La semaine dernière le gouvernement d’Azali Assoumani a rendu public le calendrier des élections présidentielles et des gouverneurs des îles prévues au début de l’année 2024. Dans la perspective de ces élections, les partis de l’opposition ont approfondi leurs divergences, à l’image du Front Commun dont le porte-parole a pris ses distances vis-à-vis de la stratégie de boycott.
Par MiB
À l’issue du conseil des ministres du 13 septembre dernier, le porte-parole du gouvernement d’Azali Assoumani, Houmed Msaidié a dévoilé le calendrier des élections présidentielles et des gouverneurs qui auront lieu en 2024. Il a annoncé que le 22 septembre prochain, le décret convoquant le corps électoral sera signé et rendu public par le chef de l’État, conformément aux dispositions du Code électoral. Ce sera le signal du début du processus électoral, même si la Commission électorale nationale indépendante (CENI) est déjà au travail depuis quelques mois.
Le processus est lancé
Pour les présidentielles, la campagne électorale du premier tour sera ouverte le 16 décembre 2023 et se terminera le 12 janvier 2024. Le premier tour des élections aura lieu le 14 janvier. Ensuite devrait s’ouvrir la campagne du deuxième tour du 31 janvier au 23 février 2024 et le deuxième tour se tiendrait le 25 février, si le gouvernement ne décide pas de faire un « ngwa dzima » (« un seul tour »), comme ce fut le cas en 2019.
Houmed Msaidié qui, cette année-là, avait clairement indiqué sa préférence pour un seul tour, officiellement pour des raisons d’économies, a marqué l’annonce du calendrier par un « si jamais il y a un deuxième tour », qui a été relevé au sein d’une partie de l’opposition qui entend participer à ces élections. Dans une interview faite par Oubeidillah Mchangama pour FCBK FM ce 16 septembre, Ibrahim Abdourazak dit Razida a commenté cette petite phrase du porte-parole du gouvernement en affirmant que le pouvoir en place se prépare au fait qu’Azali n’ira pas au deuxième tour, s’il n’y a pas de fraudes. Pour lui, le chef de l’État sortant n’aura même pas 5%.
La CENI a publié un calendrier des élections qui court du 25 septembre avec le décret présidentiel jusqu’au 11 mars avec la proclamation des résultats définitifs par la Cour Suprême et l’investiture du président élu entre le 23 et le 24 mai. Le calendrier de la CENI présente quelques différences avec les annonces du gouvernement. Ainsi la CENI prévoit le décret de convocation du corps électoral le 25 septembre, soit trois jours après la date annoncée par le gouvernement. De même la CENI prévoit l’ouverture de la campagne électorale le 19 décembre alors que le gouvernement affirme que ce sera le 16.
Les premières entorses à la loi électorale avec la bénédiction de tous
La commission a prévu 15 jours pendant lesquels elle recevra les candidatures, du 22 octobre au 6 novembre 2023. Et si on en croit les déclarations d’Ibrahim Abdourazak Razida, au sein du cadre de concertation, il a déjà été décidé de ne pas respecter certains points de la loi électorale comme l’exigence d’un certain nombre de parrainages ou l’obligation d’avoir vécu sur place pendant l’année précédant le scrutin. C’est la magie des Comores, les lois ne sont applicables que si elles ne dérangent pas ceux qui ont le pouvoir. Le cadre de concertation a en quelque sorte remplacé l’Assemblée de l’Union pour modifier la loi.
De même certaines procédures judiciaires ont été annulées pour permettre à certains membres de l’opposition en exil de rentrer et de participer aux élections. Cette stratégie permet au gouvernement de crédibiliser les élections auprès de la communauté internationale, mais également de créer le chaos au sein de l’opposition en montant ceux qui veulent depuis le début le boycott de ces élections et ceux qui soudain trouvent qu’il vaut mieux participer, car les élections sont une chance de mettre Azali dehors ou un moment crucial pour mobiliser les gens.
La division de l’opposition
Avec l’humour quelque peu cynique qu’on lui connait, Houmed Msaidié a réagi à l’annonce du boycott des élections faite par Mohamed Ali Soilihi dit Mamadou en déclarant : « Il voulait dire qu’il empêchera les élections en France, mais les élections auront bien lieu aux dates indiquées », faisant allusion au fait que celui qui est présenté comme l’un des chefs de l’opposition est resté en France où le gouvernement l’a autorisé à aller se faire soigner. Houmed Msaidié avait déjà répondu par la même phrase aux menaces de l’opposition de boycotter le référendum de 2018 ou les présidentielles de 2019.
Le porte-parole du gouvernement a également montré les différends existant au sein de l’opposition, contestant même la possibilité à Mohamed Ali Soilihi, chef du Front commun, de se présenter comme le seul chef de l’opposition. Selon la stratégie habituelle du gouvernement, souvent appliquée dans les villages hostiles, il a d’une manière habile cité les noms de quelques leaders de l’opposition qui ont décidé d’aller aux élections organisées par le gouvernement, pour montrer la division de l’opposition.
C’est le cas notamment d’Ibrahim Abdourazak Razida qu’il a opposé à Mohamed Ali Soilihi dit Mamadou. Toutefois, dans son interview avec Oubeidillah Mchangama, celui qui était encore il y a une semaine le porte-parole du Front commun à Moroni considère toujours Mohamed Ali Soilihi comme « son chef », même s’ils n’ont pas actuellement la même position politique à l’égard de ces élections.
Une déclaration
Mohamed Ali Soilihi Mamadou s’était exprimé la veille de l’annonce du calendrier des élections par le gouvernement, à partir de Paris. Alors que ses partisans et les autres opposants à la dictature d’Azali Assoumani attendaient une déclaration vigoureuse qui trace un chemin pour un combat qui est très compliqué, ils ont eu droit à un discours long, ennuyant et sans consistance, lu avec beaucoup de difficultés. Les organisateurs ont même fait l’erreur de laisser les caméras enregistrer les discussions alors qu’il se préparait, renforçant l’image d’un homme qui est guidé et à qui on a préparé un discours qu’il n’avait plus qu’à lire.
Mohamed Ali Soilihi a passé plus de 15 minutes sur les 25 de son discours en français à parler des morts et de sa personne avant d’aborder le sujet attendu des élections. « Le gros problème de l’heure n’est ni de participer ni de ne pas participer à des élections, le gros problème de l’heure est de permettre au peuple comorien d’exercer sa souveraineté populaire à travers des élections libres et démocratiques », a-t-il affirmé pour justifier le boycott qu’il demande à toute l’opposition. Accepter ces élections c’est « se tromper lourdement et tromper lourdement le peuple comorien ».
Il a terminé sa déclaration en demandant l’unité des forces de l’opposition pour mettre fin à la dictature : « J’appelle le peuple comorien de l’intérieur comme de l’extérieur du pays à refuser les mascarades d’élections préparées par le pouvoir dictatorial d’Azali et son clan. »
Sa voix reste toutefois inaudible, surtout parmi les mouvements de l’opposition à l’intérieur du pays. Ibrahim Abdourazak Razida lui a répondu samedi dernier : « Personne n’ira dormir et laisser Assoumani détruire le pays ». Il a ajouté qu’au sein du Front commun, il était convenu avec l’assentiment du même Mohamed Ali Soilihi que les décisions finales revenaient toujours à ceux qui étaient sur le terrain, c’est-à-dire ceux qui sont présents dans le pays.
Parmi ceux qui ont décidé de participer aux élections, Mouigni Baraka semble être le mieux placé, ayant entamé avec Azali Assoumani un dialogue depuis quelques mois et ayant placé à la CENI un de ses partisans, l’avocat Me Gérard Youssouf qui était parmi les plus critiques sur le régime d’Azali. Quant aux sambistes, même si le porte-parole du gouvernement leur prête la volonté de vouloir présenter un candidat, pour le moment, ils gardent le silence.
D’autres, à l’image d’Assoumani Saandi, leader du parti Badili ou Abdou Soefo, ancien compagnon d’Azali Assoumani, ont déjà annoncé leurs candidatures. D’autres encore (Ibrahim Mzimba, Saïd Mohamed Achmet, Mze Soulé Elbak ou Mohamed Daoud Kiki) se préparent sans doute à en faire l’annonce.