autres pays.
Le chef de l’État, qui était accompagné par un nombre important de journalistes proches du gouvernement ou travaillant dans les médias d’État, revient ce lundi et à cette occasion les ministres, Directeurs et Secrétaires généraux sont priés par des notes de service de se rendre nombreux à l’aéroport de Hahaya pour l’accueillir comme il faut.