Entre le discours et la réalité
Les lois et discours sur les droits des femmes font partie des choses qui ne sont pas touchées par la pénurie en Union des Comores, pourtant la situation de la femme comorienne est loin d’avoir changé. Malgré le fait que beaucoup d’entre elles font de longues études et travaillent, elles sont confrontées encore et toujours, comme leurs semblables du reste du monde, aux nombreux propos dénigrants qui s’ajoutent aux harcèlements, souvent sexuels que la plupart d’entre elles préfèrent taire sous le regard passif de la loi.
Par Noussaïbaty Ousséni M.Ouloubé
L’expression « Plus facile à dire qu’à faire » n’a jamais eu autant de sens que quand on parle des lois et de leurs pratiques, puisque cela demande un effort considérable au niveau des mœurs. Or les mœurs concernent tous les membres de la communauté ou du moins la majorité des personnes qui la constituent. Chaque année et particulièrement pendant les jours qui célèbrent des causes féminines comme le 8 de mars, ou les mois d’octobre ou novembre, le pays au même titre que la grande partie du monde fait face à une pluie d’activités souvent politiques et associatives qui mettent l’accent sur la valeur de la femme comorienne. Puis, les nombreux textes et initiatives qui sont rendus publics sont rangés dans les tiroirs en attendant l’année suivante.
Durant ces activités, les noms des femmes qui ont réussi sont cités en exemples pour montrer que les nombreuses années de lutte plus ou moins verbales ne sont pas vaines. Et ainsi, un voile est jeté sur la situation réelle du quotidien de la plupart des femmes, pour qui l’égalité des genres sonne comme un mythe ou une injure, car s’il leur était facile de réussir dans la société, les femmes qui ont passé cette étape ne seraient pas traitées comme des exceptions.
Des femmes éduquées et responsables
Aujourd’hui, dira-t-on, les femmes comoriennes sont éduquées, elles travaillent et ont de nombreuses responsabilités. Des responsabilités, ce n’est pas nouveau, car depuis l’enfance, elles commencent à travailler au sein de leurs foyers pendant que leurs frères jouent au football.
Elles sont de plus en plus nombreuses à aller à l’école et beaucoup s’insèrent dans le milieu professionnel. Mais, même en mettant de côté des termes comme « notes sexuellement transmissibles » ou « droit de canapé », il est difficile de se faire une vraie idée sur le quotidien des femmes en milieux scolaires et professionnels puisque le sujet a été banalisé. Elles semblent avoir accepté leur condition et gardent ce sourire caractéristique des pays pauvres au sein desquels les gens ont la joie au cœur.
La sexualité étant un sujet tabou, les jeunes femmes préfèrent ne pas parler du harcèlement qu’elles sont nombreuses à subir et comme toute victime d’abus, elles sont embourbées dans un système qu’elles finissent par accepter et seront les premières à dénigrer celles qui auront eu la mauvaise idée d’oser hausser le ton sur ce sujet. Les Comores peuvent se vanter d’être l’un des pays où les femmes sont respectées, car simplement elles sont conditionnées et vivent en harmonie avec leur réalité.
Des droits politiques…
Les femmes comoriennes n’ont jamais été privées de leur droit de vote et possèdent formellement le droit de se faire élire au même titre que les hommes. Mais, qui ignore combien de fois des vents de haines se sont abattus sur les femmes qui cherchaient à gouverner, comme l’actuelle gouverneure de l’île de la Grande-Comore. En effet, il peut être très utile de faire élire une femme au gouvernorat pour montrer l’égalité des droits entre hommes et femmes, mais quand les gouvernorats semblent ne posséder aucun pouvoir politique ?
La scolarisation des femmes ne pose visiblement pas de problèmes, mais il faut noter que beaucoup d’entre elles auront quitté l’école pour se marier et celles qui iront jusqu’à l’université devront vite courir après un homme à épouser sans prendre le temps de penser à leur avenir économique et professionnel. La ménagère, souvent considérée comme la bonne à rien qui profite de l’argent de « l’enfant de quelqu’un » devra, après quelques années de mariage, se trouver quelques petits boulots comme marchande ou femme de ménage. Il est nécessaire de pouvoir bien se vêtir et faire bonne impression lors des différentes cérémonies de mariage et ne pas oublier les tâches ménagères et l’éducation des enfants.
Un double travail
Enfin, il y a celles qui travaillent dans le secteur public ou privé portant l’image de la femme qui a réussi socialement et qui doivent s’occuper en plus de leurs foyers. Il faut savoir que pour qu’une femme puisse travailler, une autre femme doit garder ses enfants.
Dans la jungle, les plus forts n’ont jamais protégé les faibles et la société a toujours respecté la loi de la nature, car l’homme n’est ni plus ni moins qu’un animal qui croit que la faculté de penser est synonyme de bonté. Croire que les textes relatant le respect de l’égalité des genres peuvent à eux seuls protéger les femmes contre toute forme d’abus revient à se laisser tuer en ayant la conviction que le meurtrier sera jugé et condamné.
Comme le fer est battu quand il est encore chaud, l’homme est éduqué tant qu’il est enfant et sa vie d’adulte sera conditionnée par un passé dont il n’est pas responsable. Par conséquent, les femmes ne pourront jamais s’imposer dans la société si elles apprennent leurs devoirs dès l’enfance tandis que leurs droits leur sont enseignés dans des conférences pendant qu’elles sont adultes et habituées à vivre en terrain hostile. Aujourd’hui, il n’est pas question de savoir combien de femmes vont à l’école ou travaillent, mais plutôt quels moyens les femmes possèdent pour se protéger des dangers qu’elles rencontrent dans ces lieux où elles possèdent autant que l’homme le droit d’être.
Qui luttera contre le harcèlement envers les femmes si les juges sont des hommes qui trouvent qu’il est normal que cette dernière soit persécutée, car dans la jungle nous avons UNE proie et UN prédateur, l’un est fort et l’autre faible.