Au centre et dans les campagnes de la société Komori, les tambours et les sons du Anda, la psalmodie et les tam-tams de la religion vibrent depuis les temps anciens. Ils sont antérieurs pour le moins à l’avènement de son indépendance proclamée le 6 juillet 1975. C’est dire le climat et la prégnance de ces deux pratiques.
Nourdine MBAE DJAE, Porte parole de DYH-IDF.
Ainsi, le Mkomori, peu après sa naissance, que dis-je ? dès la fabrication de son embryon, est nourri des actions, des pratiques, des théories, voire du catéchisme de ces influences-là. Quiconque voudrait les questionner risque d’être indexé de tant d’attributs caricaturaux et de noms d’oiseaux invraissemblables, pour ne pas dire fantaisistes. La rationalité et la nuance s’éloigneraient de la tribune de ce qu’est la raison pour ainsi laisser le brouhaha du « unamdji-isme » grégaire, la bigoterie confessionnelle et le fanatisme religieux prendre le dessus de l’initiative. Ces tendances réactionnaires risqueraient d’assiéger le terrain du débat, de confisquer la modération de la parole pour ainsi prendre de funestes offensives, lancer les hostilités par outrance au mieux, sinon au pire par de la violence physique.
Et pourtant, la nécessité du vivre ensemble nous oblige à interroger les tendances, les pratiques et les phénomènes qui interagissent dans notre société, si tant est que nous aspirions à ne pas brouter constamment dans la pauvreté et la corruption ambiantes et si dominantes. Une pauvreté réelle, une pauvreté d’attitude également qui semblent nous résigner à telle enseigne qu’on la confond, de l’une à l’autre, à de la fatalité. Il n’est pas vain de regarder les choses telles qu’elles sont.
La religion (notre croyance en l’islam, la pratique de celle-ci et sa relation avec la politique, de même que la gestion de l’État ) mérite tout notre intérêt pour la mieux vivre dans l’intime conviction et pour lutter contre les influences néfastes de ceux qui prennent le devant dans les institutions de l’État pour la pervertir et justifier leurs turpitudes. Nous nous rappelons de si près – notre plaie étant toujours béante, la sueur et le sang citoyens encore dégoulinants à cause de la quête de sa souveraineté et de la démocratie – oui, nous nous rappelons de la justification du grand vol électoral, jamais enregistré dans notre histoire mouvementée, par des propos extraits de notre livre saint, sans que le mouftorat ne s’en émeuve. Pourtant, il est aussi une autre institution de l’État. Il est fabriqué par l’État. Il est abrité par l’État. Il est gavé par l’État.
Cette confusion et cette confiscation doivent cesser. Le politique ne doit pas jongler sur le champ du religieux, au point de s’attribuer des titres d’imam ou de Cheikh ou de « wa uli l’amdri minkum ». Le gouvernement civil et l’autorité politique qui en émane ne doivent pas permettre, ni obliger les citoyens à se soumettre à un acteur comme eux, c’est à dire un humain, c’est à dire un citoyen, tyran ou prince soit-il , sans mesure et raison. La distance est obligatoire. Le muftorat quant à lui mérite, évidemment, de s’intéresser à la religion et d’en parler avec la dévotion que lui recommandent les dogmes et la foi.
En ce sens, le pouvoir exécutif doit se séparer du muftorat et de la nomination de ses membres et de sa tête.
Cependant, cela ne peut se faire véritablement, sans un changement dans nos institutions, lesquelles sauront où devront entraîner conséquemment une modélisation des pratiques. Le but étant d’épargner l’administration publique du fanatisme et de la bigoterie que peuvent se permettre certains tartuffes religieux. C’est pourquoi les idées qui visent à dépoussiérer le muftorat de son fonctionnement actuel et à intégrer l’enseignement religieux à l’école publique comme peuvent l’être les autres disciplines de notre socle de savoirs indispensables, nous semblent pertinentes. La nomination du Mufti doit donc émaner d’un conglomérat d’ulemas, afin de le sortir du verrou présent et de la mainmise présidentialiste.
Auant il est important de renforcer les institutions par un régime parlementaire, autant il est nécessaire de ne laisser nul chef d’un exécutif, insulaire ou de l’État unitaire nommer un Mufti. Cette mise en scène rend, in fine, le Mufti obéissant envers le chef qui l’a nommé, tant et si bien qu’il s’oblige à justifier les actions du pouvoir exécutif par crainte de cette subordination institutionnelle. Il s’agit de faire gagner en autonomie de parole les corps intermédiaires dans le dessein qu’ils puissent délibérer avec la rigueur du savoir acquis et de la déontologie disciplinaire.
Dans un papier publié le 1er septembre 2002, Dr Youssoufa Ousseine disait sa conviction en accord avec le mouvement politique auquel il appartient, la nécessité d’alléger le présidentialisme pour activer davantage le pouvoir parlementaire. Le Comred dans une conférence tenue à Mitsamihuli le 10 septembre 2022 a emboîté le pas en affirmant qu’il était « contre le présidentialisme ». Nous demandons aux acteurs et actrices de notre société de suivre la même dynamique au sujet de la religion, afin que celle-ci ne neutralise pas l’État. Par d’infinies interprétations et des acrobaties religieuses. Les engagements religieux des uns et des autres ne doivent pas confisquer, ni ankyloser l’action obligatoire, civique et citoyenne de l’État. Nous nommons cela la neutralité religieuse de l’État, sinon l’objectivité et l’efficacité de celui-ci quant à son devoir d’arbitrage de la collectivité seront perdues.