Nouroudine Abdallah, a été Directeur du Centre National de Documentation et de Recherche Scientifique de 2014 à 2018. Il a quitté l’institution pour diriger le Centre National d’Analyse et de Recherche sur les Politiques Publiques (CNARPP). Il fait le point sur ce qui a été fait en quatre ans et ce qui est encore à faire.
[ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2,3,4,5,6,9″ ihc_mb_template=”1″ ]
Masiwa – Vous avez quitté le CNDRS récemment en laissant un bâtiment flambant neuf, visible de l’extérieur et qui parait mieux sécurisé… vous en êtes certainement fier?
Nouroudine Abdallah – En effet, j’en suis fier. C’est un des tout premiers dossiers dont je me suis occupé en arrivant au CNDRS en 2014. Des locaux attrayants et fonctionnels sont un des paramètres à prendre en compte pour donner envie au grand public de venir au CNDRS afin de découvrir le patrimoine des Comores. Nous avons réalisé les travaux de rénovation du Centre grâce à l’appui de l’agence de coopération turque (TIKA) à qui je renouvelle mes remerciements.
Masiwa – C’est quoi le CNDRS ? Que trouve-t-on aujourd’hui au CNDRS ?
NA – Le CNDRS est une institution publique à caractère scientifique et culturel créée en 1979. Son cœur de métier, c’est le patrimoine (naturel, culturel et historique) des Comores. Le CNDRS comprend quatre départements : le Musée National, les Archives Nationales, la Bibliothèque et la Recherche scientifique. Sa création était initialement motivée par le souci de connaître (recherche), sauvegarder et transmettre le patrimoine (Musée, Archives, Bibliothèque) et faire en sorte que le patrimoine et l’histoire des Comores soient pris en compte dans les stratégies de développement du pays.
Masiwa – Le CNDRS est la bête endormie depuis de nombreuses années, et on l’a vue en 2018, soudain s’agiter avec de nombreuses activités culturelles, qu’est-ce qui explique ce sursaut ?
NA – Depuis mon arrivée au CNDRS, en 2014, il ne s’est pas passé un seul mois sans activités grand public. Il s’agit de conférences, de table-rondes, de séminaires, de colloques, d’expositions, de publications, etc. Des tournées ont été aussi faites à Ndzuani et à Mwali. Votre attention se porte sur 2018 parce que c’est l’année de la rénovation des locaux ; cette réalisation importante n’est, toutefois, pas isolée.
Masiwa – Nous avons tout de même connu le CNDRS avec des activités de recherche, un rayonnement international, la coopération avec l’INALCO à Paris, avec un institut suédois…
NA – Il est vrai aussi que nous avons noué de nouveaux partenariats et réactivé d’autres à l’instar de nos collaborations avec l’UNESCO, l’AUF, l’Iconothèque Historique de l’Océan Indien (IHOI), le Pôle Régional des Musiques Actuelles de La Réunion (PRMA), le CIRAD, l’AIEA, l’Université de Queensland (Australie), l’Université de Bristol (Royaume Uni), etc.
Masiwa – Pourquoi avez-vous voulu devenir directeur du CNDRS ? Quels objectifs aviez-vous et qu’est-ce que vous avez pu faire ?
NA – Ma motivation était de redynamiser le CNDRS et de le réformer afin qu’il puisse jouer le rôle qui doit être le sien dans le développement de notre pays. Il fallait, pour cela, redonner une crédibilité scientifique au Centre, puis rétablir le lien avec le grand public. Nous avons renoué des relations de confiance avec les partenaires techniques et financiers (l’UNICEF, l’Union Européenne, l’UNESCO, le PNUD, la TIKA, l’Ambassade de France), etc. Nous avons travaillé avec l’Université des Comores, l’Office National du Tourisme, des Organisations de la Société Civile, etc.
Nous avons fait revenir le grand public au CNDRS. Notre cible principale était portée sur les enfants et les jeunes à travers les établissements scolaires. La fréquentation du CNDRS a considérablement augmentée. Les Conférences du mois de Ramadan sont devenues un rendez-vous annuel attendu par le grand public.
Nous avons laissé des traces de nos actions en partageant des savoirs dans nos publications : (7 numéros de la revue Ya Mkobe sont parus depuis 2014), deux livrets d’Education au Patrimoine (les Livrets Ulanga et Utamadun) ; les Actes du Colloque International « Patrimoine, Education et Développement », trois documentaires sur le patrimoine des Comores.
Masiwa – Qu’est-ce qui reste encore à faire ?
NA –Durant ces quatre dernières années, nous avons laissé des traces et semé des graines pour l’avenir en élaborant un dispositif d’Education au Patrimoine (nos dernières publications seront versées dans des mallettes pédagogiques dédiées). Ce dispositif va être opérationnalisé à travers la mise en place de Classes du Patrimoine. Nous les avons expérimentés, et ça marche très bien. Les élèves prennent plaisir à découvrir le patrimoine des Comores. Il reste à systématiser à institutionnaliser le dispositif.
Nous avons élaboré un projet de réforme du CNDRS pour le rendre plus efficace et plus performant. Ce projet attend, depuis trois ans, la validation de nos autorités. Or, pour faire plus et mieux, le CNDRS a besoin de cette réforme. C’est une sonnette d’alarme : le CNDRS a besoin d’être réformé et non pas démantelé.
Masiwa – Au fur et à mesure des fréquentations des Archives Nationales, on se rend compte que des archives (notamment des photos) disparaissent. Des documents ont été envoyés à Mayotte, à partir d’Anjouan sans qu’aucune décision gouvernementale ne soit prise. Avez-vous pu stopper l’hémorragie ?
NA – Depuis mon arrivée au CNDRS, il n’y a pas eu de disparition de documents. Au contraire, nous avons enrichi notre fond documentaire des Archives et de la Bibliothèque. Cela vaut aussi pour le Musée. Cela aussi doit être dit, sans quoi la politique de collecte que nous avons engagée se heurtera indéfiniment à ce mur des documents « disparus ».
Masiwa – Est-ce que les Archives nationales n’ont pas besoin d’un bâtiment spécifique, plus grand et mieux sécurisé ?
NA – Le CNDRS a besoin de plus d’espace pour ces activités de documentation. Nous avons demandé au gouvernement d’attribuer au CNDRS le bâtiment Dar-Saada pour y installer les Archives et la Bibliothèque. Ce bâtiment, qui est un patrimoine historique de notre pays, serait à sa place au CNDRS. Le Gouvernement a donné un accord qui n’a jamais été rendu effectif malgré les nombreuses démarches que nous avons entreprises. Mon successeur pourrait reprendre ce dossier et tenter de le faire aboutir.
Masiwa – Pourquoi avez-vous quitté le CNDRS ?
NA – J’ai quitté le CNDRS parce que je ne peux pas y faire plus et mieux sans en passer par la réforme. Or, j’ai essayé, mais en vain, de faire aboutir notre projet de réforme. Je ne peux pas me satisfaire de l’existant quand je connais le potentiel du CNDRS et les possibilités de faire de cette institution originale (combinant science, culture et patrimoine), un Centre d’excellence qui pourrait rayonner au-delà des limites de notre pays. Le potentiel est là ; il est regrettable que l’Etat de s’en rende pas compte.
Masiwa – Quelles sont vos fonctions actuelles ?
NA – J’ai répondu à un appel à candidature pour le recrutement du Directeur Général d’une institution publique de recherche à mettre en place : le Centre National d’Analyse et de Recherche sur les Politiques Publiques (CNARPP). Ma candidature a été retenue par le Comité d’évaluation. Ma nomination est faite par le Président de l’Union des Comores. C’est le début d’une nouvelle aventure…
[/ihc-hide-content]
Propos recueillis par Mahmoud Ibrahime