Depuis plusieurs années, les procureurs comoriens successifs nous ont habitués à des communications des dossiers en cours à travers des conférences de presse. Les journalistes sont conviés à la grand-messe du parquet de Moroni pour expliquer les raisons principales des arrestations, mises en examen et éventuellement des ordonnances de mise en détention.
Pire encore, ce spectacle de désolation donne l’impression que les Comoriens lui demandent des informations sur les faits divers pour connaitre les raisons des poursuites judiciaires engagées contre certaines personnes.
Parallèlement, les procureurs de la République successifs n’ont pas été insensibles à l’évolution de la pratique de leurs homologues français qui organisent occasionnellement des conférences presse.
Le monde étant devenu un village planétaire, l’Union des Comores n’a pas été épargnée par le phénomène de la circulation rapide de l’information.
Toutefois, cette pratique est tellement devenue banale aux Comores qu’elle interroge le juriste sur la légalité des interventions du procureur de la République et la finalité de ces opérations de communication.
Malheureusement, un coup d’œil rapide sur le Code de Procédure pénale comorien ne laisse aucune place au doute sur l’illégalité de cette pratique. Le législateur comorien ne prévoit pas de disposition particulière sur la communication des affaires en cours à la presse et ne lui a attribué aucune compétence à cette fin.
Ainsi, le procureur de la République des Comores n’a pas le droit de communiquer de quelque manière que ce soit sur ces affaires.
À titre de comparaison, le législateur français a encadré et délimité le domaine d’intervention du procureur de la République sur la communication avec la presse. Dans l’air du temps et avec la diffusion rapide de l’information surtout dans les réseaux sociaux, le législateur lui a donné l’autorisation, et à titre exceptionnel, de communiquer sur les affaires en cours.
Le Code de Procédure pénale français règle définitivement le problème par l’article 11 alinéa 2 (Loi du 15 juin 20000) qui prévoit que :
« Toutefois, afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public, le procureur de la République peut, d’office et à la demande de la juridiction d’instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.»
La finalité des interventions du procureur de la République
On est en droit de s’interroger sur le but des conférences de presse du procureur de la République de Moroni.
L’exemple de la conférence de presse sur l’affaire des MABEDJA en août 2021.
Lors de la conférence de presse, le procureur de la République de Moroni a parlé des chefs de préventions de « participation à un groupe criminel organisé, d’association de malfaiteur, de manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique et de trouble à l’ordre public et complicité ».
Il n’a pas donné d’éléments objectifs sur la matérialité des chefs de prévention retenus pour que les Comoriens sachent exactement ce qui justifiait ces mises en examens pour des infractions aussi graves.
Par contre, le procureur de la République a insisté sur le fait que les revendications sociales des Mabedja étaient des manœuvres de diversion pour déstabiliser le pays.
Lors de la conférence de presse, le procureur de la République a refusé de communiquer des informations exactes sur les faits reprochés aux Mabedja et dans le même temps, il tire la conclusion que les manifestations publiques initiées par les Mabedja étaient des manœuvres de diversion.
Au final, l’intervention du procureur de la République ressemblait plus à une déclaration politique qu’à la communication des éléments objectifs du dossiers à l’opinion publique.
En plus de l’illégalité de la conférence de presse du procureur de la République, les Comoriens ne savent pas concrètement les éléments qui justifiaient les mises en examen et les détentions provisoires des Mabedja alors que c’est le but principal de cette opération de communication, telle que nous la connaissons en France.
Alors, comment avancer dans ce pays, si le procureur de la République, l’organe principal chargé de faire respecter la loi, est le premier à la fouler au pied ?