Les Comores sont en crise. Nous le rappelons encore une fois parce que tous les jours l’espoir de retrouver une vie normale dans la paix devient de moins en moins possible. Un groupe d’hommes dirige le pays hors des frontières de la démocratie depuis trois ans. Ils imposent le silence partout. Ils emploient les moyens de l’État pour renforcer leur mainmise basée sur la peur et l’emprisonnement de toute voix divergente. Abdourahim Bacari
Les institutions censées faire respecter l’ordre public sont les premières à ensemencer le désordre. Parmi ces institutions, il y a l’Armée nationale de Développement (AND). En effet, l’Armée et la gendarmerie sont régulièrement utilisées pour réprimer le peuple comorien à chaque fois qu’il veut élever la voix pour exprimer ses douleurs, le désespoir, les pénuries de toutes sortes, la répression ou la privation de liberté. L’AND qui devrait avoir pour mission de préserver une paix durable dans notre pays fait le choix le plus simple, un choix qui ne l’honore pas, celui de soutenir un camp politique qui fait le mal et opprime le peuple.
« … la vraie loyauté consiste à dire la vérité à son chef. La vraie liberté est d’être capable de le faire, quels que soient les risques et les conséquences » disait le général français, Pierre de Villiers. Depuis la crise de 2018 et les nombreux coups contre la démocratie, aucun officier ou haut gradé de l’armée comorienne n’a eu le courage de dire « au chef » qu’il fait fausse route, qu’il plonge le pays dans une nouvelle crise qui va le faire reculer.
Une idéologie semble établie de manière universelle et elle a été résumée sous Donald Trump par le plus haut gradé de l’armée américaine Mark A. Milley, lors d’une interview à la National Public Radio : « … les branches armées des États-Unis doivent protéger la nation et ne peuvent être utilisées contre la population américaine sur le territoire national ».
Et pas très loin des Comores, à Madagascar, en avril 2018, les forces armées malgaches déclarent dans un communique, entre autres : « Nous choisissons le retrait des zones de manifestations pour éviter que la situation dégénère vers une violence intenable, mais restons néanmoins des protecteurs du peuple et de leurs biens » et indiquent au gouvernement que l’armée n’est pas là pour réprimer le peuple pendant les manifestations. Cela a obligé les hommes politiques malgaches à s’assoir, à négocier et à se diriger vers des élections démocratiques en novembre 2018.
Toute armée qui se respecte et respecte la distance qu’il doit y avoir entre elle et les politiques n’osera piétiner cette idée pour satisfaire un homme.
Personne ne demande à l’AND de faire un coup d’État, mais d’œuvrer pour le retour à l’ordre constitutionnel et de refuser de continuer à réprimer le peuple pour aider un clan politique contre d’autres.
L’AND n’a jamais respecté cette neutralité, et particulièrement depuis 2018 quand le chef de l’État, Azali Assoumani a décidé de changer les règles constitutionnelles pour prolonger son mandat au mépris de la tournante qui devait revenir à l’île d’Anjouan. Pourtant, en analysant la stratégie adoptée par le régime en place, on constate avec évidence que le pays risque, encore une fois, d’exploser. Le pouvoir en place s’en rend-il compte ?