Les élections municipales ne sont pas finies, des tensions demeurent entre les partis représentés au gouvernement. Les problèmes se sont cristallisés dans l’élection du maire de Moroni où le ministre de l’Intérieur cherche à tout prix à imposer son homme. Par Mahmoud Ibrahime
[ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2,3,4,5,6,9″ ihc_mb_template=”1″ ]
Après le retrait de l’opposition des élections législatives et communales, on pouvait penser que les candidats représentés au gouvernement allaient se partager les postes sans trop de bruits. Pourtant, nombre d’entre eux ont dénoncé les dérives et les fraudes, le parti présidentiel CRC accusant le ministre de l’Intérieur d’avantager les candidats du parti Orange dont il est le président, et les candidats du parti Orange accusant la CRC de vouloir rafler tous les mandats. Il faut dire que le parti présidentiel a eu la quasi-totalité des postes de députés à l’Assemblée nationale (20 députés sur 23) et arrive en tête dans la grande majorité des communes.
La question des chefs de villages et de quartiers
Aux Comores, ce n’est pas celui qui est arrivé en tête des élections ou qui réussit à faire une coalition qui peut espérer devenir maire. C’est surtout celui qui a le plus de chefs de villages ou de quartiers qui sont nommés en Conseil des ministres, le plus souvent sur proposition du ministre de l’Intérieur. En effet, ces derniers, bien que n’ayant pas été désignés par la population siègent au conseil municipal et votent le maire. Cela avantage les candidats gouvernementaux.
En 2015, Ahmed Barwane était arrivé en tête aux élections dans la capitale, le gouvernement a nommé des chefs de quartiers qui ont donné la mairie à Mohamed Daoudou dit Kiki, actuel ministre de l’Intérieur. Ce dernier a retenu la leçon puisque depuis 2016, il est ministre de l’Intérieur et qu’il a préparé son parti à gagner ces élections à Moroni. Il a nommé un bon nombre de chefs de villages et de quartiers et surtout il a maintenu un certain lien avec eux.
Dans la concurrence existante entre la CRC et Orange, il semble que Beit-Salam tente de donner un coup de main au parti présidentiel. Par exemple, dans la région de Mbude, des partisans du parti RADHI (parti du ministre de l’Économie) ont dénoncé la convocation/invitation des chefs de village à Beit-Salam pour leur indiquer dans quel sens voter. Et l’on peut imaginer que cela ne s’est pas fait uniquement dans cette région dans laquelle existent deux communes.
Encore des procurations…
La guerre entre les deux partis se joue dans la bataille de Moroni. Les partisans du ministre de l’Intérieur sont si pressés de prendre la mairie qu’ils lui ont fait oublier les directives du chef de l’État prises pour protéger la population du Coronavirus, directives que le ministre lui-même a reprises dans une circulaire. Il est ainsi interdit de se réunir à plus de 20 personnes. Il a même oublié qu’il y a des textes qui régissent l’organisation de ces élections des maires.
Pourtant le ministre de l’Intérieur a convoqué les conseillers municipaux, les chefs de quartier et de nombreuses personnalités, soit plus de 60 personnes pour élire le maire de Moroni le 19 mars, sous la supervision de la CENI. D’abord convoqués à la Mairie, finalement, ils se sont retrouvés au foyer waka-waka. Dans ce conseil municipal destiné à élire le maire, le ministère de l’Intérieur et le candidat du parti Orange auraient présenté huit procurations qui n’auraient pas été visées par le Tribunal et que le représentant de la CENI, Saïd Mzé Dafiné aurait validées, selon Abdoulfatahou Saïd, la tête de liste de « Moroni pour tous ». C’est parce que le représentant de la CENI et le ministre de l’Intérieur ont refusé de mettre de côté ces huit procurations que tous les représentants des autres listes ont décidé de quitter le lieu de l’élection.
Hassane Mohamed Halidi élu maire
L’élection a donc été organisée par le ministre et le représentant de la CENI avec comme président, l’écrivain Mohamed Zeine. Un Procès-Verbal a même été dressé signé par les trois hommes, ainsi qu’un secrétaire de séance. Et Hassane Mohamed Halidi a été déclaré élu. Dans son discours improvisé, il a naturellement envoyé ses remerciements au ministre de l’Intérieur, également chef de son parti, qui lui a permis de devenir maire de la capitale.
Au même moment, les représentants des trois autres listes principales se sont réunis à la Mairie pour s’adresser à la presse et détailler les raisons qui invalidaient, selon eux, l’élection qui venait de se faire.
Élections suspendues
Au lendemain, de cette élection, l’ancien député Abdoulfatahou Saïd saisit le Tribunal de Première Instance de Moroni par assignation pour demander que le processus d’élection des Maires à la Grande-Comore soit suspendu. En effet, les règles veulent qu’avant de rédiger un arrêté d’organisation de ces élections, le ministre de l’Intérieur se concerte sur les modalités avec le Gouverneur de l’Ile or cela n’a pas été fait. Abdoulfatahou, conseillé par l’ancien ministre de l’Intérieur, Abbas Mohamed El-had, second sur sa liste, a demandé ni plus ni moins que la suspension de l’arrêté pris par le ministre de l’Intérieur le 12 mars et portant organisation des élections des maires au sein des conseils municipaux. Le ministre de l’Intérieur n’était même pas représenté au Tribunal.
Le tribunal de Première Instance est allé dans le sens d’Abdoulfatahou et a suspendu l’arrêté du ministre de l’Intérieur. Du même coup, toutes les élections de maires qui ont été organisées ou qui devaient l’être ces jours-ci ont été suspendues. C’est un véritable camouflet, aussi bien pour le ministre de l’Intérieur, Mohamed Daoud que pour le représentant de la CENI, Saïd Mze Dafine qui pensaient régler le sort de la mairie de Moroni en quelques heures et faire valoir la force contre la loi.
Décidément, comme en 2015, les élections communales aux Comores reflètent la carence démocratique et les méthodes de l’organe chargé des élections aux Comores, la CENI.
[/ihc-hide-content]