Nous avons eu l’opportunité de rencontrer Farid Youssouf, un auteur, compositeur, chanteur et multi-instrumentaliste talentueux d’origine comorienne, natif de Mbeni, dans la région de Hamahame. Il n’a pas eu de mal au bout de quelques minutes à nous plonger dans l’univers exigeant de la création musicale, un métier qu’il a embrassé dès son plus jeune âge, alors qu’il était encore à l’école.
Par Mohamed Issihaka
Pour Farid Youssouf, composer une chanson ne se résume pas simplement à trouver les bons mots. Il y a un véritable travail derrière chaque création : le message doit traverser les générations, toucher le public et s’inscrire dans une continuité culturelle. Une chanson réussie est celle qui demeure intemporelle et significative.

L’importance de la poésie et de la structure musicale
L’auteur, compositeur et chanteur aux mille talents avance l’exemple de sa chanson « Anzi », qui illustre l’importance de la poésie dans la musique comorienne. Il ne s’agit pas seulement de choisir des mots, mais aussi de respecter la métrique et les rimes afin de créer une harmonie entre le texte et la mélodie.
Extrait du texte de la chanson « Anzi » :
Tsihadisi bo wandzani
Eshandisa owumani
Inu siri ya zamani
Ya pasuha ho usoni
Inu ikaya hidaya
Esiri natsu ivaya
Nio ndja iharaya
Ndjamba ketsunilaya
Anzi utsike mhani
Tsihwandziza uwandzani
Heni zilo fikirani
Utsi lawumu fulani
Entsihu naka mwasi
Tsika udjuha natrasi
Hakika tsika mpesi
Ndjakana wasi wasi
Ntsihu tsifanya safari
Tsimi ngamlindo gari
Anzi halawa nashari
Hani reme msumari
Lopitali tsonomayi
Sha tsifanya usudjayi
Tsika utsaha shifayi
Wendji watsinone nayi
Il prend également le titre « Hidi na Hidi Kwazaya Sheli Bodaba », une autre de ses chansons. Il explique avec passion l’origine de ses créations. Ces compositions ne sont pas de simples mélodies, elles portent un message et un héritage culturel.
Regard critique sur l’évolution de la musique comorienne
Farid Youssouf exprime aussi sa préoccupation quant à l’évolution récente de la musique comorienne. Il déplore le fait que de nombreuses chansons actuelles ne s’inscrivent plus dans une démarche de pérennisation. Selon lui, elles ne reflètent pas la réalité de la société comorienne et ne sont pas conçues pour durer dans le temps.
Autrefois, lorsqu’il vivait aux Comores, ses chansons et ses rythmes étaient principalement influencés par la musique étrangère. Cependant, après son arrivée en France, il a pris conscience de l’importance de préserver et de faire vivre la culture comorienne. C’est ainsi qu’il a choisi de s’inspirer des anciens chanteurs qui respectaient les danses et traditions musicales comoriennes.
Un artiste enraciné dans l’histoire et la langue comoriennes
Au-delà de la musique, Farid Youssouf apparait aussi comme un homme doté d’une connaissance approfondie de l’histoire et de la langue comoriennes. Il parle avec aisance de l’histoire des chefs-lieux du pays, expliquant qu’ils ont souvent été transférés au fil du temps. Il en est ainsi de la région d’Hamahame, dont le chef-lieu était autrefois Bouni, avant d’être déplacé à Mbeni ou de la région d’Itsandra, dont la capitale était Itsandra Mdjini, avant d’être transférée à Ntsoudjini.
Une rencontre avec Farid Youssouf marque profondément un être. C’est un artiste passionné, qui maîtrise non seulement l’art musical, mais aussi l’histoire et les traditions de son pays. C’est un véritable gardien du patrimoine comorien, un citoyen qui veut faire prendre conscience de l’importance de préserver la richesse culturelle des Comores et de transmettre cet héritage aux générations futures. Il souhaite valoriser la culture comorienne et encourager la création artistique, celle qui s’inscrit dans la durée.