Le 16 décembre dernier, une nouvelle plateforme de l’opposition, la « Convergence nationale pour la libération du pays » avait appelé à une opération villes mortes à Moroni. Par cette nouvelle structure, certains membres de l’opposition souhaitent réinvestir le terrain avant tout. Ahmadou Mze Soilihi nous explique cela.
Propos recueillis par Hachim Mohamed
Masiwa – Ahmadou Mze Soilihi, c’est quoi cette plate-forme « Convergence nationale » ?
Ahmadou Mze Soilihi – C’est une plate-forme whatsApp qui regroupe beaucoup des citoyens, des partis politiques et des organisations de la société civile, anciens ou récents, grands ou petits, tous logés à la même enseigne, avec un seul objectif : alimenter d’idées la Convergence nationale afin de faire tomber le régime dictatorial dirigé par le tortionnaire Azali Assoumani et sa famille. Nous allons tirer les leçons de la journée du 16 décembre, notamment pour nettoyer un peu la plate-forme qui semble envahie par quelques espions du régime.
Masiwa – Sur la journée du 16 décembre (villes mortes partout), quelle est la représentation élue par les grévistes de la Convergence nationale en marge des partis politiques ?
Ahmadou Mze Soilihi – Cette question est importante à clarifier, car elle permet de bien expliquer la démarche et la philosophie de ce nouveau concept de convergence nationale. En effet, il n’y a pas de « représentation élue par les grévistes », car justement nous voulons éviter la verticalité des décisions et la guerre de chefs. Les militants pour la libération du pays s’organisent de manière autonome dans les régions, dans les villes et villages avec les organisations syndicales, politiques et autres, afin de répondre à l’action demandée. Et c’est là que nous trouvons la notion de responsabilisation et de libération de la lutte, car cette lutte a été longtemps considérée comme la propriété de certaines personnes leaders ou non, ce qui a terriblement contribué aux conflits internes. La convergence voudrait libérer la lutte et la donner aux Comoriens pour la mener eux-mêmes sans attendre des instructions ou un financement de quiconque.
Masiwa – Comment suivre et contrôler à distance une journée de grève générale et espérer qu’elle va marquer un tournant dans la vie politique du pays ?
Ahmadou Mze Soilihi – Il faut savoir que la convergence nationale n’est pas une affaire de la diaspora, contrairement à ce qu’on entend ici et là. Ce projet a été conçu par des citoyens comoriens de toutes les îles y compris de Mayotte. Une plate-forme whatsApp de près de 121 membres – qui ne cesse de grossir – est en majorité composée de Comoriens résidant dans les quatre îles de l’Union des Comores. Quasiment toute la classe politique y est représentée, car la convergence se veut fédératrice sur les actions à mener pour amener les citoyens à faire tomber ce régime. Et donc, la question de contrôle ne se pose pas, car les citoyens contrôlent eux-mêmes de manière autonome leurs actions. On écarte la verticalité afin de libérer la lutte et mieux responsabiliser les citoyens. Chacun est lead de l’action dans son périmètre et selon ses moyens.
Masiwa – L’initiative qui consiste à demander à tous les travailleurs, les chefs d’entreprises et d’établissements scolaires et hospitaliers de la capitale économique, d’arrêter toutes activités, elle vient de la diaspora ou de l’opposition aux Comores ?
Ahmadou Mze Soilihi – Cette idée a été décidée de manière concertée entre quelques citoyens comoriens, les partis et organisations politiques et civiles du pays. La diaspora étant une composante de ces derniers, elle s’est jointe à la dynamique à travers les Appels de Marseille, Nice et Lyon. Nous espérons que d’autres appels et organisations rejoindront la dynamique prochainement dans les futures batailles pour la liberté de notre pays. Car, seule notre liberté préoccupe la convergence et cela se fait de manière désintéressée.
Masiwa – Pendant la conférence de presse présidée le 14 décembre par Ibrahim Abdourazak alias Razida, un enseignant d’une école franco-arabe a fait état d’un éventuel voyage de quelques membres actifs de la convergence nationale au pays, vous pouvez confirmer ?
Ahmadou Mze Soilihi – Beaucoup de responsables politiques et de citoyens vivant aux Comores demandent que les leaders en exil rentrent au pays pour renforcer la lutte… Nous n’en sommes pas tout à fait favorables, car dans toute lutte de libération, il y a toujours des leaders à l’étranger qui appuient la lutte à partir de l’extérieur. De Gaulle a libéré la France en étant en exil en Angleterre et le MOLINACO (Mouvement de libération nationale des Comores) est né à l’étranger en Tanzanie. En revanche, oui, quelques militants qui adhèrent au concept de convergence nationale se préparent de leur propre gré à aller lutter sur le terrain. Dr Achmet et Sambi ont franchi le pas, et on connaît le résultat. Nous aurions préféré qu’ils soient libres à l’étranger.
Masiwa – La grève a-t-elle eu l’impact escompté ?
Ahmadou Mze Soilihi – Jamais le résultat attendu ne pourrait être un fiasco, car nous attendions des résultats quantitatifs et qualitatifs. Sur la quantité, les résultats obtenus sont à la hauteur de l’énergie déployée, le temps imparti, les moyens utilisés… sachant aussi que le régime a mis en place tout son arsenal militaire et l’argent du contribuable comorien pour corrompre quelques personnes influentes afin de boycotter la journée.
Sur l’île de Ngazidja, le démarrage de la journée a été timide comme si les citoyens tâtonnaient l’environnement avant de se lancer. Mais le régime aurait payé des commerçants et des chauffeurs pour démarrer la journée.
Par ailleurs, l’île de Mwali est assiégée par l’armée depuis dimanche soir, et malgré cela la grève a été suivie dans l’île du matin jusqu’aux alentours de 12 heures. Qualitativement, nous avons réussi à relancer la lutte après l’échec de la gestion de la crise postélectorale qui a plongé la lutte dans une profonde crise de confiance et de méfiance. À partir de cette action, le régime sait qu’il y a un adversaire de poids face à lui qui va mettre en échec son plan machiavélique et de monarchisation du pays. Un nouvel espoir renaît auprès du peuple, à travers ce concept de la convergence nationale pour la libération du pays. Et donc, nous n’avons pas de plan B, mais plutôt nous allons dérouler la suite de notre plan, puisque la journée a été une étape, un début de la fin du régime. Les prochaines étapes arrivent.