La saison des ambrevades est arrivée à Anjouan, comme partout dans l’archipel des Comores.
Par Naenmati Ibrahim
Cet aliment, appelé aussi pois d’Angole, est bien apprécié par les Comoriens. D’après Bacar Abbas, un vieux monsieur originaire de Koni, âgé de plus de quatre-vingts ans, ancien cultivateur qui réside à Tsembehou, « les ambrevades existent depuis longtemps, dans mon enfance on n’avait pas besoin de manger du riz, avec les ambrevades, le manioc et les taros anjouanais on avait de quoi se nourrir toute l’année. On gardait les ambrevades sèches et le manioc sec pendant plusieurs mois. Autrefois, il y avait une bonne récolte et le riz n’était pas important pour nous, il y avait une bonne quantité de récolte plus qu’aujourd’hui. Maintenant on ne voit plus cela ». Bacar Abbas se rappelle très bien de la place qu’avait ce pois dans leur alimentation. En l’écoutant parler, on se dit que le riz n’a pas toujours été l’aliment de base des Comoriens. Selon le vieil homme, avant, la vie était facile, on mangeait sans se casser la tête pour savoir comment on va faire pour se nourrir. Il y avait dans leur maison en feuilles de cocotiers toute l’année de la nourriture étalée par terre et cela venait de leurs champs, donc manger n’était pas vraiment un problème.
Un aliment apprécié depuis longtemps
A priori, les ambrevades constituaient l’aliment de base dans la culture culinaire des Comores comme le manioc, le coco, le taro anjouanais, l’igname et le maïs. Ces aliments étaient essentiels pour eux. Maintenant ils sont en voie de disparition, puisque les récoltes ne sont plus fructueuses.
Le vieil homme ne sait pas comment ce légume est arrivé aux Comores, hélas ! J’ai demandé à d’autres personnes, d’un certain âge, ils se rappellent tous que durant leur enfance ce pois était leur repas quotidien, mais ils ne savent pas comment il est arrivé aux Comores.
Hadhroimi Bacar, une heureuse grand-mère de plusieurs petits enfants et arrières petits-enfants, se rappelle que pendant son enfance, des femmes de Domoni apportaient des paniers et des chapeaux faits à partir de feuilles de cocotiers pour faire du troc pour avoir des ambrevades à Tsembehou.
L’ambrevade est vraiment essentielle dans l’alimentation des Comoriens que durant la saison des familles envoient des ambrevades à leurs enfants et proches qui vivent à l’étranger comme par exemple en France ou à Madagascar.
Le pois d’Angole ou l’ambrevade se conserve très bien plusieurs mois durant. Après avoir séché à cause du soleil dans leurs arbres, on le cueille, ensuite, on le remet au soleil pendant quelques jours ensuite on l’écosse en utilisant des bâtons. On le garde ensuite dans des récipients qu’on ferme très bien pour que les insectes n’entrent pas. On peut aussi le conserver quand il est encore frais, on doit encore une fois l’écosser, mais avec les doigts cette fois, ensuite on peut le garder pendant plusieurs mois ou même un an au réfrigérateur.
La culture de l’ambrevade
L’ambrevade est cultivée à partir de septembre jusqu’à octobre durant la saison sèche dans une terre labourée par la houe. Ensuite, on attend la saison des pluies qui commence en novembre pour arroser les semences et faire germer les plantations. On utilise les ambrevades sèches comme semences, car ce sont des graines. Et comme la culture du manioc est aussi importante que celle des ambrevades, on cultive d’abord le manioc en le mettant en premier dans la terre qui est bien labourée et on attend un peu que le manioc germe ensuite on sème les ambrevades. Le manioc n’a pas vraiment besoin de la saison des pluies, il peut germer en attendant la saison des pluies pour bien pousser. Si on fait le contraire ou si on cultive les ambrevades en même temps que le manioc, les ambrevades ne vont pas bien germer à cause de l’enracinement de la culture du manioc qui est en fait un tubercule. On le cultive alors au même moment, mais avec quelques semaines d’intervalle.
Les ambrevades ne sont plus un aliment de base à Anjouan
Les ambrevades ne sont plus un aliment de base pour les Comoriens parce que le secteur agraire est en difficulté maintenant aux Comores. Il y a ceux qui ont des terres et ceux qui n’en ont pas. Il y a ceux qui en ont, mais les parcelles sont insuffisantes pour leur donner une production suffisante pour entretenir leurs familles pendant toute l’année. Des fois, ceux qui en ont ne cultivent pas.
Il y a aussi le fait que dans des lopins de terre les cultivateurs mettent différentes cultures comme la banane, le manioc, les ambrevades, l’ylang-ylang, le girofle… ce qui fait que la production par la suite est mauvaise. Les cultivateurs parlent aussi du fait que les terres arables finissent par ne plus donner une bonne production. Ils disent aussi que si avant les récoltes faisaient vivre, c’est parce que la population était moindre par rapport à aujourd’hui, car maintenant il y a une forte densité de population.
La production de l’ambrevade reste tout de même essentielle dans les besoins des ménages à Anjouan malgré son insuffisance et sa présence uniquement durant quelques mois. Les ambrevades permettent de soulager durant ces quelques mois des ménages de la zone rurale. Durant cette saison beaucoup de familles n’ont pas besoin d’argent pour s’acheter de quoi se nourrir, il suffit seulement qu’ils aillent aux champs chercher des ambrevades, du manioc, de la banane et du coco. Malheureusement, la saison ne dure que deux ou trois mois, le pois ne reste pas longtemps dans les champs. Comme maintenant la plupart des Anjouanais ne sont plus paysans, beaucoup achètent au marché avec 500 francs le tas. En ville, comme par exemple à Mutsamudu, à Mirontsi ou à Ouani, le tas d’ambrevades de 500 francs est très réduit par rapport a celui des villes de la campagne comme Tsembehou ou des villages comme Koni où le tas d’ambrevades de 500 francs est bien gras. La raison de cela est que ceux qui vendent dans les campagnes ont cueilli dans leurs champs et ceux qui vendent en ville ou dans les marchés sont venus acheter à Tsembehou ou à Koni donc ils revendent plus cher pour pouvoir faire des bénéfices.
Une variété culinaire toujours appréciée durant sa saison.
Ce pois se cuisine en plusieurs façons, en plat complet ou comme complément pour garnir le riz. Il est utilisé aussi comme remède contre la grippe.
Pour le plat complet, il faut le mélanger avec de la banane, du manioc ou du taro ou même de l’igname avec du coco. Vu que c’est un pois, il faut bien couper les autres aliments en tout petits morceaux jusqu’à être de la même taille que l’ambrevade et ensuite mettre le lait de coco quand c’est bien cuit. Pour les familles aisées des villes, ils mettent de la viande en plus, ce qui n’est pas du tout nécessaire quand on a mis du lait de coco. Pour ceux qui n’aiment pas le lait de coco, ils le remplacent par des tomates, des oignons, des épices et de la viande ou du poisson.
Pour faire un complément, on peut l’utiliser comme les petits pois et faire de la sauce de légumes ou différents mets. Mais la garniture la plus appréciée des Comoriens c’est de mélanger les ambrevades cuites avec du safran, des épices, du lait de coco et de la tomate fraîche.
Pour l’utiliser comme remède contre la grippe, on en fait une soupe en le faisant bouillir jusqu’à ce que ça cuit, ensuite on met du citron et du piment.
Les ambrevades sont essentielles dans l’alimentation des Comoriens. Elles sont aussi cuisinées dans les restaurants des îles de la lune durant la saison.