La semaine prochaine paraîtra aux éditions Cœlacanthe le livre posthume du diplomate et patriote Inzouddine Hodhaer, décédé il y a deux ans, le 30 janvier 2018. Ce n’est pas un livre sur la vie de ce remarquable diplomate, ce n’est pas une autobiographie, mais une réflexion sur le ministère des affaires étrangères comorien où il a travaillé toute sa vie durant et sur la nécessité de le restructurer pour qu’il soit plus efficace. Par Mahmoud Ibrahime
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Une carrière pleine aux Affaires étrangères
Inzouddine Hodhoaer est né à Domoni (Anjouan) en 1955. Après son bac au lycée de Mutsamudu et son service national au Collège Rural de Bambao Mtsanga (Anjouan), il a quitté son pays pour aller apprendre son métier de diplomate au Maroc de 1979 à 1983, puis à Paris, de 1986 à 1987. Il termine ses études à la Sorbonne Paris 1, alors qu’il exerce déjà comme diplomate.
Il a fait son entrée au Ministère des Affaires étrangères en 1983, de retour du Maroc en tant que chef de service Accords et Conventions. Au sein de ce ministère, il gravira tous les échelons occupant plusieurs fonctions. Il sera ainsi Directeur des Affaires Juridiques et de la Chancellerie de 1984 à 1996, avec une courte période (1991-1992) pendant laquelle il sera Premier Conseiller à la Mission Permanente des Comores auprès de l’ONU (New York). En 1997, il devient Directeur Général des Affaires politiques et juridiques, puis Directeur Général « Afrique et Asie » à partir de 2000.
En 2004, il atteint le grade d’Ambassadeur et il exerce pendant une année auprès de l’Union africaine, puis en tant que Directeur de cabinet du Ministre des Relation extérieures jusqu’en juin 2006. L’année suivante, il est nommé Secrétaire général du ministère, avant de rejoindre l’Ambassade des Comores à Pretoria en tant que chargé de mission de Ministre Conseiller à partir de 2007.
De juin 2009 à juin 2011, il devient ministre de la Santé du président Sambi, avant de passer aux Postes et Télécommunications.
Il reprend sa carrière au ministère des Affaires étrangères en juin 2012, en tant qu’Officier Permanent de Liaison de l’Union des Comores auprès de la Commission de l’Océan Indien (COI), jusqu’à sa mort en janvier 2018.
Un manuscrit posthume
Ils sont rares les diplomates qui connaissent aussi bien le ministère des Affaires étrangères que l’a connu l’Ambassadeur Inzouddine Hodhoaer. Aujourd’hui, l’actualité nous permet de dire que c’est un ministère désorganisé, qui n’a plus de direction, dans lequel on a vu parfois, le ministre lui-même, déclarer ne pas savoir qu’un acte aussi important que la signature d’une pétition en faveur des camps de concentration pour musulmans en Chine a été commis par la diplomatie comorienne. Le temps du changement, de la structuration pour que les services fonctionnent correctement est venu. L’Ambassadeur Hodhoaer était sans doute le mieux indiqué pour faire des propositions de restructuration.
Il n’est plus parmi nous. Mais, il avait entrepris ce travail peu avant sa mort. Il ne l’a pas complètement achevé. Ses enfants ont confié tout de même aux éditions Cœlacanthe le manuscrit et le livre sort la semaine prochaine, d’abord à Paris pour des raisons de commodité puis à Moroni.
Le diagnostique
Après un « Avant-propos » et une « Introduction », le livre se compose de 7 chapitres. Les deux premiers chapitres font l’historique de la diplomatie comorienne et de ses premiers combats à la sortie de la colonisation, avec d’une part le départ précipité de l’administration française en décembre 1975 et la question de l’île comorienne de Mayotte. L’auteur insiste sur les victoires obtenues en peu de temps et avec peu de moyens.
Les trois chapitres suivants permettent à l’auteur, avec son expérience, de montrer le fonctionnement du ministère des affaires étrangères ces derniers temps.
C’est dans ces chapitres que l’Ambassadeur fait aussi, avec tact et intelligence, le procès des dysfonctionnements du ministère, entre autres les copinages qui ont pour conséquence l’arrivée de gens qui n’ont aucune compétence diplomatique au ministère, le manque de moyens financiers, notamment pour les ambassades à l’extérieur, l’inexistence d’une politique extérieure claire, le manque de suivi….
Les propositions pour une diplomatie plus efficace
Les deux derniers chapitres abordent les propositions de l’Ambassadeur pour améliorer les actions du ministère des affaires étrangères.
En réalité les propositions ont commencé dès le chapitre 3. L’auteur proposait déjà de revoir les bâtiments, l’organigramme, le statut du diplomate afin de professionnaliser au maximum le personnel en évitant les nominations de complaisance et établir un plan d’action des affaires étrangères comoriennes.
C’est surtout dans le chapitre 6, intitulé « Propositions pour une organisation de l’administration centrale des affaires étrangères » que l’on retrouve les propositions les plus intéressantes pour restructurer un ministère qu’il connaissait bien, ayant fait toute sa carrière dedans.
Sur la liste de ses propositions, l’Ambassadeur revient souvent sur le personnel du ministère et fait un plaidoyer pour que les carrières au sein du ministère soient prises en compte en lieu et place des nominations politiques et inefficaces.
Dans tous les cas, pour l’Ambassadeur Hodhoaer, l’impulsion de la réforme du ministère des Affaires étrangères doit venir de l’exécutif, c’est-à-dire du Président de la République pour qu’elle puisse aboutir et aller en profondeur.
L’œuvre d’Inzouddine Hodhoaer reste inachevée. La maladie l’a pris trop tôt. Il hésite entre le manuel pour diplomates et une proposition de réformes. Il reste toutefois, pour tous ceux qui constatent les errances du ministère des affaires étrangères ces derniers temps, une base pour une prochaine restructuration. Ce livre est la preuve que les actions des patriotes ne meurent jamais avec eux et continuent à les faire vivre parmi les réformateurs.
Inzouddine Hodhoaer, Lumières. Pour une diplomatie comorienne rénovée, Coelacanthe, février 2019, 125p. 12€.
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