Un nouveau gouvernement est souvent synonyme d’une nouvelle impulsion de la part d’un chef d’État. S’il change de gouvernement, c’est pour donner une nouvelle orientation, sinon, il se contente d’un simple remaniement ou comme dit l’adage populaire « ne change pas une équipe qui gagne ». Les observateurs de la politique comorienne cherchent encore, une semaine après l’annonce de ce gouvernement, dont l’accouchement a été long, quels sens lui donner. Mahmoud Ibrahime
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Le chef de l’État avait annoncé apaisement et ouverture avant de mettre en place son gouvernement.
Apaisement et ouverture ?
L’apaisement supposait que ceux qui ont créé une ambiance de guerre civile avec des arrestations intempestives et des jugements hors normes soient écartés. Avec ce terme « ouverture », on nous annonçait l’arrivée de barons de l’opposition et qu’Azali Assoumani allait leur ouvrir les portes afin d’atténuer les tensions entre le gouvernement et l’opposition.
Rien de tout cela n’a été fait.
Encore mieux, à l’intérieur de la mouvance présidentielle, on pouvait s’attendre à l’arrivée de nouvelles têtes, porteuses de nouveaux projets pour le gouvernement et pour les Comores. En un mot, des jeunes en phase avec la société actuelle, capables de porter l’émergence 2030 ou sa grande illusion. Certains se sont illustrés pendant la campagne de 2016, d’autres sont apparus depuis les assises. Quelques-uns se sont déplacés de France et ont attendu la mise en place du nouveau gouvernement, au cas où. Le chef de l’État laissait même entendre, à travers le mouvement des Chapeaux bleus (mouvement des femmes soutenant sa candidature), qu’enfin il allait ouvrir son gouvernement au genre, conformément à la Constitution.
Où sont les femmes et les jeunes ?
Rien de tout cela n’a été fait. Dans un gouvernement de 12 ministres et 3 secrétaires d’État, il n’y a qu’une seule femme ministre et une seule secrétaire d’État. La jeunesse a été bannie dans le nouveau gouvernement, aucun jeune n’a été appelé, non plus.Mahamoud Salim Hafi, le plus jeune du gouvernement précédent a été remplacé par un ancien de la politique.
Dans ce domaine de la formation du gouvernement, le chef de l’État semble être dans une certaine cohérence. La continuité. Sur 15 ministres, 11 était déjà là et occupaient les ministères régaliens et importants.
La domination des anciens
On pourrait commencer par le ministre des Affaires étrangères, Souef El-Amine, qui a poursuivi une stratégie étrange qui consiste à faire croire qu’il souhaite quitter le gouvernement, qu’il n’en approuverait pas les aspects oppressifs et que le chef de l’État le force à rester. Il est bien en place et n’a nullement l’intention de s’en aller. Il fallait juste remarquer que depuis sa nomination, personne ne l’a vu et il n’a fait aucune déclaration. Il ne figure même pas sur la photo officielle de sortie du conseil des ministres. Il n’était pas là pour recevoir la délégation de l’ONU venue enquêter sur les cas de tortures et il n’était pas présent à la réunion ministérielle sur la sécurité maritime à Maurice. Selon certaines indiscrétions, il serait en train de se soigner à Paris.
Les deux ministres les plus liés aux aspects répressifs du régime, à savoir le ministre premier, Moustadroine Abdou et le ministre de l’Intérieur Mohamed Daoudou ou même le Directeur de cabinet, chargé de la Défense Mohamed Youssouf dit Belou sont tous en place. Dans ce cas, peut-on espérer une évolution dans ce domaine ?
Sans parler des aspects répressifs dont le ministre de l’Intérieur est l’un des symboles dans ce gouvernement, Mohamed Daoudou est celui qui, en tant que ministre de l’Information a fait interdire les brillantes analyses du jeune juriste Mohamed Rafsandjani dans le journal gouvernemental, Alwatwan. Aujourd’hui, quand le chef de l’État a félicité le même Rafsandjani qui vient d’obtenir le Prix Guy Carcassonne pour son article (dans Le Monde), articlequi a trait à la constitution française, cela sonne comme une autre note d’insincérité et continue à montrer un gouvernement complètement déphasé, hors du monde et des exigences actuelles.
Parmi les entrants, Houmed Msaidié est certes opposé à la répression même s’il se trouve souvent à la défendre et à la justifier au nom de la recherche d’une cohérence de la mouvance présidentielle. Il a l’expérience ministérielle. Mais, comme Souef El-Amine, Abdallah Sarouma, Bianrifi Tharmidhi, Moahmed Moussa Moindjié, Soilihi Mohamed Djounaïd, Houmed Msaïdié était des gouvernements d’Azali Assoumani au début des années 2000. Pourtant, c’est le véritable homme fort de ce gouvernement. En plus de ses nombreuses prérogatives, il est le porte-parole du gouvernement.
Quelles nouveautés ces hommes habitués aux ministères depuis si longtemps peuvent-ils apporter ? Que veulent-ils faire aujourd’hui ? C’est ce que nous aurions voulu entendre dans le point de presse du Porte-parole, à l’issue du Conseil des ministres de jeudi. C’est sur ce plan qu’était attendu le chef de l’État quand il a annoncé une conférence de presse ce même jeudi. Au lieu d’un plan établi, une explication quant au chemin que le pays va suivre pour aller à l’émergence, nous avons eu la cacophonie.
Du compte rendu du porte-parole ressort l’idée d’un conseil des ministres (qui a été déplacé de mercredi à jeudi) anecdotique. On apprend ainsi que le président a demandé aux ministres de ne pas se disputer, qu’on a aussi parlé d’une rencontre de la FAO et de la signature du protocole de Kyoto. De tout cela, il ressort que le chef de l’État qui, dans l’architecture constitutionnelle actuelle demeure le chef du gouvernement n’a pas su donner les grandes lignes et tracer le chemin vers l’émergence qu’il appelle de ses vœux depuis maintenant plus de deux ans. Le gouvernement va donc naviguer à vue vers un eldorado encore lointain.
Deux idées semblent tout de même avoir été mises en avant, à savoir la lutte contre l’absentéisme dans l’administration et la mise en place d’un « comité chargé d’étudier la politique d’entrée et de sortie sur le territoire ». La première est souvent évoquée au début d’un nouveau gouvernement et la seconde laisse perplexe.
Dans la fin de l’après-midi, dans sa conférence de presse, le chef de l’État n’a pas été plus explicite sur ses intentions avec ce nouveau gouvernement. Au contraire, il a créé la confusion dans la tête de ses interlocuteurs (lire l’article suivant d’Ali Mbaé).
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