Il est bien entendu que nous maintenons ce terme de « colon » appliqué à Jacques Grimaldi. Il est arrivé aux Comores en 1929, sans fortune, et a construit la plus grande partie de sa richesse pendant la colonisation, d’abord en tant qu’agent de l’administration coloniale, puis en tant que parlementaire des Comores et enfin en tant qu’exploitant agricole, indirectement et directement. En 1975, au moment de l’indépendance, sa fortune était faite. Il a profité du système colonial, de l’exploitation de la terre et des hommes pour s’enrichir.
Par Mahmoud Ibrahime
Les liens qu’il avait construits avec les hommes politiques et des notables en place (Saïd Mohamed Cheikh, Prince Saïd Ibrahim, Ahmed Abdallah, Soilihi Mtsachioi, père d’Ali Soilihi et Ali Soilihi lui-même, Ahmed Djoumoi, entre autres) lui ont permis de ne pas être expulsé du pays, comme d’autres colons en 1975 ou en 1978. Il a continué ses affaires économiques avec d’autres règles que celle de la colonisation. Il a d’ailleurs restitué certains bâtiments et terres à l’État comorien dès 1975 et a vécu en paix avec tous les gens autour de lui. Mais, il reste d’abord un colon qui a profité largement du système colonial consistant à exploiter les hommes et la terre pour des profits personnels.
On peut comprendre que son héritière ne veuille pas qu’on le qualifie par ce terme, car cela a des conséquences pécuniaires aujourd’hui, surtout après l’arrêt du 2 août 2022 qui nationalise les terres et les biens de colons. Mais, il est difficile de le qualifier autrement que par ce terme.
L’arrêt signé par trois ministres le 2 août 2022 met fin à une anormalité en Afrique, une situation singulière introduite par les gouvernements successifs et surtout des juges comoriens qui ont permis à une héritière, reconnu comme telle en France de venir faire valoir son statut aux Comores pour récupérer des terres ayant « appartenu » à un colon. Cette façon de suivre et appliquer à la lettre aux Comores une décision de la justice française concernant un colon, comme les cris des séparatistes, manipulés par les réseaux de l’extrême droite française, demandant une recolonisation de l’île d’Anjouan, montre encore une fois qu’il reste encore à éliminer la colonisation mentale aux Comores. Avec les décisions prises par les juges comoriens dans cette affaire, il fallait s’attendre à ce que des descendants de colons qui n’ont aucun lien avec les Comores fassent valoir dans l’avenir une certaine jurisprudence pour venir récupérer des terres que leurs ancêtres avaient « posséder » sous la colonisation. Nous ne pouvons que nous réjouir du fait que le gouvernement comorien a entendu les arguments de certains d’entre nous et a mis fin à cette jurisprudence créée par la Justice comorienne.
À lire également : – Interview Ibrahim Ben Ali Selemane : “Grimaldi n’était pas un colon” (Masiwa n°396, du 19/09/22) et – “Affaire Grimaldi. Les héritiers des colons n’ont plus de terres aux Comores” (Masiwa n°392, du 22/08/22)