À quoi bon croire encore, à quoi bon se lever pour voter un homme déjà assis sur un trône, usé par l’incompétence ou l’indifférence ? Nos dirigeants débitent des mots enjoliveurs, des promesses vidées de leur substance, des rêves qu’ils n’habitent même pas. Sommes-nous ivres ? Ivres de discours creux qui se fracassent contre la dure réalité. Oui, peut-être sommes-nous aveugles. Mais l’aveuglement n’a jamais nourri un peuple.
Par Younoussa Hassani, Écrivain
Pendant que ces promesses flottent dans l’air, nos frères et sœurs comoriens, eux, s’en vont. Ils fuient. Ils quittent la terre qu’ils ont labourée de leurs mains, l’île où ils ont fait leurs premiers jours. Ce n’est pas un départ, c’est un arrachement. L’espoir les pousse à braver la mer, cette mer immense et froide, ce cimetière liquide qui ne distingue ni jeunes ni vieux.
Certains arrivent. Mais à quel prix ? Une vie de lutte dans un monde qui ne les attendait pas, où leurs rêves se heurtent à de nouveaux murs : le racisme, la misère, l’exploitation. Et d’autres, eux, s’éteignent en silence. Là, sous l’eau, loin des leurs, loin de tout. Leurs corps flottent quelque part, anonymes. Qui viendra leur rendre hommage ? Qui osera regarder ces familles brisées dans les yeux et leur dire que tout cela valait la peine ?
Les jeunes, nos jeunes, ne devraient pas mourir ainsi. Ils ne devraient pas échanger une vie incertaine contre une mort presque certaine. Mais que leur reste-t-il quand le pays leur refuse tout ? Quand l’avenir, chez eux, n’est qu’un mirage ?
Et pendant que la mer avale nos enfants, les puissants dansent sur nos espoirs déchus. À quoi bon voter ? À quoi bon croire ? Les Comores pleurent, mais qui écoute ? Si seulement les larmes pouvaient noyer les injustices. Mais elles ne font que creuser des sillons, salant un peu plus une terre déjà aride.
C’est un cri, un appel, un silence bruyant. À quoi bon vivre si c’est pour mourir sans avoir vécu ?