Le devoir premier d’un journaliste est de rapporter avec exactitude les propos des acteurs politiques, des témoins et des citoyens. Même quand ils sont dans un organe gouvernemental, ils ne sont pas obligés d’être des béni-oui-oui du gouvernement. Pour le besoin de l’équilibre de l’information. Par HACHIM MOHAMED
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Les régimes autoritaires ne sont jamais à court d’imagination pour empêcher les journalistes de faire leur métier.
C’est en lisant le post d’une consœur que l’ex-directrice de l’Information Binti Mhadjou et la rédactrice en chef de l’ORTC Moinadjoumoi Papa se sont rendu compte qu’elles ont été suspendues par un arrêté du ministre de l’information, Ahmed Saïd Jaffar. C’est par une note administrative datée du 30 janvier que le ministre a suspendu les deux journalistes de leurs fonctions. À en croire le gouvernement, ces deux journalistes ont eu à accorder trop de temps d’antennes aux grévistes, les commerçants qui protestaient contre les hausses et le manque de transparence dans les tarifs douaniers.
Pour une chaine nationale qui ne donne jamais la parole à l’opposition, l’interview qui a été accordée à l’ancien Gouverneur de Ndazidja et porte-parole de l’opposition n’était pas aussi du goût du pouvoir nonobstant le contexte des élections législatives où il fallait ouvrir l’antenne à toutes les opinons, pour tenir compte de l’équilibre de l’information.
« Nous sommes nommées par le Directeur général de l’ORTC Mahmoud Salim et non par le ministre Jaffar. De la part de nos autorités dans cette affaire, il n’y a pas de courrier ni de convocation nous notifiant cette suspension, encore moins la possibilité de pouvoir s‘expliquer » affirme la rédactrice en Chef de l’ORTC, Moinadjoumoi Papa
De plus en plus, la population comorienne constate qu’il y a des professionnels de l’information qui sont attachés à la véracité et qui sont de moins à moins complaisants dans l’exercice de leur métier.
Raison pour laquelle, le Collectif des journalistes comoriens s’est fendu d’un communiqué dénonçant « une volonté de briser l’élan d’ouverture vers l’expression de la diversité d’opinions à la télévision nationale ».
Dans un contexte de crispation politique où le pays est confronté à une urgence économique, démocratique et sociale, on constate à quel point le gouvernement comorien est prêt à persécuter les journalistes qui rendre compte de l’actualité.
Sous ce rapport, le responsable du bureau Afrique de reporters sans frontières Aranud Froger est on ne peut plus formel. «Un média de service public ne saurait être le simple relais de la communication gouvernementale. Cette sanction complètement injustifiée témoigne du contrôle encore très fort que souhaite exercer le pouvoir sur la télévision publique comorienne en plus d’enrayer cette ouverture plus indépendante, plus respectueuse de la pluralité des opinons. », soutient-il dans un communiqué publié sur cette affaire.
« RSF demande aux autorités de lever ces sanctions et de laisser les journalistes et les médias faire leur travail ».
Ce n’est pas la première fois qu’un ministre tient un discours accusateur et très dévalorisant à l’égard de journalistes comoriens ou suspend certains de leurs postes. De tels gestes de mépris du ministre envers des journalistes qui veulent bien faire leur métier laissent profondément amer plus d’un. Ces derniers temps, à la télévision nationale, les journalistes ont voulu montrer qu’ils ne s’accommodent pas de l’omniprésence et de l’omnipotence du discours officiel.
Après le communiqué de RSF, le 4 février c’est le Syndicat national des Journalistes (SNJ) français section de la Réunion apporte son soutien aux « deux journalistes comoriennes suspendues par le gouvernement ».
Le 6 février, c’est au tour du Syndicat international des Journalistes de condamner l’acte du gouvernement comorien. Son secrétaire général, Anthony Bellanger, déclare : « Nous nous alarmons de la façon dont la liberté de la presse est actuellement malmenée aux Comores et nous sommes indignés par ces suspensions qui ne sont fondées sur aucun motif légitime. L’indépendance de l’information est un indicateur de la bonne santé d’une démocratie. Nous engageons le gouvernement des Comores à revoir sa décision et à entamer un dialogue constructif avec les médias pour apaiser la situation sur le terrain. »
L’affaire a pris une tournure internationale, mais sur place à Moroni, les habitants ne sont pas moins surpris et perplexes face à une telle décision.
« Savez-vous qu’à la publication du RSF 2019 l’Union des Comores a perdu 12 places et occupe désormais la 56e place de classement mondial de la liberté de la presse. Du coup, quand les journalistes font un bon travail il faut s’en réjouir et les en féliciter. Je ne sais pas pourquoi le ministre des Affaires étrangères de notre pays avait dit au mois de janvier que 2020 est l’année de la presse ! Ce régime prend ses citoyens pour de béni-oui-oui. Et c’est en décelant leurs contradictions, nous nous interrogerons à chaque fois sur la viabilité des idées que ces décideurs défendent », affirme un citoyen qui travaille dans un café à Moroni.
Depuis le referendum de 2018 ayant donné au Président Azali Assoumani la possibilité de faire deux mandats successifs, il s’est passé beaucoup de choses qui ne sont pas orthodoxes. Trop de suspensions, agressions, intimidations vis-à-vis des journalistes et censures de journaux.
Récemment, le 11 janvier, Ali Mbaé de Masiwa Komor et le blogueur Obeidillah Mchagama étaient partis couvrir un rassemblement de l’opposition, et ont été arrêtés sur la route et mis en garde à vue trois jours. Ils continuent présentement à faire l’objet de contrôles judiciaires.
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