Dimanche, Azali Assoumani a été investi pour la quatrième fois président des Comores dans la division. Il a tenu à avoir dans la cérémonie la présence de chefs d’État africains. Pourtant, il ne ressort de cette cérémonie aucune sorte d’éclat, chacun se souvenant que des preuves éclatantes des fraudes filmées et des manipulations des chiffres par la CENI puis par la Cour Suprême dont Azali a lui-même nommé tous les membres.
Par MiB
Encore une fois, Azali Assoumani a juré, le Coran à la main, « devant Dieu », de « fidèlement servir » son pays et de n’agir que « dans le respect de la Constitution ». Encore une fois ses adversaires qui ont relevé de nombreux actes frauduleux, ont contesté les résultats, n’ont pas reconnu sa victoire et ont boudé la cérémonie d’investiture. Ainsi, depuis 2002, si Azali Assoumani n’a officiellement jamais perdu une élection présidentielle dans laquelle il était candidat, il a toujours été accusé de fraudes et n’a jamais réussi à réunir les Comoriens dans une cérémonie d’investiture.
Après la prestation de serment, chacun des juges de la section électorale de la Cour Suprême est venu, à tour de rôle l’embrasser, lui serrer la main et le féliciter, comme une sorte de renouvellement de l’allégeance de la Justice au pouvoir exécutif. Il faut rappeler que ce sont tous des juges qu’il a lui-même nommés et qui l’ont déclaré élu en présentant leurs propres chiffres, écartant ceux recensés par la CENI, sans présenter un tableau synthétique bureau par bureau et en refusant d’enquêter sur les fraudes et les irrégularités documentées par les adversaires.
La mise au pas de la Justice et de l’Armée
La chorégraphie de cette célébration de la victoire d’Azali Assoumani ne pouvait pas mieux montrer la mise au pas du pouvoir.
Cette cérémonie imposée par la Constitution s’est poursuivie selon les termes du speaker par une « cérémonie civile » tant attendue, puisque ces dernières semaines les Comoriens, dans les réseaux sociaux, n’évoquaient que les 600 millions de francs comoriens qui auraient été investis pour crédibiliser une élection frauduleuse.
L’ouverture de la fête d’Azali et de la Convention pour le Renouveau des Comores (CRC) a été faite par Sultan Abdoulanziz, présenté par le speaker comme étant le « représentant des Comoriens », alors qu’il serait plutôt le notable du parti CRC dont il est membre et pour lequel il fait les ouvertures des réunions importantes. D’ailleurs, lors de son discours, il ne s’est pas adressé à tout le peuple, mais plutôt à la CRC dont il a remercié les militants pour le travail accompli et leur a demandé d’être patients pour pouvoir prendre la relève le moment venu. Il a présenté un bilan fantaisiste de la présidence Azali destiné plutôt à flatter l’ancien militaire.
Mamanlassuracisme
Il a été suivi par l’ambassadeur des Comores à l’UNESCO, Mohamed Soyir Kassim dit Badjrafèle, qui devait « lire » un discours au nom du Grand mufti, mais qui a prononcé un discours personnel. Feignant de défendre Azali, il a, en réalité, tenté une défense de sa position difficilement tenable d’intellectuel et religieux qui défend et soutient un régime de dictature. Il a « remercié le président d’avoir invité autant de sommités », c’est-à-dire les hôtes étrangers, dont le plus important est quand même Denis Sassi Nguesso. Un discours sans consistance, truffé de citations passe partout. Il a ainsi comparé le combat politique entre le pouvoir et l’opposition à la cohabitation entre « la langue et les dents ». Il est allé jusqu’à désigner son bienfaiteur de « père de la nation ». Dès ce dimanche, de nombreux intellectuels et cadres ont exprimé leur déception en disant qu’il s’est montré à la hauteur du « mamalassurancisme », expression venant de Maman Lassurance, cette dame qui était payée pour faire l’éloge des familles dans les cérémonies de mariage à Moroni.
Les Azalistes avaient annoncé sept chefs d’État dans la fête, au final, ils n’étaient que cinq. Celui qui était présenté comme la mascotte de la cérémonie était le président de la République du Congo : Denis Sassi Nguesso, né en 1943 (81 ans), président de la République du Congo depuis 1979 avec une pause entre 1992 et 1997. Le speaker l’a présenté comme le doyen des chefs d’États africains présents, il aurait pu simplement dire : le doyen des dictateurs africains.
Cinq chefs d’État présents au final
Il y avait également le président de l’Angola, président également de la SADEC, Joào Lourenço. Sa présence obligeait chacun à se demander pourquoi le successeur d’Azali Assoumani comme président de l’Union africaine n’était pas présent. L’Union africaine, comme l’Organisation de la Francophonie, sont-elles fatiguées de soutenir les fraudes d’Azali Assoumani ?
Le président malgache, Andry Rajoelina, élu en novembre dernier, dès le premier tour, après le boycott de dix candidats et un taux de participation sous la barre des 50%, était aussi présent avec sa femme pour honorer son « frère ».
Étaient également présents les chefs d’État de la Guinée-Bissau et du Mozambique. Le conseiller-privé et non moins fils du président, Nour El-Fath, avait annoncé sept chefs d’État, il n’en est venu que cinq. Il est probable que la présidente de la Tanzanie a annulé sa venue, ce qui n’est pas un bon signe au vu des relations séculaires existant entre son pays et les Comores. Le fils d’Azali avait également annoncé avec beaucoup de maladresses que certains chefs d’État s’étaient eux-mêmes invités à la cérémonie.
Il est à noter que la France qui fait partie des deux pays de l’Union européenne (avec l’Italie dirigée par l’extrême droite) qui ont reconnu l’élection d’Azali Assoumani (le président Macron a envoyé un lettre de félicitations) n’a envoyé dans la fête d’Azali Assoumani qu’une obscure ministre, chargée des relations avec le Parlement, Marie Lebec.
Un discours sans éclat
Dans le discours d’Azali Assoumani qui a clos la cérémonie, on retrouve les thèmes habituels rabâchés avec l’espoir qu’ils deviennent une réalité historique. Le personnage d’Azali est présenté comme celui qui a mis fin au séparatisme, alors qu’il a quitté le pouvoir en laissant en place « l’État d’Anjouan » avec Mohamed Bacar défiant toujours l’unité de l’État comorien. Azali Assoumani s’est également présenté comme celui sans qui il n’y aurait pas de stabilisé dans le pays depuis 24 ans. Pourtant, depuis 2018, il a complètement divisé les Comoriens à l’intérieur et ceux de l’intérieur avec la diaspora.
À ces mythes habituels, il a rajouté d’autres en référence à son action internationale récente en tant que président de l’Union africaine. Il a rappelé qu’il s’est rendu en Russie avec une délégation de chef d’État pour demander à Poutine de cesser la guerre et il s’est présenté comme le principal artisan de l’admission de l’Afrique dans le G20, processus négocié par d’autres depuis plusieurs années. Il a aussi évoqué le sort de Gaza bombardé par l’armée israélienne.
Ce fut un discours sans éclat au cours duquel il a renouvelé ses appels non suivis d’actes pour l’unité du pays. Ainsi pour encourager les investisseurs, il a déclaré solennellement : « Voilà pourquoi, en ce jour symbolique, je réitère comme à l’accoutumée, mon appel à toutes les forces vives de notre nation, l’opposition ou le pouvoir, la société civile à nous rassembler sous l’essentiel, au-delà de la divergence de nos opinions pour œuvrer ensemble en faveur de la paix, de la stabilité et de la concorde nationale, car c’est ensemble que nous devons et que nous pouvons renforcer nos institutions, promouvoir les libertés démocratiques et consolider ainsi la démocratie et l’État de droit dans notre pays et faire gagner ainsi notre nation ».
Malheureusement, chacun sait que ce genre de discours, il le fait souvent devant la communauté internationale, mais qu’il ne le traduit pas en acte, au contraire, il est probable que les cinq candidats aux présidentielles soient harcelés, poursuivis et contraints de prendre le chemin de l’exil ou de la prison dans les jours à venir.