La mort tragique d’Ibrahim Halidi il y a deux ans a marqué l’ensemble des Comoriens, notamment par la cruauté du gouvernement qui a refusé de demander un EVASAN par avion en direction de Mayotte. L’ancien Premier ministre a ainsi été contraint de prendre un kwasa-kwasa avec l’un de ses fils, un voyage qui lui a été fatal.
L’homme d’État a laissé des mémoires que son fils Adjmaël Halidi a édité aux éditions l’Harmattan à la fin de l’année 2021. C’est un autre soilihiste, Lou Bélletan, qui évoque ici sa mémoire à l’occasion de la sortie de ce livre.
Homme politique bien connu aux Comores, Ibrahim Halidi est né à Hada-Dawéni, dans le Nioumakélé, à Anjouan, vers 1953. Mais il a grandi et a été scolarisé, dans « l’école du Blanc », à Wani, dans le nord de l’île. Souffrant d’un ulcère douloureux, il a consacré beaucoup de son temps à la lecture et sera toujours un grand lecteur.
En 1975, il a vite rallié la Révolution d’Ali Soilihi et a mûri à cette époque. Cependant, il n’a pas bien compris l’esprit du socialisme et de l’identité comorienne à construire. Il a même été condamné pour chauvinisme et tribalisme pro-Ndzuani par un tribunal révolutionnaire, devant lequel il a dit : « Avant d’être comorien, je suis natif de Ndzouani et, plus précisément, du Nioumakélé.» Mais Ali Soilihi l’a gracié et même, nommé comme son remplaçant, en mars-avril 1977. Cela, d’ailleurs, l’a un peu grisé et lui a fait croire qu’il avait les qualités et les compétences du Mwongozi.
Il dira, aussi, plus tard : « J’avais compris que la révolution d’Ali Soilihi n’était pas salutaire, pour les Comores, [parce qu’] aux Comores, on ne peut pas généraliser. Et Ali Soilihi parlait des Comores, comme d’une chose unique. Alors que j’avais constaté les différences entre les îles, [par exemple,] entre la société ngazidja et la société ndzouani. »
Forgé, néanmoins, par cette expérience révolutionnaire, il a développé ses capacités et il est devenu une personnalité influente, dans le champ politique, au point de devenir ministre de l’Intérieur du Président S. Mohamed Djohar, en 1990 puis, Premier ministre en 1993. En 1991, il a créé l’U.D.D. (Union des Démocrates pour la Décentralisation), avec ses amis de Ndzuani. Il s’est généralement opposé à A. A. Mohamed Sambi et a soutenu plutôt Azali Assoumani. Il meurt d’un cancer, le 23 février 2020, à l’âge de 69 ans.
L. Bellétan avril 2022
Ibrahim Halidi Abderemane, Les Comores : unité dans la pluralité. Mémoires politiques, 2021, Paris, L’Harmattan, 230 pages, 23,5€.