Le chef de l’État a été victime d’une agression au couteau de la part d’un jeune gendarme, Ahmed Abdou, alias Fano, vendredi 13 septembre. Le mystère est entretenu sur la nature des blessures d’Azali Assoumani et sur les circonstances qui ont conduit à la mort de l’assaillant qui était entre les mains des services de l’ordre.
Par MiB
Contre tout attente, au regard de la situation stressante que vivent les Comoriens au lendemain de l’agression du chef de l’État, Azali Assoumani, une foule nombreuse a assisté à l’enterrement du jeune Ahmed Abdou alias Fano ce samedi matin dans son village de Salimani (Itsandra). Chacun semblait pétrifié par l’émotion. Selon un des journalistes qui ont couvert cette cérémonie, les autorités ont prévenu les journalistes qu’elles ne voulaient aucun commentaire sur la mort de ce jeune homme. Les gens présents se sont donc contentés de psalmodier des prières en silence, y compris le seul homme politique remarqué pendant cette cérémonie, Mohamed Daoud alias Kiki. Beaucoup remplissent ainsi leur devoir de musulmans envers un autre musulman, mais, ils font acte de présence pour refuser ce qui, selon toute vraisemblance est un nouvel assassinat d’un homme qui a été appréhendé par les forces de l’ordre et qui était entre leurs mains, vivant, la veille.
« Légèrement blessé »
Comme à son accoutumée, le gouvernement ne dit pas clairement les choses et laisse prospérer les rumeurs sur l’agression du chef de l’État Azali Assoumani vendredi 13 septembre. Mais des recoupements que la rédaction de Masiwa a pu faire, Azali Assoumani serait venu à Salimani (Itsandra) pour présenter ses condoléances à la famille du Mufti qui a perdu l’un des siens, un shaykh religieux connu dans la région. Pendant qu’il priait devant le mort, Ahmed Abdou, un jeune gendarme de 24 ans, recruté il y a moins de deux ans, aurait tenté de le poignarder. C’est alors que serait intervenu le gendre du Mufti, Djaoid Saïd Ahmed Cheikh, qui aurait pris le coup de poignard à la place d’Azali Assoumani et serait aujourd’hui à l’hôpital. Ce récit encore à confirmer dans les jours à venir, tellement les rumeurs se multiplient.
Le Procureur de la République, Ali Mohamed Djounaïd s’est contenté de rapporter qu’Ahmed Abdou a attenté à la vie d’Azali Assoumani avec un « couteau de cuisine », le blessant ainsi qu’une autre personne (Djaoid Saïd Ahmed Cheikh). Et depuis vendredi, le service de communication de la présidence n’a qu’une seule ligne d’information : « Le Président de la République Azali Assoumani a été légèrement blessé à l’arme blanche ».
C’est la ligne qui a été reprise par tous les ministères, par son fils Nour el Fath Azali et par les dirigeants de la CRC, le parti présidentiel, dans un point de presse et par tout ce que ce parti compte encore de soutiens dans le pays. À tel point que cela devient soupçonneux. Et l’on se dit que si la blessure du chef de l’État était légère, le régime en place dans toutes ses composantes ne se perdrait pas dans l’ivresse d’une phrase qui n’a pas de sens dans les circonstances actuelles. Azali Assoumani apparaitrait pour montrer qu’il n’a pas été atteint et comme il sait bien le faire se moquerait de l’assaillant tout en menaçant quiconque voudrait s’en prendre à lui encore une fois.
Par cette communication minimaliste, le gouvernement laisse planer toutes les supputations possibles autour des quelques informations livrées ou visibles. Pourquoi a-t-il dû retourner à l’hôpital le soir même pour de nouveaux points de suture, si ce n’est pas grave ? Pourquoi le sang continue à couler plusieurs heures après l’attaque ? Pourquoi n’a-t-il pas pu assister, comme prévu, à la cérémonie de Mawulida organisée à Ntsudjini le soir même ? Et plus grave, pourquoi n’est-il toujours pas en mesure d’assister au Mawulida de l’État qu’il n’a jamais manqué, plus de 48 heures après une « blessure légère » ? Les Comoriens sont habitués aux mensonges du régime.
Un mensonge d’État
Sur les circonstances qui ont conduit à la mort d’Ahmed Abdou, le mensonge est encore présent et il essaie d’occuper toutes les pièces. De ce qui ressortait de plusieurs témoignages depuis le début, le jeune gendarme aurait été conduit par le service de protection du président à Beit-Salam où il aurait commencé à être « interrogé ». C’est après l’annonce de sa mort, samedi matin, que le public a appris qu’il aurait été amené à la gendarmerie et que c’est là qu’il serait mort. Il faut rappeler que la gendarmerie de Ngazidja est dirigée par Loukmane Azali, fils du chef de l’État.
Comment un homme arrêté la veille a-t-il pu se retrouver mort le lendemain ? Pourquoi a-t-il été interrogé à Beit-Salam ? Le corps du jeune militaire a été rapidement ramené à sa famille dans la matinée de samedi.
Pour le Procureur de la République, Ali Mohamed Djounaïd, les choses sont simples et claires. En réalité, il ne donne aucune précision sur les circonstances de la mort du gendarme. Il se contente de réciter et répéter en comorien et en français une leçon apprise par cœur en s’emmêlant les pinceaux à certains moments. Visiblement il lisait une déclaration écrite par d’autres. Et la déclaration restait volontairement dans le vague, comme la communication de Beit-Salam.
Selon lui, après avoir été appréhendé par les services de protection du chef de l’État, Ahmed Abdou alias Fano a été remis aux enquêteurs. Il ne donne aucune précision ni sur ces enquêteurs dont il devrait être à l’origine de la nomination ni sur l’endroit où le jeune homme a été placé. Il n’a pas non plus cherché à expliquer le fait que plusieurs journalistes avaient affirmé que l’assaillant avait été amené à Beit-Salam. « Lorsque les enquêteurs se sont présentés ce matin pour l’auditionner, ils l’ont trouvé allongé par terre et inanimé ». Un médecin « a constaté le décès ». Où ? Quand ? Il ne le dit pas, sans doute, pour laisser un possible remaniement du scénario qui sera donné au public. Il est probable qu’à lui aussi il a été conseillé de ne pas faire plus de commentaires. Et il répète le leitmotiv fourni par la communication de Beit-Salam depuis vendredi, en y ajoutant sa touche linguistique : « Sa vue n’était pas en danger » (sic).
Le Procureur a ouvert une enquête sur l’action du jeune militaire et une autre pour élucider le mystère de sa mort. Ce n’est pas la première fois que le Procureur ou un responsable gouvernemental indique qu’une enquête est ouverte pour connaitre les circonstances de la mort d’une personne tuée à bout portant ou alors qu’elle était entre les mains de la Justice. Aucune de ces enquêtes n’a abouti à un jugement ou à une condamnation des auteurs des tirs ou des tortures.