Tel un masque de beauté sous une averse, la ville chef-lieu d’Anjouan promène une laideur choquante en cette période de Kash-kazi. Mais est-ce juste une négligence passagère, ou le signe d’un crépuscule qu’assombrit un ciel ombrageux ? Juz’r.
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L’origine masculine de son nom (« Musa mudu ») trompe sur la féminité de la ville. Kamaroudine Abdallah Paune, un auteur du coin, a consacré un livre de prose sur la sensualité de cette médina, son érotisme que dévoilent les eaux de l’océan venant se loger dans la baie pénétrant jusqu’aux portes des maisons. Grouillantes dans la journée, ses ruelles enlacées plongent dans la pénombre dès le coucher de soleil et la ville change de décor. Les odeurs de cuisine chuchotent avec les effluves du jasmin que dégagent les ombres voilées déambulant dans une nonchalance typique des villes portuaires. Le long de la route de la corniche, la baie est témoin des aventures qui se nouent, des amours qui se brisent comme ces vagues qui viennent mourir sur la côte.
« Mtsamudu y si risa » !
C’était avant. « Mtsamudu y si risa » ! lançait sur un air nostalgique et quelque peu dégoûté, un jeune croisé à Chitsangani, le quartier nord de la ville. Mutsamudu est moche répétait-il. Un cri du cœur en forme d’alerte citoyenne en cette période de campagne pour les municipales. C’est la triste réalité d’une ville qui se défigure. Côté mer, dans leur reflux, les eaux de l’océan poussées par les vents du Kash-kazi abandonnent sur le sable noir de la baie leur vomi de détritus que les hommes leur font avaler et qu’elles ne parviennent plus à digérer. Des bouteilles et des sachets en plastique, des restes de sandales usées, des boites de conserves, des couches hygiéniques, des morceaux de vêtements qui à force de suivre le roulis des eaux, tissent des ballots ensablés. L’on aperçoit d’ailleurs plus le sable, ou plutôt ce qu’il en reste de l’extraction sauvage et quotidienne. Se dégage un décor aussi chaotique que nauséabond, un indescriptible lieu où les barques des pêcheurs cohabitent avec des monts de ferrailles, épaves de bateaux rappelant la bêtise humaine.
Les opérations de nettoyage se multiplient pourtant. Mais les bénévoles des associations à l’initiative de ces actions sont épuisés et n’ont plus l’énergie pour débarrasser ces décombres qui continuent de se déverser sur le littoral, charriés par les eaux des pluies ravalant les pentes en torrents, depuis les quartiers haut de la ville. Les buses datant de la période coloniale par lesquelles s’infiltraient les eaux de ruissellement jusqu’à la mer, sont bouchées. Les eaux et les détritus cohabitent avec les humains dans les étroites ruelles. Les lits des rivières ressemblent à des caniveaux à ciel ouvert. Lassés par le déluge de leur propre consommation, les habitants se remettent au destin faute de pouvoir compter sur des autorités municipales qui ont depuis longtemps abdiqué.
Risques sanitaires
Mutsamudu n’a pas seulement perdu son charme, elle est abandonnée. Par les siens d’abord qui ont déserté la médina, fuyant vers des quartiers plus éloignés s’ils n’ont pas tout simplement émigré vers d’autres cieux. Ceux qui y vivent encore semblent en transit. Inconscience ou indifférence, les problèmes de la cité ne semblent préoccuper personne, sauf comme sujet à palabre. De la même manière que l’eau qu’ils consomment et dont on peut douter de sa potabilité, la multiplication des déchets menace dangereusement la santé des riverains. Il est fréquent à Mutsamudu de croiser des gens avec sur le bras un cathéter en prévention d’une éventuelle injection intraveineuse. Preuve des pics de fièvres, de maladies respiratoires, de la typhoïde que connaît l’île et que l’on peut attribuer à cet environnement malsain. La lèpre, les maladies de peau sont également en croissance sur l’île. Avec l’accumulation des ordures à tous les recoins de la ville, le risque d’apparition de la peste est à craindre. Mais tout le monde passe à côté.
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