Les Comores sont désormais 84e sur 180 sur le classement annuel de Reporters Sans Frontières. Le pays a encore chuté, cette année de 9 points sur ce classement des pays où la presse peut travailler sans entraves. Par MiB
L’organisation non gouvernementale note que « l’autocensure reste une pratique courante chez les journalistes comoriens, en raison de lourdes peines punissant la diffamation. ». Mais, en réalité, peu de ces journalistes sont condamnés dans un jugement régulier. La justice comorienne applique aux journalistes la même méthode que celle appliquée à certains prisonniers politiques, mais avec une durée d’emprisonnement plus courte. En effet, ils sont mis en garde à vue à la gendarmerie, puis relâchés au bout de quelques jours avec interdiction de s’exprimer notamment dans les réseaux sociaux. C’est ce qui est arrivé plusieurs fois au journaliste de FCBK FM, Oubeidillah Mchangama. Mais, à chaque fois, il n’a pas pu respecter cette injonction, vu que son média est précisément basé sur Facebook.
Il en a été de même pour le journaliste de Masiwa, Ali Mbaé, arrêté en compagnie du même Oubeidillah Mchangama, le 11 janvier 2020. Après une garde à vue le week-end, il a été libéré, mais placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction de quitter la Grande-Comore et de s’exprimer sur internet. Mais, au bout de quelques jours, il a repris ses posts sur Facebook, sans être inquiété. Il n’a bien sûr jamais été jugé.
L’organisation mondiale des journalistes fait également référence à une « systématisation de « la nuit à la brigade », dont les professionnels des médias sont régulièrement victimes ». Or, l’actuel Coordinateur de la communication au Palais présidentiel, Ahmed Ali Amir, journaliste, ancien Directeur de la publication d’Al-watwan et ancien pourfendeur des mauvaises pratiques du gouvernement à l’égard des journalistes et des médias avait promis, lors de sa nomination en mai 2019, de faire cesser l’emprisonnement des journalistes et mettre en place des Assises du journalisme après six mois ou de démissionner. Voici bientôt deux ans.
RSF semble trouver les raisons de cette pression sur les journalistes en évoquant les « Intimidations, agressions, arrestations, menaces, censure… » venues d’en haut. Mais, il avance aussi le fait qu’« en 2020, plusieurs journalistes ont été interpellés et arrêtés de manière arbitraire ».
En réalité, alors qu’auparavant, le pays avait réussi à devenir un modèle dans le respect des droits des journalistes sous la présidence d’Ikililou Dhoinine, atteignant la place de 50e en 2015 et 2016 et même 44e en 2017 (année de prise en compte 2016). Mais, depuis l’élection d’Azali Assoumani, les Comores n’ont cessé de descendre sur ce classement RSF, atteignant aujourd’hui la 84e place. La baisse la plus importante eut lieu entre 2019 et 2020. Les Comores ont alors dégringolé de la 56e à la 75e place, perdant ainsi 19 places. Ce fut précisément la période où le chef de l’État Azali Assoumani, élu régulièrement en mai 2016, a changé la Constitution et a prolongé son mandat jusqu’en 2024 en se donnant la possibilité de le renouveler sans tenir compte de la tournante qui avait prévu qu’en 2021, la présidence irait à un ressortissant de l’île d’Anjouan.
A-t-on atteint le fond ou la pression et les intimidations des journalistes vont-elles se poursuivre avec le durcissement du régime ?