Alors que l’on pensait que les candidats aux présidentielles avaient abandonné le combat après le constat des nombreuses fraudes du candidat Azali Assoumani, soudainement, ils réinvestissent la scène politique avec des plaintes déposées auprès de plusieurs instances aux Comores et à l’extérieur. Me Saïd Larifou les représente devant le Tribunal de la SADC.
Propos recueillis par MiB
Masiwa – Vous avez saisi le Tribunal de la SADC à propos des élections qui se sont déroulées le 14 janvier aux Comores, qu’attendez-vous ?
Me Saïd Larifou – Personne, y compris parmi les partenaires des Comores n’ignorait, comme vous avez pu le constater, que le président candidat Azali Assoumani n’a jamais eu la moindre volonté d’organiser des élections sincères. Dans la mesure où les acteurs politiques de la société civile comorienne, les organisations et institutions internationales spécialisées n’ont pas assumé leurs responsabilités, les présidentielles du 14 janvier dernier ne pouvaient qu’être truquées, sachant que le Colonel Azali Assoumani à la manœuvre en sa qualité de président des Comores, mais aussi en tant que président en exercice de l’Union Africaine.
Tout portait à croire que la conjonction des deux mandats favoriserait les irrégularités volontairement entretenues, les fraudes et autres délits graves prévus et punis par les textes en vigueur aux Comores.
Dès lors que les résultats frauduleux proclamés par la CENI et validés par la Cour suprême ont été dénoncés par la population, les candidats et les pays partenaires des Comores et des organisations internationales, à l’instar de l’Afrique du Sud, des Etats-Unis d’Amérique, de la Grande-Bretagne, des Nations-Unies et de l’Union européenne, l’ensemble des candidats présents à ce scrutin m’ont formellement, avec d’autres confrères internationaux, chargé de défendre leurs intérêts, la démocratie et par la même les intérêts de tous mes concitoyens.
Nous attendons, au regard des preuves sérieuses, nombreuses et diverses, des fraudes massives et bien organisées, par et au profit du pouvoir en place, commises lors de ce scrutin, que la SADC se prononce favorablement pour une enquête indépendante sur ce énième coup d’État électoral du président Azali Assoumani.
Masiwa – Les candidats portent plainte à la SADC contre qui exactement ?
Me Saïd Larifou – À la demande de mes clients, candidats aux derniers scrutins, des plaintes ont effectivement été déposées contre des membres du bureau de la CENI et les conseillers membres de la chambre constitutionnelle et électorale de la Cour suprême de l’Union des Comores pour fraudes électorales, faux et usage de faux. D’autres plaintes seront également déposées au courant de la semaine contre des personnalités et des autorités comoriennes qui ont largement contribué à cette fraude électorale.
Masiwa – À partir du moment où un des candidats décide de nommer tous les arbitres (de la CENI à la Cour Suprême), tout en se maintenant dans ses fonctions de président et en profitant de tous les moyens de l’État, pouvait-on espérer qu’il y aurait une élection équitable ?
Me Saïd Larifou – Le bon sens me fait répondre à votre question. En réalité, Azali Assoumani n’est pas un modèle de démocrate, de président, de dirigeant capable d’aider notre pays, les Comores, à relever ses défis immédiats et pressants. Il laisse aux Comores un héritage immatériel marqué par des trahisons, des mensonges, la tricherie, des assassinats politiques impunis sans parler de la casse, la démolition du tissu socioculturel et de notre religion. Azali a tué les Comores. Il est temps qu’il s’en aille pour qu’on puisse reconstituer le socle des valeurs de la société comorienne.
Bien évidemment, le candidat Azali Assoumani a tout organisé pour réaliser à nouveau un coup d’État électoral, et en mettant en place une « machine à gagner », à tout prix. Nous disposions déjà des preuves de la volonté du président candidat de tout verrouiller, l’instrumentalisation de tous les organes chargés d’organiser les élections en est une belle illustration. L’interdiction faite aux Comoriens de la diaspora de voter alors qu’elle représente les 2/5e de la population comorienne, l’ingérence du président candidat dans le fonctionnement de la commission électorale et le changement par lui des magistrats membres de la Cour Suprême à moins d’une semaine de l’ouverture de la campagne électorale. Il y aussi l’avancement des dates des élections pour permettre au président candidat de promouvoir son « inaction en tant que président de l’Union Africaine », pensant que ce titre honorifique lui permettrait de faire passer plus facilement son énième coup d’État électoral.
Le plus grave, c’est que le président Azali Assoumani, malgré son héritage chaotique et la situation de pauvreté endémique où se trouve notre pays, n’a toujours pas pris conscience de sa lourde responsabilité sur l’état de détresse d’une génération de Comoriens dont l’avenir est plus que compromis par une décennie d’irresponsabilités, de trahisons et de compromissions dangereuses et criminelles.
Il affiche son mépris de la loi et de la Constitution des Comores et ne respecte pas les engagements internationaux signés par les Comores faisant de l’Union des Comores un État voyou. Il est temps de mettre fin à sa tromperie et ses mensonges en dotant les Comores de dirigeants déterminés à s’engager pour les futures générations de Comoriens et Africains.
Azali Assoumani est un homme d’une autre époque, ancienne et qui incarne non pas l’avenir, mais le passé douloureux de l’Afrique et des Comores en particulier.
Masiwa – Est-ce que le Tribunal de la SADC a déjà jugé une affaire de fraudes électorales ?
Me Saïd Larifou – A ma connaissance, même si dans le passé le Tribunal de la SADC s’est déclaré compétent pour statuer sur les obligations des États membres en matière droits humains, je crois que c’est la première fois que cette juridiction sous régionale est appelée à faire application des textes de cette organisation et de l’Union Africaine en matière de démocratie et d’élections.
Le Tribunal de la SADC est saisi pour dire et faire appliquer le droit international en matière de démocratie et d’élections.
Il nous paraît important et salutaire qu’enfin les instances juridiques régionales et internationales puissent se prononcer sur les diverses élections sur le continent africain où les mises en causes des résultats électoraux sont mises en lumière.
Les autorités au pouvoir aux Comores, malgré les graves accusations des faux et usage des faux et de fraudes formulées publiquement par Me Gérard Youssouf, commissaire à la CENI, semblent jouer au yoyo, ne prenant pas ces accusations d’infractions au code électoral au sérieux alors qu’il s’agit d’un réel recul démocratique préoccupant.
Une chose est certaine, mes clients, candidats aux dernières élections présidentielles n’entendent pas se laisser faire face à la dérive dictatoriale dans laquelle le président Azali Assoumani et son équipe veulent maintenir les Comores.
Après le dépôt des plaintes, il faut le préciser, sur la base de graves accusations de fraudes, de faux et usage de faux contre des membres de la Chambre constitutionnelle et électorale de la Cour Suprême de l’Union des Comores et des membres du bureau de la CENI, à la demande des candidats, un recours en révision de l’arrêt du 24 janvier rendu par la chambre constitutionnelle et électorale sera déposé à la Cour suprême. Azali Assoumani et ses amis entendent perpétuer une culture de la fraude électorale et de faux. Les initiatives en cours illustrent une volonté et une détermination à inscrire le combat de l’opposition comorienne dans le cadre légal, laissant à Azali Assoumani l’usage de la persécution, de la répression et de l’arbitraire pour tenter de la faire taire. Propos recueillis par MiB